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Aïd Al-Adha : On sacrifie le sacrifice

Aïd Al-Adha : On sacrifie le sacrifice

C’est officiel. Il n’y aura pas de bêlements de moutons dans les ruelles cette année. Pas d’odeur de grillades qui s’incruste dans les vêtements, ni de couteaux affûtés avec application. Non, cette fois, l’Aïd Al-Adha sera célébré sans sacrifice. Ou plutôt avec un autre type de sacrifice : celui de la tradition au profit de la raison.
 

Le Roi Mohammed VI a en effet tranché, avec la sagesse qui sied à sa fonction d’Amir Al-Mouminine : «Nous invitons notre cher peuple à s’abstenir d’accomplir le rite du sacrifice de l’Aïd de cette année». 

L’argument est imparable. La sécheresse sévit, l’état du cheptel est préoccupant et le prix des bêtes aurait fini par transformer la fête du partage en une épreuve financière insoutenable pour nombre de ménages. En somme, mieux vaut s’abstenir d’égorger un mouton que… d’égorger le budget familial.

Il faut savoir que depuis six ans, en raison du stress hydrique sévère, les pâturages se raréfient. Résultat : nourrir un mouton coûte une petite fortune et les éleveurs peinent à maintenir leur cheptel. La loi de l’offre et de la demande a ainsi fait exploser les prix, transformant l’achat du mouton en un véritable casse-tête budgétaire. 

Face à cette situation, le gouvernement a pourtant multiplié les mesures pour contenir la crise : suppression des taxes sur les importations de bétail, interdiction de l’abattage des femelles reproductrices, importation massive de bovins et d’ovins... 

Mais, malgré ces efforts, l’équation est restée insoluble. Avec une question lancinante : vaut-il mieux préserver le cheptel ou préserver l’économie rurale ?

L’Aïd Al-Adha génère près de 18 milliards de dirhams de transactions, principalement au profit du monde rural. Au-delà de son aspect religieux, cette fête crée une mécanique bien huilée où tout le monde trouve son compte, de l’éleveur au boucher de quartier, en passant par les transporteurs, les vendeurs de charbon, de grils ou encore de paille. L’annuler, c’est assécher cette manne qui alimente tout un écosystème. C’est aussi priver les citadins de leur excursion annuelle aux marchés aux bestiaux, ces souks vivants où se négocient les prix avec plus de passion que sur le marché boursier.

Pourtant, pour de nombreuses familles, la non-observation de ce rituel pourrait être un soulagement. Selon le haut-commissariat au Plan, l’Aïd Al-Adha représente près de 30% de la dépense globale des ménages marocains dédiée annuellement à la consommation des viandes. Ce qui pèse lourd sur les portefeuilles. Pas étonnant que 13% des Marocains renoncent déjà à ce sacrifice, un chiffre en constante augmentation. Ironie de l’histoire : les ménages les plus modestes sont ceux qui tiennent le plus à cet acte, tandis que les plus aisés s’en affranchissent volontiers.

La fête restera une fête

Alors, cette année que restera-t-il de l’Aïd sans le sacrifice ? La prière collective, les repas en famille, les visites aux proches et la générosité envers les plus démunis. En somme, l’essence même de la fête. 

Car, au final, il ne faut pas confondre le rituel et son esprit. En somme, cette année, on sacrifie le sacrifice. Et c’est peut-être la meilleure façon d’en comprendre le véritable sens.

Et puis, après tout, il y a un avantage indéniable à cette décision royale : pour une fois, les rôtis ne seront pas ratés par excès d’enthousiasme, les ordures ne s’amoncèleront pas dans les ruelles et personne n’aura la mauvaise surprise de constater, le lendemain de l’Aid Al-Adha, que sa viande de mouton est avariée. Comme ce fut le cas en 2017 !

 

F. Ouriaghli

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