Par Abdelhak Najib, écrivain-journaliste
Chaque week-end, ce sont des dizaines de milliers de Casablancais qui se rendent dans la forêt de Bouskoura pour souffler, respirer, se ressourcer, passer un moment de détente, en famille, en groupes, avec des amis, en couple, seul voulant fuir la ville et son bruit de ferraille. Ce sont aussi des dizaines, voire des centaines de petits commerces qui gravitent autour de la forêt, chaque jour, offrant du thé, du café, des crêpes marocaines, de la «harcha», des tajines, du «leben», du «saikouk», des «mlawi au khli3», des cacahuètes, des bonbons et même des légumes, des œufs et du pain fait maison juste dans les douars avoisinants.
Tout un microcosme qui tente de vivre en faisant du commerce surtout en fin de semaine avec l’afflux d’un grand nombre de personnes vers la verdure de la forêt. Sauf que verdure est un bien grand mot. Si les arbres souffrent déjà de la sécheresse et du manque d’entretien, il faut prendre le temps d’aller voir de l’intérieur comment est la forêt de Bouskoura. C’est simple, c’est une monoculture du même arbre par dizaines de milliers, avec un sol jonché de feuilles mortes qui s’accumulent depuis des lustres. Partout des détritus, des bouteilles jetées au sol, des paquets éventrés, des débris de verre, des canettes, voire même des serviettes hygiéniques ! Sur des dizaines de kilomètres carrés, pas un seul abri, pas une seule table, pas une seule chaise où l’on peut s'asseoir, pique-niquer, manger, avec des poubelles, chaque cinquante mètres pour éviter de rendre cette forêt une véritable décharge publique et un dépotoir inhospitalier.
Pourtant, les gens y vont. Ils accourent, parce que pour des centaines de milliers de Casablancais c’est l’unique forêt où l’on peut aller se dépayser un tant soit peu. Alors, ils font avec ce qu’ils ont et contre mauvaise fortune bon cœur. Face à cette situation délabrée, chacun y va de ses moyens. On amène des serviettes, des draps, des parasols, son brasero, sa théière, son boire et son manger avec soi et on se fait une place sur les feuilles mortes et brûlées par le soleil et le manque d’eau. Elles sont de nombreuses familles au complet, par terre au milieu de la poussière soulevée à chaque coup de vent qui font fi des conditions d’hygiène et qui mangent et partagent un moment loin de chez eux. Cela leur fait une sortie, quels que puissent être la saleté de la forêt et son manque criard d’équipements. Il n’y a même pas de toilettes ni de cabines d’eau. Rien. Débrouillez-vous, la nature accueille tout. Quant aux petits, ils n’ont rien pour égayer leurs journées, pas de jeux, pas de gazon pour y gambader, pas de bacs à sable, strictement rien. Juste les feuilles mortes qui craquent sous les pieds.
Néanmoins, les autorités de la ville peuvent rendre cette forêt fort rentable. Il suffit de le vouloir pour la doter de cafés, de restaurants, de sentiers cyclables, de tables de pique-nique, de toilettes publiques, d’airs de jeux, d’un petit jardin botanique qui servira même de musée naturel pour les visiteurs. Cela va créer de l’emploi en offrant à des milliers de personnes des occasions de faire du commerce. Imaginez le chiffre d’affaires que l’on peut générer entre le vendredi et le dimanche, chaque semaine, sans parler des autres jours ! Des snacks contrôlés pour éviter des affaires d’intoxications alimentaires, des cafés au cœur de la forêt par dizaines, des restaurants, des épiceries pour vendre de l' eau, limonades, biscuits, chips et d’autres produits, des boutiques pour vendre des casquettes et autres chapeaux.
Il y a tellement à faire dans cette immense étendue tout en rendant la forêt belle, accueillante, verdoyante et sécurisée. Non seulement, c’est toute une économie locale qui va en profiter, mais tous les aficionados du grand air. On peut même y créer de petits lacs artificiels qui pourront accueillir quelques espèces d’oiseaux et participer ainsi à la survie de tout un écosystème de faune et de flore bénéfique pour toute la région.