Société Tout voir

Entités pharmaceutiques fantômes : «La nouvelle circulaire de la DMP pourrait être une tentative de résoudre le problème»

Entités pharmaceutiques fantômes : «La nouvelle circulaire de la DMP pourrait être une tentative de résoudre le problème»
  • Le ministère de la Santé affiche son ambition de combattre par tous les moyens les laboratoires fantômes au Maroc. 
  • La Direction du médicament et de la pharmacie a publié une nouvelle circulaire concernant les statuts des établissements pharmaceutiques industriels. 
  • Entretien avec Abdelmadjid Belaïche, expert en industrie pharmaceutique, analyste des marchés pharmaceutiques et membre de la société marocaine de l’économie des produits de santé.

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

 

La Quotidienne : Tout d’abord, parlez-nous des établissements pharmaceutiques industriels et comment fonctionne l'autorisation de mise sur le marché ? Quelle corrélation existe-t-il entre les deux entités ? 

Abdelmadjid Belaïche : Selon la loi 17-04, autrement dit le code des médicaments et de la pharmacie, un établissement pharmaceutique industriel (EPI) est une entreprise qui dispose d’un site de fabrication et effectuant les opérations de fabrication, d’importation, d’exportation et de vente en gros des médicaments et, le cas échéant, la distribution en gros. 

En ce qui concerne l’autorisation de mise sur le marché (A.M.M.), aucun médicament fabriqué localement ou importé, même sous forme d’échantillons, ne peut être mis sur le marché sans avoir obtenu au préalable cette autorisation, qui est demandée à la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP) et obtenue après une étude minutieuse du dossier, fourni par le laboratoire détenteur du médicament. Une fois obtenu, le numéro de cette A.M.M. figurera sur la boite du médicament en question. Dans le cas des médicaments n’ayant pas encore obtenu d’A.M.M. et destinés aux traitements de maladies graves et dont il n’existe pas d’autres alternatives appropriées, une autorisation d’utilisation temporaire (A.T.U.) peut être accordée. Le dossier de demande d’A.M.M doit mettre en évidence l’efficacité du médicament, de garantir son innocuité dans les conditions normales d’emploi, de démontrer son intérêt thérapeutique et d’établir le cas échéant, sa bioéquivalence lorsqu’il s’agit d’un médicament générique. En plus, ce dossier comporte des éléments sur les procédures d’analyse qualitative et quantitative du médicament et de la méthode de fabrication et des procédés de contrôle de nature à garantir sa qualité. Pour les produits importés, l’A.M.M peut être subordonnée à la visite du site de fabrication dans le pays d’origine par des inspecteurs de la DMP. 

 

LQ : Dans ce sens, que dit la loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie ? 

A.B : Tout d’abord, on doit rappeler que la loi 17-04 portant Code du médicament et de la pharmacie est une réglementation marocaine qui définit les règles relatives à la mise sur le marché, la fabrication, l’importation, l’exportation, la vente, la distribution, la dispensation et la publicité des médicaments.

Selon l’article 19 de cette loi, la fabrication, l’importation, l’exportation et la vente en gros des médicaments, ne peuvent être effectuées que par des Etablissements pharmaceutiques industriels (EPI) tels que définis par le 2ème alinéa de l’article 74 de la présente loi, c’est-à-dire des établissements pharmaceutiques disposant d’un site de fabrication et effectuant des opérations de fabrication, d’importation et d’exportation et de vente en gros des médicaments et le cas échéant, la distribution en gros. 

Ainsi, pour enregistrer une A.M.M en son nom, il faut avoir au préalable le statut d’EPI. Pour les entités pharmaceutiques ne disposant pas de statut d’EPI, l’enregistrement des A.M.M de leurs médicaments ne peut se faire qu’à travers une véritable EPI chez qui ces A.M.M seront logées et qui les enregistreront auprès de la DMP en leur nom.

La situation actuelle des établissements pharmaceutiques est la suivante : la quasi-totalité des laboratoires pharmaceutiques nationaux, disposent d’un site industriel. En ce qui concerne les multinationales pharmaceutiques, certaines disposent d’un site de fabrication, d’autres ont uniquement des lignes de fabrication logées au sein de sites de fabrication, appartenant à d’autres laboratoires.  Et certains font fabriquer ou importer leurs produits par d’autres laboratoires disposant d’un site de fabrication.  

 

LQ : La DMP a publié une nouvelle circulaire sur les statuts des établissements pharmaceutiques industriels. A travers ce document, le ministère de la Santé entend-il durcir les mesures afin de combattre les laboratoires fantômes ? Cette circulaire vient-elle à point nommé ? Que pouvez-vous nous en dire ? 

A.B : La Direction du médicament et de la pharmacie (DMP) a effectivement publié une nouvelle note d’information concernant les établissements pharmaceutiques industriels (EPI) et les établissements pharmaceutiques grossistes répartiteurs (EPGR), au Maroc. Cette note concerne les modalités de dépôt des demandes d’autorisation de création, de transfert, d’extension et/ou modification d’un EPI et d’un EPGR, et ceci dans le cadre des efforts déployés par la Direction du Médicament et de la pharmacie en matière de gestion des demandes d’autorisation et celles concernant des sociétés désirant avoir l’autorisation pour la création d’un établissement pharmaceutique. Cette note d’information précise que pour chaque type de demande, une fiche explicative précisant les modalités de dépôt ainsi que les pièces constitutives du dossier est mise à la disposition des sociétés et établissements, au niveau du site web de la DMP. L’objectif de la DMP est de vérifier la capacité réelle de l’établissement à exercer ses activités dans le respect des référentiels en vigueur. Bien entendu, ces demandes d’autorisation feront l’objet d’une visite de conformité. Pour les autorisations de modification et /ou d’extension d’établissements pharmaceutiques existants, une inspection des locaux peut être effectuée. Cette note d’information ne fait que rappeler ce qui existe déjà dans la loi 17-04, en évoquant les nouvelles procédures pour les demandes d’autorisation et les fiches explicatives qui précisent les modalités de dépôt et les pièces constitutives du dossier à déposer. Doit-on voir dans cette note de rappel, une volonté politique d’assainir le secteur pour le débarrasser des laboratoires fantômes ? 

Il faut rappeler que dès le 13 novembre 2017, j’avais évoqué, sur le plateau de Medi1TV, l’existence de laboratoires fantômes qui avaient obtenu des autorisations d’EPI alors qu’ils ne disposaient que des murs sans aucun équipement pour fabriquer des médicaments. Ces entités pharmaceutiques fantomatiques se contentaient d’importer des médicaments au lieu de les fabriquer localement en profitant des A.M.M obtenues grâce à leurs faux statuts d’EPI. 

En 2018, j’avais effectué une analyse sur l’ensemble des bilans financiers des laboratoires pharmaceutiques nationaux et internationaux et j’avais montré que la rubrique «Immobilisations corporelles» de certaines entités ne montraient pas d’investissements en terrains, constructions, installations techniques, matériel et outillages etc., caractérisant un véritable site de fabrication leur donnant droit au statut d’EPI.

Ma lecture est que la nouvelle circulaire de la DMP pourrait être une tentative de résoudre le problème des entités pharmaceutiques fantomatiques, en renforçant les réglementations et en durcissant les mesures contre elles. 

Articles qui pourraient vous intéresser

Jeudi 17 Octobre 2024

France : Rebondissement inattendu dans la cession du médicament Doliprane

Jeudi 26 Septembre 2024

Accès aux médicaments : L’AMIP s’associe à l’IGBA pour promouvoir les génériques et biosimilaires à l’échelle mondiale

Jeudi 19 Septembre 2024

Les TROD désormais réalisables par les pharmaciens : Quelles implications pour les officines et les labos ?

S'inscrire à la Newsletter de La Quotidienne

* indicates required