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Droits de l'Homme : Débat toujours vif autour de la peine de mort

Droits de l'Homme : Débat toujours vif autour de la peine de mort

 

  • Entre les défenseurs de la peine capitale et les abolitionnistes, les avis divergent. 
  •  A l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’Homme, célébrée chaque 10 décembre, Abdallah Mouseddad, secrétaire général de l’Observatoire marocain des prisons (OMP) et membre du comité de pilotage de la Coalition marocaine contre la peine de mort (CMCPM), nous livre son analyse sur la peine de mort au Maroc.

Propos recueillis par S. Kassir

 

LaQuotidienne : Depuis la création de la Coalition marocaine contre la peine de mort en 2003, plusieurs actions ont été effectuées en vue de sensibiliser contre l’application de la peine de mort au Maroc. Quel est le bilan de la Coalition aujourd’hui et comment œuvre-t-elle pour abolir la peine capitale ?

Abdallah Mouseddad : La Coalition marocaine contre la peine de mort a vu le jour en 2003, en marge d’un séminaire international organisé par l’Observatoire marocain des prisons, qui a porté justement sur la peine de mort. Tout au long de ses 17 ans d’existence, elle a pris une panoplie d’initiatives basées sur un référentiel universel des droits de l’Homme, dont les principales missions peuvent se résumer comme suit :

• Plaider pour la ratification par le gouvernement marocain du protocole annexé au pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant l’abolition de la peine de mort;

• plaider pour une loi pénale sans peine de mort;

• apporter l’accompagnement et le suivi aux personnes condamnées à la peine capitale;

• éduquer sur les droits de l'Homme en général et le droit à la vie en particulier.

Le bilan a été généralement positif, malgré quelques contraintes que nous avons rencontrées. Parmi les résultats palpables que nous avons réalisés, nous pouvons citer la création du réseau des parlementaires, avocats et journalistes contre la peine de mort, ou encore la question de la peine de mort qui est actuellement au cœur du débat national. Beaucoup d’efforts ont été déployés par la suite, notamment de la part d’entités reconnues à l’échelle nationale, à l’instar de l’Instance équité et réconciliation (IER), qui a formulé plusieurs recommandations, dont principalement l’orientation du législateur pour la diminution des clauses portant sur la peine de mort. A cela s’ajoutent les recommandations du Conseil national des droits de l’Homme en la matière.

 

L.Q. : L’atteinte au droit à la vie comporte deux aspects souvent peu nuancés. Quand on est devant un crime aboutissant à la mort et quand on sanctionne le coupable, puis on l’exécute. Comment l’expliquez-vous ?

A. M. : L’atteinte au droit à la vie dans le premier cas est une question de crimes perpétrés par des individus à l’encontre d’autres. Par contre, il s’agit, dans le deuxième cas, de la justice et de la politique pénale menées par l’Etat, à travers ses différentes instances et administrations, dont l’objectif principal est de veiller à l’accomplissement de la justice. Il convient d’ajouter que la justice ne tue pas, et la politique pénale a connu d’énormes évolutions, en se basant sur une philosophie de réforme, d'adaptation et de réinsertion des sujets ayant commis des crimes, afin justement de mieux faire face à la criminalité.

 

L.Q. : Les défenseurs de la peine capitale autant que les abolitionnistes ont des arrière-pensées idéologiques, culturelles et anthropologiques qui motivent souvent leurs positions. Dans quelle mesure est-il possible de s’éloigner de ces obstacles afin de défendre le droit universel à la vie ?

A. M. : Il faut dire que c’est un débat mené entre ceux qui sont pour la peine de mort et les abolitionnistes. Et il continuera toujours d’exister à mon sens. Cependant, l’orientation générale actuelle vire vers l’abolition de la peine de mort. D’ailleurs, la plupart des pays ont aboli cette peine. Le vrai pari qui se pose dans ce cas concerne principalement la volonté politique des décideurs et des législateurs nationaux pour en finir avec toute sorte d’atteinte au droit universel à la vie.

 

L.Q. : La peine capitale peut-elle mettre fin aux plus horribles des crimes ? Rend-elle justice aux victimes ?

A. M. : Si l’on considère que la peine capitale a pour but de réaliser la dissuasion et de stopper le crime, c’est loin d’être le cas, puisque les expériences des autres pays ainsi que les études ont prouvé le contraire. En effet, les crimes montent au niveau des pays qui exécutent toujours la peine de mort.

 

L.Q. : Le Maroc a opté, depuis 1993, pour la nonexécution de la peine de mort. Peut-on considérer cet acte comme une étape majeure dans le processus de l’abolition de cette peine ?

A. M. : D’après la cartographie mondiale, nous pouvons classer les pays en trois principales catégories : les pays qui ont aboli la peine de mort et qui sont majoritaires; les pays qui maintiennent cette peine et l’exécutent, qui sont minoritaires; et les pays qui maintiennent la sentence, mais qui ont mis à l’arrêt les exécutions. C’est le cas du Maroc bien évidemment, et ce depuis 1993.

La position du Royaume est assez positive si elle mène le pays à grands pas vers l’abolition de la peine capitale, surtout en comparaison avec des pays qui ont basculé vers l’exécution de cette peine. Il convient à cet égard de signaler que l’Assemblée générale des Nations unies a instauré un moratoire, qui a été voté en 2020 par 120 pays. 24 pays étaient contre et 39 pays se sont abstenus, dont le Maroc.

Les différents mouvements plaidant pour les droits de l’Homme espèrent que notre pays votera l’abolition de la peine de mort, lors du 2ème vote qui sera organisé la mi-décembre 2020, au niveau de l’Assemblée générale de l'ONU. Le vote du Maroc sera ainsi décisif et crucial en matière de respect des droits humains, de façon générale, et du droit universel à la vie, de façon particulière.

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