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Les voies de la grandeur humaine

Les voies de la grandeur humaine

Le sens moral de chaque individu doit venir de l’intérieur. Il doit prendre racine dans le creux du ventre, à même le sang. Ceux qui ont une santé d’airain cherchent à s’étendre, à grandir, à devenir encore plus forts en voulant une vie avec plus de risques et de dangers. Car la vie regorge d’infinies possibilités à découvrir, et l’esprit fort veut en explorer le maximum. 

 

Abdelhak Najib 

Alors toute idéologie de la victimisation enseignant la retenue, la fausse humilité et la culpabilité est un poison pour tout corps sain. Car une vie digne de ce nom implique le changement constant, le défi, l’absence de regret et d’apitoiements sur soi et célèbre le risque et l’aventure. Un homme qui voit le danger et le défie, est un homme qui vit à même le cœur, qui ne recule devant rien, qui tente l’impossible, qui le brave et qui le rend possible, quitte à y laisser toutes ses plumes voire sa vie.

Ce type d’individu ne compte ni le temps ni les efforts déployés pour se dépasser. Il ne fait pas de calculs face à l’existence. Il y va avec le sourire, dans l’acceptation. Et si celle-ci s’avère un calvaire, il l'accepte et se fait galérien des jours. Cet homme, par ce choix de vie, se tient loin des conglomérats et des attroupements. Il chemine seul. C’est sa destinée. La solitude de celui qui va vers lui-même. Parce que cet homme sait que les masses ne cherchent aucunement le défi, le risque, le danger, et tout ce qui vient bouleverser leur ordre établi et donner un coup à leur supposé confort, tout comme il sait que les foules refusent de voir et de croire en la vérité et en ce qui peut en tenir lieu. Au contraire, la foule tourne le dos aux évidences qui ne sont pas dans ses intérêts et pas à son goût. Les masses déifient l’illusion. Elles vénèrent la fausseté. Elles cultivent le culte de l’erreur à telle enseigne que celui qui peut entretenir leurs illusions devient leur maître.

Par contre, celui qui veut détruire cette illusion et lever le voile sur leurs mensonges érigés en vérités, celui-ci devient immanquablement leur ennemi et partant leur victime. Car, il n’y a pas pire vengeance que celle des foules qui décident de lyncher celui qui sort des rangs. La vindicte publique tient alors place et cet homme qui a choisi la distance et la distanciation par rapport aux contingences de la cité et de ses masses humaines, doit payer le prix pour avoir osé refuser ce contrat social que tous ont signé sans l’avoir lu, sans y avoir réfléchi pensant justement que puisque tout le monde l’a adopté, il faut suivre l’exemple et faire comme les autres. La cité s’acharne alors. Elle édicte. Elle juge. Elle donne sa sentence. L’individu seul, celui qui se tient à l’écart doit payer un lourd tribut pour avoir dit : «non».

C’est dans ce sens que la décadence et l’effritement de ce monde, avec toutes ses nombreuses sociétés, dans leurs ressemblances et leurs dissonances, peut être très amusant à regarder pour peu que l’on soit détaché de tout pathos sur une pseudo société en fin de cycle. C’est dans ce sens que l’on doit toujours regarder ce monde de loin, avec assez de distance et de recul sachant foncièrement qu’on n’en fait pas partie, qu’on ne veut pas y avoir une place assignée. Ce monde ne doit jamais nous atteindre parce qu’on ne lui appartient pas, parce qu’on ne doit jamais se donner à lui et à ses arcanes friables. Ce monde ne peut jamais nous façonner parce qu’on ne doit jamais s’identifier à aucun groupe, à aucun conglomérat, à aucune corporation, à aucune ethnie, à aucun régime, à aucun parti, à aucune religion, à aucun club, à aucune association, à aucun voisinage. Parce qu’on ne doit avoir aucune inclination naturelle et pré-conditionnée pour ce genre de rassemblement et de consensus idéologique et démagogique qui toujours annihile l’individu et tente par tous les moyens de le faire fondre dans la lave commune de ce que l’on nomme société et communauté. Ce rassemblement de tous sur la base d’un consensus moral et moralisateur finit toujours par vouloir broyer tous ceux qui n’en font pas partie. Celui qui sort des sentiers battus doit être rappelé à l’ordre. Celui qui ne suit pas les circuits préétablis par les normes de la société doit être puni pour apprendre une bonne fois pour toutes qu’on ne peut cheminer à sa guise dans ce monde impunément. Le mot d’ordre étant toujours le même, depuis que l’humanité existe : ou tu es avec nous, ou tu es notre ennemi et on doit te liquider. On le doit, parce que du seul fait de ton refus de couler dans le moule, tu menaces tout l’édifice et tu sèmes des grains de sable dans l’engrenage si bien rôdé roulant comme un rouleau compresseur qui nivelle par la base et lamine tout ce qui se tient debout.  

C’est pourquoi, dans ce cheminement qu’est l’existence, nous devons savoir discerner l’essentiel de l’insignifiant tout comme nous devons savoir choisir nos batailles et tourner le dos aux futilités et aux distractions. Sur cette trajectoire, il est crucial de rester ferme face à l’idiotie ambiante qui nous tire vers le caniveau, qui tire avec les mains et les dents pour t’assigner un carré et une manière d’être et d’agir. Celle-ci est simple : il faut oublier l’essentiel et se disperser dans le trivial. Il faut dépenser une somme considérable d’énergie à tuer le temps, user l’âme quitte à oublier qu’on en possède une que l’on doit nourrir, que l’on doit voir grandir, que l’on doit entretenir pour nous enraciner dans nos propres exigences de vérité, uniquement vis-à-vis de qui nous sommes. Car, c’est là l’unique baromètre à l’aune duquel on doit se juger au fil des jours qui passent et que l’on met à contribution pour grandir. Cela passe toujours par une profonde et réelle introspection. Un questionnement implacable de qui nous voulons devenir et de ce que nous devons faire pour atteindre cet idéal de soi. Car, beaucoup d’entre nous pensent qu’ils pensent alors qu’en réalité ils sont juste en train de réorganiser leurs préjugés. D’où toute cette brume et ce nuage opaque qui obstrue la vue et empêche toute vision. Ce qui fait que le monde qui est aujourd’hui si malsain, est le résultat direct de notre système de pensée et de croyances. Pour forcer le monde à changer, les uns et les autres doivent d’abord lutter contre la fausseté de leur propre système de pensée. Ils doivent faire le solde du passé, réagir dans le présent et se débarrasser de la peur qui paralyse leurs esprits ankylosés. Ils doivent commencer par accepter tous ces individus qui ne veulent pas être comme eux, qui ont choisi la marge, qui pensent que les meilleurs chemins sont toujours ceux que personne ne fréquente ni ne pratique. Exactement comme le poète qui sait, à même le sang, qu’il doit nettoyer la langue et partant la société de sa misère du quotidien en créant des silences entre les voyelles et les consonnes, entre les rêves et l’espoir de les rendre réels tout en leur laissant leur part de songe. Exactement en rejetant l’image du politicien qui divise les gens en deux catégories : des outils ou des ennemis, celui qui veut être un individu à part entière doit accepter d’être l’ennemi de tous, mais l’outil de personne.

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