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Bouchra Karboubi: La dompteuse des joutes africaines

Bouchra Karboubi: La dompteuse des joutes africaines

Bouchra Karboubi anime la saison footballistique de la Botola Pro avec brio. L’arbitre marocaine est la première femme africaine à avoir obtenu la licence VAR.

La jeune femme, qui est aussi inspectrice de police, a pris part à la CAN 2021 au Cameroun. Entretien.

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

 

 

Finances News Hebdo : Le monde de l’arbitrage est très masculin, mais vous avez bravé toutes les difficultés et préjugés pour y accéder. Quel a été votre leitmotiv pour percer en tant qu’arbitre, notamment en Botola Pro ?

Bouchra Karboubi : Mon adoration pour le sport en général a nourri en moi l’esprit compétitif, mais aussi l’envie de relever les défis pour exceller dans le domaine que j’ai choisi. Je ne fais jamais les choses à moitié; je vise toujours l’excellence dans tout ce que j’entreprends, car je sais combien le chemin est long et sinueux. Il faut être au summum de sa forme, à savoir mentale et physique. Même si le monde de l’arbitrage est purement masculin, j’ai fait en sorte de le conjuguer au féminin. J’ai débuté en tant que joueuse, pour finalement m’orienter vers l’arbitrage. J’avais un réel penchant pour les lois et les règles du jeu, ça me fascine. Le football et l’arbitrage sont une histoire de passion. Les difficultés, il y en aura toujours, mais il faut savoir les surmonter; les entraves donnent de l’adrénaline et de la motivation. Le monde du ballon rond est en constante évolution; il faut se surpasser pour ne pas se faire dépasser. Être arbitre national au sein de la Botola Pro n’est pas évident, il faut vraiment gagner ses galons. C’est beaucoup de travail et de sacrifices et des heures d’entrainement acharné. Je ne prends qu’un seul jour de repos par semaine.

 

F.N.H. : Vous êtes aussi policière. Y a-t-il un secret pour allier ces deux métiers, tout en ayant une vie de famille ?

B. K. : Pour faire partie de l’autorité de la police, il est impératif d’être discipliné, ponctuel, neutre et engagé. Ce sont là des qualités intrinsèques qui ont forgé ma personnalité en tant qu’arbitre. Bien évidemment, quand j’assume ma fonction d’inspectrice de police, je reste dans mon élément. Et une fois sur le terrain, je suis la femme arbitre. Ce sont deux entités différentes, mais complémentaires. J’essaie d’allier ma vie professionnelle, sportive et familiale. Il est vrai que ma petite famille est un atout considérable, elle me motive et m’encourage pour donner le meilleur de moi-même. Sur ces colonnes, je tiens à rendre un vibrant hommage à ma mère qui m'a toujours soutenue. Elle a eu un rôle primordial dans tout ce que j’ai pu accomplir jusqu'à présent.De même, la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) appuie le corps de police, en nous encourageant à nous distinguer dans plusieurs domaines d’activité. Elle nous encourage à développer davantage notre créativité et notre savoir. Ainsi, son soutien m’a permis d’exercer l’arbitrage et de participer à des événements continentaux et internationaux. En parallèle à ma fonction d’inspectrice de police, c’est une chance immense de pouvoir faire ce que j’aime. Dans ce sens, je tiens à souligner l’appui inconditionnel du président de la Fédération royale marocaine de football, Fouzi Lekjaa, pour l’envol du football féminin, notamment le domaine de l’arbitrage. L’ère Lekjaa a apporté un vent de changement pour la femme footballeuse et arbitre. Le Comité central et la Direction nationale de l’arbitrage nous apportent également leur lot de soutien afin d’accomplir dans les meilleures conditions notre tâche.

 

F.N.H. : Vous êtes dans le domaine de l’arbitrage depuis 21 ans. Quelle évaluation faites-vous de l’arbitrage féminin au Maroc et que doit-on faire pour encourager la gent féminine à s’orienter vers ce domaine ?

B. K. : Plus de 20 ans dans le domaine de l’arbitrage, ce n’est pas facile comme cheminement. C’est un sacré challenge que je me suis lancée depuis mon plus jeune âge. C’est un long parcours de combattant. J’ai fait mes classes en tant qu’arbitre assistante, puis arbitre de la ligue, pour enfin arriver à arbitre national et international. J’étais la première femme arbitre principale à officier en Botola Pro. Je tiens à saluer le talent de notre arbitre pionnière, Khadija Rezague, qui a officié dans les années 2000 un match de championnat national, avant l’ère du professionnalisme. Je peux dire que l’arbitrage féminin marocain a parcouru un long chemin. Voir aujourd’hui des arbitres femmes officier des matches en Botola Pro, est une excellente chose. C’est aussi une reconnaissance de notre travail et de nos efforts. Cela va nous encourager à aller de l’avant et peaufiner nos connaissances. Cette confiance, il faut l’honorer en travaillant sérieusement. Le Comité central et la Direction nationale de l’arbitrage œuvrent pour permettre aux arbitres marocaines d’acquérir de l’expérience et de s’accomplir individuellement et en groupe. Aujourd’hui, je peux vous assurer que la relève existe. Il n’y a pas que Bouchra Karboubi; d’autres arbitres et arbitres assistantes sont entrain d’émerger. Mon rôle est de les soutenir et de leur apporter modestement mon expertise. Si j’ai un conseil à donner aux parents, c’est d’initier leurs filles à la pratique sportive, mais aussi d’être attentifs à leurs qualités. Si une fille a un penchant pour le sport en général, notamment le football ou l’arbitrage, il est important de l’orienter et de l’encourager. Le sport, l’art, ou encore la culture sont importants pour le développement personnel. La génération actuelle représente les femmes de demain.

 

F.N.H. : Vous avez pris part à 7 matches en Coupe d’Afrique des nations et étiez la seule femme des 3 arbitres assistants vidéo (VAR) lors du choc Sénégal-Égypte. Parlez-nous de votre expérience dans les joutes africaines ?

B. K. : C’est une magnifique aventure. Une sensation bien différente. L’Afrique, c’est autre chose, une autre ambiance. Il faut y être pour vraiment faire la différence. Nous étions 8 arbitres marocains, dont deux femmes : moi en tant qu’arbitre et ma consœur Fatiha Jarmoumi, arbitre assistante. J’ai eu la chance d’être la seule femme présente en finale de la CAN 2021. C’était un grand honneur et un privilège de côtoyer les meilleurs arbitres du continent. Ma joie était immense. Je considère que c’est une belle reconnaissance de la part de la Confédération africaine de football (CAF) pour la femme arabe et africaine. Mettre en avant une arbitre femme dans une finale, c’est important. Le monde du ballon rond est en constante évolution, il faut se surpasser pour ne pas se faire dépasser.

La CAF m'a fait confiance et je suis extrêmement reconnaissante. Mes efforts des années écoulées ont été récompensés. Mon objectif est de représenter dignement mon pays et donner le meilleur de moi-même. Cette CAN m’a apporté une satisfaction personnelle, et cela compte dans un palmarès. Je veux que ma fille Dina soit fière de sa maman. Que les femmes qui ont un rêve fassent abstraction des entraves et se disent que cela peut leur arriver aussi. La meilleure façon d’exister est de s’accomplir en travaillant sans relâche. Pour ma part, j’avais deux rêves : être arbitre internationale et inspectrice de police. J’y suis parvenue malgré les difficultés, notamment le refus de mes frères de me laisser pratiquer le football et d’être arbitre. Finalement, ma persévérance a fini par payer. Chacun est maître de son destin; il faut dépasser l’obstacle de la peur et des préjugés.

 

F.N.H. : Quel a été pour vous le fait marquant de cette Coupe d’Afrique des nations et quelles sont vos ambitions futures ?

B. K. : Déjà, le fait de figurer parmi l’élite, avec des arbitres de renom qui ont officié en Coupe d’Afrique des nations est assez marquant pour moi. Je considère aussi que c’est un tournant dans ma carrière. Côtoyer les meilleurs, c’est valorisant. Etre la seule représentante femme lors de la finale de la CAN est une consécration en soi. C’était une finale folle entre le Sénégal et l’Égypte; j’ai pu immor- taliser ce moment historique par des clichés mémorables avec Sadio Mané et Mohamed Salah. «Rien ne sert de courir, il faut partir à point» : cet adage illustre parfaitement mon parcours. Après tant d'efforts, le réconfort.

Des années de travail et de sacrifice donnent forcément leurs fruits, c’est ma conviction profonde.
Chaque arbitre ambitionne d’être présent en Coupe du monde. Mon principal objectif est de représenter mon pays dans cette compétition d’envergure. Je suis candidate pour le mondial féminin qui se déroulera en 2023 en Australie et en Nouvelle-Zélande. Je fais partie de la première liste des arbitres du continent africain; les noms ne seront divulgués qu’à l’approche de l’évènement. Par ailleurs, j’ai effectué en octobre 2021 un stage de préparation à Doha, au Qatar. Cela s’est très bien passé et je suis prête pour les échéances à venir. J’ai grand espoir d’être retenue dans la liste finale du Mondial. Je croise les doigts.

 

 

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