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Droit de substitution des médicaments : L’éternel débat entre médecins et pharmaciens

Droit de substitution des médicaments : L’éternel débat entre médecins et pharmaciens

Depuis la nuit des temps, le droit de substitution est réclamé par les pharmaciens au Maroc. Ce droit qui consiste à remplacer un médicament prescrit par le médecin, par un générique, en cas de rupture de stock, est considéré par les pharmaciens comme étant la solution ultime contre les pénuries récurrentes des médicaments. 

Malgré les appels répétés des professionnels du secteur pharmaceutique à la promulgation d’une loi spéciale conférant le droit de substitution, le ministère de tutelle n’a pas encore cédé aux revendications. Au fil des années, ce sujet s’est transformé en un véritable bras de fer entre les pharmaciens et les médecins. Car si les premiers assurent que ce droit va permettre aux patients d'éviter plusieurs perturbations, les seconds craignent que celui-ci ne soit pas correctement appliqué. 

«La quasi-totalité des pays a conféré aux pharmaciens ce droit de substitution, primo, en vue de réduire le déficit des caisses d’assurance maladie, et secundo, afin de favoriser et faciliter l’accès aux médicaments. Grâce à ce droit, le patient ne sera plus obligé de contacter son médecin au cas où le médicament prescrit n’est pas disponible, puisqu’il sait préalablement que le pharmacien est autorisé à le remplacer», affirme Abderrahim Derraji, pharmacien d’officine et fondateur de medicament.ma.

Et d’ajouter : «Quand on est de garde et qu’un patient a besoin en urgence d’un médicament qui s'avère indisponible et qu’il n’arrive pas à rejoindre son médecin, il s’agit là d’un véritable problème, d’où la nécessité d’accorder aux pharmaciens le droit de substitution, tout en respectant bien évidemment certaines conditions. Pour cela, le ministère de la Santé doit absolument établir une liste précisant les médicaments faisant partie du même groupe générique». 

Selon ce pharmacien, le droit de substitution s'impose plus que jamais, notamment dans un contexte national marqué par la généralisation de la protection sociale. «L’Etat doit placer en priorité l’intérêt du malade. Nous sommes aujourd’hui en pleine généralisation de l’assurance maladie obligatoire. En conséquence, les pharmaciens, médecins, cliniques et hôpitaux reçoivent de plus en plus de patients. Il faut donc mettre en place des mécanismes pour garantir la pérennité des caisses d’assurance et le droit de substitution en fait partie. Il ne faut pas céder au lobbying. Il faut plutôt penser à l'intérêt du citoyen et mener des études pour voir comment faire du médicament générique et des pharmacies des alliés qui vont permettre aux caisses d'être pérennes et afin d’identifier les meilleures formules pour que cette couverture médicale serve à tous les Marocains».

De son côté, Dr. Tayeb Hamdi, médecin, chercheur en systèmes et politiques de santé et vice-président de la Fédération nationale de la santé, souligne que le droit de substitution va contribuer à la promotion des médicaments génériques.   

«Les médecins ne sont pas contre le droit de substitution, ils sont plutôt contre une substitution qui pourrait être nuisible à la santé ou au porte-monnaie du patient. Le droit de substitution fait partie des piliers d’encouragement des génériques. Et pour cela, il faut d’abord continuer de développer l’industrie nationale et faire en sorte que le prix d’un générique qui vient d'être mis sur le marché, soit inférieur au prix de celui qui le précède. Autrement, on va se retrouver avec des tarifs qui se rapprochent de ceux des princeps et ce n’est pas ça le but. Ensuite, il est important d’encourager la prescription médicale des génériques à travers des conventions nationales. De surcroît, il faut inciter et réglementer la substitution officinale».

Substituer … Oui, mais à condition

Par ailleurs, le vice-président de la Fédération nationale de la santé précise qu’afin de substituer un médicament prescrit, il est indispensable de respecter un certain nombre de conditions. «Le droit de substitution a besoin d’une mise en place préalable de quelques mesures. Tout d’abord, il faut assurer une même efficacité, et pour cela, le générique doit prouver sa bioéquivalence avec le princeps. Deuxième condition : assurer la même sécurité d’emploi. En substituant un médicament par un autre, il faut être très vigilant puisque certains malades présentent des contre-indications à des excipients à effet notoire et dans ce cas là, la substitution ne doit pas être faite. Sans oublier aussi que certains médicaments ont une marge thérapeutique étroite (MTE). Lorsqu’il s’agit d’un MTE, les concentrations toxiques sont proches des concentrations efficaces. De ce fait, de faibles variations de dose ou de concentration peuvent entraîner une modification du rapport bénéfices/risques. Afin d’assurer une même sécurité d’emploi, il faut aussi faire attention aux personnes âgées, analphabètes, ou atteintes de maladies chroniques, pour éviter toute confusion». 

Et de poursuivre : «Autre condition nécessaire à l’application du droit de substitution : pas de surcoût.  Au lieu que la marge bénéficiaire du pharmacien soit calculée sur la base du prix du médicament, elle doit plutôt dépendre de la molécule. Il faut également interdire aux laboratoires de faire des marchés directs avec les pharmacies, sinon les marchés vont remplacer la concurrence sur les prix des génériques. Aussi, il faut instaurer une législation qui interdit aux laboratoires d’entretenir des relations non éthiques pour influer la prescription et la délivrance des médicaments. Par ailleurs, le médecin doit garder le droit de mettre sur l’ordonnance la mention (Non substituable : NS), pour des raisons médicales. A ce moment-là, le pharmacien ne pourra pas exercer son droit de substitution», conclut Dr. Tayeb Hamdi. 

Meryem Ait Ouaanna

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