Il y a des coups de fil qui changent le cours de l’Histoire. Et puis il y a celui entre Donald Trump et Vladimir Poutine, qui, lui, change tout… pour que rien ne change.
Mardi 18 mars, les deux présidents se sont offert un long échange téléphonique, d’où il ressort un accord sur une trêve dans la guerre russo-ukrainienne limitée aux infrastructures énergétiques. Enfin, un apaisement momentané, taillé surmesure pour donner l’illusion du progrès tout en ménageant les ambitions russes.
Un «deal» à la Trump : beaucoup de bruit, des annonces clinquantes et un résultat proche du néant. Le timing de cet appel avait de quoi susciter des espoirs, notamment du côté de Kiev. L’Ukraine, sous pression militaire et diplomatique, a dû s’accommoder de ce que Washington a vendu comme une avancée majeure. En réalité, la Russie s’est engagée à ne pas attaquer les infrastructures énergétiques ukrainiennes… pendant trente jours.
Un cadeau empoisonné, puisque Moscou continue allègrement de bombarder les hôpitaux, les immeubles résidentiels et tout ce qui n’entre pas dans la définition très restrictive de cette trêve. Ainsi, dès la première nuit suivant cet échange téléphonique, la Russie a fait pleuvoir 145 drones et six missiles sur l’Ukraine.
Parmi les cibles ? Deux hôpitaux, des habitations, des infrastructures ferroviaires… Tout sauf l’énergie. On pourrait presque saluer le sens du détail des stratèges du Kremlin, qui respectent à la lettre un engagement dont ils ont eux-mêmes rédigé les clauses. Pendant que Poutine feint la retenue, exigeant cependant que l’aide militaire occidentale à l’Ukraine se tarisse, Trump se pavane en champion de la paix, vantant «un appel très bon et productif», tout en rêvant d’accords économiques colossaux.
Pendant ce temps, l’Ukraine, elle, compte ses morts et répare ses infrastructures, dans une énième démonstration du cynisme diplomatique à l’œuvre. C’est dire qu’en réalité, cette trêve limitée ne change rien au quotidien des Ukrainiens. Mais après tout, qui s’en étonne encore ? Trump, dans son approche si singulière de la géopolitique, semble avoir trouvé en Poutine un interlocuteur aussi habile que lui dans l’art du bluff.
L’essentiel n’est pas de parvenir à un cessez-le-feu global, mais de faire croire que l’on y travaille. Mais ce qui choque le plus dans cet échange téléphonique Trump - Poutine, ce n’est pas tant le contenu (après trois ans de guerre, on a compris que la Russie ne céderait rien sans contrepartie substantielle), mais plutôt la méthode. Kiev n’a pas été conviée à ces discussions. Volodymyr Zelensky, une fois de plus, s’est retrouvé dans la posture d’un président à qui l’on impose des décisions prises ailleurs.
Par d’autres. Washington et Moscou discutent, et l’Ukraine découvre ensuite les termes du «deal». Drôle de manière de négocier l’avenir d’un pays en guerre. Dans ce marché de dupes, ce n’est donc pas un cessez-le-feu durable qui se dessine, mais un futur où l’Ukraine pourrait être contrainte de céder des territoires pour acheter une paix fragile.
Et dans cette équation, Kiev a peu d’options : accepter un compromis humiliant ou risquer de se passer de l’aide militaire américaine que ne pourra suppléer l’Europe dans l’immédiat. Bref, dans cette partie d’échecs entre Washington et Moscou, Kiev semble n’être qu’un pion de plus.
Par D. William