-Les fortes températures augmentent les pertes en eau et mettent les reins à rude épreuve.
-Organe vital de l’équilibre hydrique, le rein peut rapidement souffrir en cas de déshydratation.
-Entretien avec le professeur Intissar Haddiya, médecin-néphrologue, PHD en responsabilité sociale en santé et écrivaine.
Propos recueillis par Ibtissam. Z.
LaQuotidienne : En période estivale, la chaleur augmente les pertes en eau. Quels sont les premiers signes d’un manque d’hydratation qui peut impacter la santé rénale ? Pourquoi les reins sont-ils particulièrement vulnérables pendant cette période ?
Pr Intissar Haddiya : En été, la transpiration excessive liée à la chaleur augmente les pertes hydriques, parfois de façon insidieuse. Les premiers signes de déshydratation peuvent sembler anodins comme la soif, la bouche sèche, la fatigue inhabituelle, les maux de tête, ou encore une urine foncée et peu abondante. Mais chez certaines personnes, ces signes apparaissent tardivement. Les reins, qui assurent l’élimination des toxines et l’équilibre hydrique et électrolytique, sont particulièrement sensibles à un apport insuffisant en eau. En cas de déshydratation prolongée, ils reçoivent moins de sang, ce qui peut altérer leur fonction, voire un risque d’insuffisance rénale aiguë, notamment chez les sujets fragiles.
LaQuotidienne : On entend souvent qu’il faut boire 1,5 à 2 litres d’eau par jour. Mais en été, entre transpiration, chaleur et efforts physiques, faut-il adapter ces apports ? Et comment reconnaître les signes d’un déficit hydrique ?
Pr I.H : En effet, les besoins hydriques augmentent en été. En cas de forte chaleur ou d’activité physique, il est recommandé d’augmenter les apports à 2,5 voire 3 litres par jour, répartis tout au long de la journée. Cette recommandation doit toutefois être adaptée chez les patients présentant une insuffisance cardiaque ou rénale, chez qui une vigilance particulière s’impose. Il faut boire avant même d’avoir soif, surtout chez les enfants, les personnes âgées ou les malades chroniques. Une astuce simple pour surveiller son hydratation : observer la couleur des urines. Si elles sont claires et abondantes, c’est bon signe. Si elles deviennent foncées, il faut rapidement boire. La sensation de soif, la baisse de la tension artérielle, les étourdissements, voire les crampes ou une confusion mentale chez les plus âgés, doivent alerter.
LaQuotidienne : Quel rôle jouent l’alimentation et les boissons dans l’hydratation estivale ? Certains aliments aident-ils à compenser les pertes en eau ? Et qu’en est-il des sodas, des jus industriels ou des cafés glacés très consommés en été, présentent-ils un véritable risque pour les reins en période de forte chaleur ?
Pr I.H : L’alimentation participe à environ 20 à 30% de l’hydratation quotidienne. Les fruits et légumes riches en eau, comme la pastèque, le melon, les concombres, les tomates ou les courgettes, sont de précieux alliés estivaux. En revanche, certaines boissons très consommées en été peuvent nuire à l’équilibre hydrique et rénal. Les sodas, souvent trop sucrés, acidifient les urines et favorisent la formation de calculs. Les jus industriels sont aussi riches en sucres cachés. Les boissons caféinées peuvent avoir un léger effet diurétique. Il faut donc les consommer avec modération, et toujours compenser par une bonne hydratation en eau.
LaQuotidienne : Quelles précautions spécifiques recommandez-vous aux personnes vulnérables, comme les personnes âgées, les patients souffrant d’insuffisance rénale ou ayant des antécédents de calculs, durant les fortes chaleurs ?
Pr I.H : Ces populations doivent faire l’objet d’une attention particulière. Les personnes âgées ont une sensation de soif diminuée, et les patients insuffisants rénaux doivent ajuster leur hydratation à partir de leur fonction rénale et de leurs recommandations médicales. En cas de dialyse, l’apport hydrique est strictement contrôlé. Pour les personnes ayant des antécédents de calculs, il est essentiel de boire abondamment pour diluer les urines et prévenir toute récidive. Il faut également éviter les boissons sucrées ou riches en oxalates, telles le thé noir. Enfin, on recommande d’éviter les expositions prolongées au soleil, surtout aux heures les plus chaudes, et de rester dans des environnements frais.
LaQuotidienne : Quels sont les bons réflexes à adopter au quotidien pour préserver ses reins pendant l’été, au-delà de l’hydratation, en tenant compte du rythme de consommation, de l’activité physique ou encore de l’exposition à la chaleur ?
Pr I.H : Outre une bonne hydratation, il est important d’adopter quelques gestes simples mais efficaces. Boire régulièrement, dès le réveil et avant, pendant et après tout effort physique. Privilégier l’eau plate à température ambiante, éviter les repas trop salés qui augmentent les besoins en eau. Adapter son activité physique aux conditions climatiques, mais aussi, privilégier les heures fraîches pour marcher ou faire du sport. Se couvrir la tête en cas de forte chaleur, ou encore porter des vêtements amples en matières naturelles comme le coton ou le lin. Et surtout, écouter son corps. Les reins sont des organes discrets mais précieux, les préserver, c’est préserver sa santé globale.