Le doyen de la faculté des sciences Ben M’Sik à Casablanca, Mohamed Talbi, a refusé de décerner un prix à une étudiante de l’École supérieure de technologie (EST) de Casablanca, parce qu’elle portait un keffieh palestinien. Ce responsable d’une université marocaine a d’ailleurs quitté la cérémonie en signe de protestation contre la solidarité affichée pour le peuple palestinien, victime d’un génocide en règle par l’armée israélienne, depuis le 7 octobre 2023.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Les faits ont eu lieu, le 13 juillet 2024, alors qu’il faisait partie des invités d’honneur d’une cérémonie de remise de diplôme à l’École supérieure de technologie de Casablanca, Mohamed Talbi, doyen de la Faculté des sciences de Ben M’sick, monte sur l’estrade et enjoint la jeune fille diplômée d’enlever son keffieh, qu’elle portait, manifestement, en solidarité avec le drame du peuple palestinien. Le doyen refuse ensuite de remettre un prix à l'étudiante, avant de tourner les talons et de quitter la salle et la cérémonie, en signe de protestation contre le fait que cette jeune fille ait osé montrer son soutien et son engagement pour la Palestine.
Voici pour les faits tels qu’ils se sont déroulés devant l’assistance, sous l’œil des caméras et autres smartphones, qui ont relayé l’information sur les réseaux sociaux et dans de nombreuses publications. Maintenant, pourquoi le doyen de la faculté des sciences de Ben M’Sik a eu cette réaction ?
Pour le bureau local du Syndicat national de l’enseignement supérieur, qui a, d’ailleurs, publié un communiqué exprimant sa «condamnation ferme du comportement irresponsable du doyen de la faculté des sciences Ben M’sik», le doyen a refusé de cautionner le port du keffieh lors d’une cérémonie de remise de diplômes parce qu’il n’est pas d’accord avec ce soutien affiché et assumé pour le peuple palestinien.
Le bureau a tenu également à assurer sa solidarité inconditionnelle avec l’étudiante qui a été prise à partie par le doyen de la faculté des sciences de Ben M’Sik. Pour le bureau, «le port du keffieh palestinien est une source de fierté pour l’étudiante et sa famille, en plus de son excellence académique». Les membres du bureau ont aussi appelé «à prendre une position ferme contre ce comportement aberrant du doyen».
De leur côté, les étudiants de cette institution où s’est déroulée cette scène, ont demandé l’ouverture d’une enquête sur l’incident où «le doyen de la faculté des sciences Ben M’sik a refusé de distinguer une étudiante brillante en raison de son port du keffieh palestinien».
Dans ce sens, le bureau des étudiants de l’EST a publié un communiqué dénonçant fermement l’incident :«Nous avons été témoins d’une attitude déplorable et inacceptable du doyen de la faculté des sciences Ben M’sik, qui a refusé de remettre le prix à une étudiante brillante en raison de son port du keffieh palestinien, considérant cela comme une prise de position politique».
Dans l’absence d’une explication claire et assumée de la part du doyen de la faculté de Ben M’Sik, qui ne répond à aucun appel de la part des journalistes et revendique son droit au silence, les uns et les autres ne peuvent avancer que des conjectures allant de son soutien à Israël à son affiliation présumée à une certaine organisation sioniste.
Il est clair qu’on ne peut, sans preuves à l’appui, affirmer ni infirmer ces deux théories. Reste que, même devant le Parlement où l’affaire a fait l’objet d’une question directe au ministre de l’Enseignement supérieur, Abdellatif Miraoui, de la part d’un député, le responsable marocain a affirmé que «c’est une erreur de la part du doyen» et que nous pouvons tous faire des erreurs.
Quoi qu’il en soit, il est hors de question de jeter cet homme à la vindicte publique en le lynchant via le Net et les réseaux sociaux. Mohamed Talbi, responsable d’une faculté nationale, a le droit d’avoir ses propres opinions et ses valeurs, comme chacun de nous. Certes, sa réaction est choquante face à cette jeune fille et son keffieh.
Nous avons du mal à nous expliquer le pourquoi du comment, mais admettons que cet homme soit contre le combat du peuple palestinien, le bon sens aurait voulu qu’il garde ses convictions pour lui lors de cette cérémonie et accepter la différence entre ses convictions et celle de cette jeune fille. Il aurait aussi dû refuser de monter sur l’estrade voyant la jeune porter son foulard devenu symbole de la lutte du peuple palestinien.
Il aurait aussi pu quitter la salle bien avant sans attirer ni l’attention ni créer cet incident qui est devenu viral. À moins qu’il ait été convaincu que vu sa position de doyen, il pouvait demander à la jeune fille d’enlever son keffieh et qu’elle allait s’exécuter. Ce qui n’était pas le cas.
L’un dans l’autre, cette scène a donné corps à tant d’interprétations et de conjectures, jetant un voile d’opacité sur les motivations des uns et des autres, à un moment où l’on ne sait plus à quel saint ni à quel diable se vouer !