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Grippe-Coronavirus: «Il faut retenir que tout symptôme peut être un signe de la Covid-19»

Grippe-Coronavirus: «Il faut retenir que tout symptôme peut être un signe de la Covid-19»

Le Flurona est une contraction entre «flu», qui veut dire grippe, et coronavirus. Cette double infection a été diagnostiquée récemment en Israël.

Les nouveaux moyens thérapeutiques, notamment le Molnupiravir, médicament antiviral, aident à combattre la pandémie.

Entretien avec Dr Tayeb Hamdi, chercheur en politiques et systèmes de santé, président du Syndicat national de médecine générale et vice-président de la Fédération nationale de la santé.

 

Propos recueillis par Ibtissam Z.

 

Finances News Hebdo : Attraper la grippe n’empêche pas d’avoir la covid-19 et vice-versa. Comment distinguer les deux pathologies ?

Dr Tayeb Hamdi: Le contexte hivernal est connu pour la propagation et l’apparition de différents virus ayant les mêmes symptômes que la covid-19. En effet, quand une personne est devant des symptômes qui rappellent soit la grippe ou le corona, il est évident que ça devient un véritable casse-tête et les interrogations fusent. Les signes du corona sont très communs et disparates. Pas besoin d’avoir tous les symptômes pour établir le diagnostic. Le tableau classique qui englobe fièvre, céphalée, toux, fatigue, courbatures, perte d’odorat et de goût, n’a jamais été nécessaire pour faire le diagnostic soit de la souche classique, Delta, Alpha ou encore Omicron. Depuis le début de la pandémie jusqu'à maintenant, nous avons eu des personnes qui ont eu soit la toux, céphalée ou fièvre et elles étaient positives. D’autres n’ont aucun symptôme et pourtant ils sont porteurs du virus.

D’après les études effectuées, 40% des infections Covid, cas positifs, sont asymptomatiques. C’est encore plus confus quand nous avons un seul symptôme. Moi je suis praticien et je traite depuis de nombreuses années les infections respiratoires. Je scrute de près la maladie de la Covid, et pourtant je ne peux faire la distinction, ni les confrères d’ailleurs, entre les deux pathologies, et du coup c’est impossible de trancher. Le seul moyen fiable est d’effectuer un test. Le constat est clair  : si nous avons un ou plusieurs symptômes (de grippe, rhume, Covid), il faut s’isoler chez soi pour éviter de contaminer les autres membres et propager le virus. Par la suite, consulter un médecin et faire le test. C’est le seul moyen de faire la différence entre les deux maladies.

 

F.N.H. : Les symptômes légers qui caractérisent le nouveau variant Omicron plongent les Marocains dans la confusion la plus totale. Comment s’en prémunir ?

T. H. : Effectivement, c’est encore plus complexe avec Omicron, qui généralement possède des symptômes plus légers. Mais il faut les prendre en considération, car les signes légers peuvent évoluer rapidement vers autre chose, à savoir sévérité des cas ou carrément admission en réanimation. Souvent à cause de ces signes peu contraignants, les gens pensent effectivement qu’il s’agit d’un simple rhume. Une récente étude en Grande-Bretagne a démontré que de toutes les personnes qui ont eu des symptômes grippaux, la moitié a été testée positive au covid-19. C’est vous dire combien c’est trompeur; il faut donc se faire dépister par un test PCR ou antigénique...

Pour se prémunir, il faut en premier lieu respecter à la lettre les gestes barrières du protocole sanitaire. Deuxièmement, il faut se faire vacciner contre la grippe saisonnière, mais aussi contre la Covid-19; et j’insiste sur les 3 doses pour faire face justement à Omicron qui est beaucoup plus contagieux. C’est fortement recommandé pour les personnes vulnérables, âgées ou encore les professionnels de santé. Les symptômes sont pratiquement les mêmes qu’Omicron, il est donc recommandé d’effectuer le test pour départager entre les deux virus et faire le diagnostic. Il faut savoir qu’Omicron ressemble à un rhume, mais plus accentué, avec des signes tels que le mal de gorge, possibilité de sueurs nocturnes et fatigue. Il est impératif de retenir que tout symptôme peut être un signe de Covid-19; c’est pour cela qu’il faut se faire dépister rapidement pour être fixé et suivre le protocole de soins adéquat.

 

F.N.H. : Qu'est-ce que le Flurona et faut-il craindre cette nouvelle pathologie, surtout après la détection d’un premier cas en Israël ?

T. H. : Le Flurona n’est pas un nouveau variant, ni une nouvelle maladie. C’est une co-infection par deux virus en même temps. C’est-à-dire la grippe saisonnière combinée au coronavirus. A ne pas confondre avec la surinfection, qui consiste dans une première infection à léser les organes du patient. Après cette première infection, le corps du patient est fragilisé et il attrape par la suite un autre agent pathogène bactérie ou microbe. Il faut donc faire la différence. Le Flurona est un phénomène qui arrive quand la personne est simultanément atteinte de grippe saisonnière et du coronavirus. On l’attrape quand notre système immunitaire est faible. S’agit-il d’un premier cas ? Non, puisque ce genre d’infection est connu dans les infections virales. C’est tout à fait normal. D’ailleurs, pour la combinaison grippe et Covid, c’était attendu. Il est vrai que plusieurs cas de Flurona ont dû exister dans le monde, sauf que la nouveauté est que c’est la première fois que le Flurona a été diagnostiqué en Israël; cela a été prouvé par des analyses. Il s’agit d’une femme enceinte, qui n’avait pas beaucoup de symptômes et, pourtant, elle a été infectée par la grippe et la Covid. Elle a toutefois pu quitter l’hôpital en bonne santé, certainement parce qu’elle n’avait pas développé une forme grave de la maladie. Il faut savoir que ce cocktail de deux virus combiné peut donner des cas plus sévères de la maladie. Pour éviter ces cas, il est impératif de prôner la vaccination, et faire les 3 doses pour combattre la pandémie. Mais aussi faire le vaccin antigrippe pour venir à bout du virus, surtout pour les personnes à risque.

 

F.N.H. : L’OMS a précisé qu’il est possible de contracter les deux maladies en même temps, et assure aussi qu’il est possible de prévenir le Flurona ? Qu’en est-il ?

T. H. : L’OMS a précisé et rappelé que cette co-infection existe. Il y a d’ailleurs des études qui l’attestent. Par exemple, aux Etats-Unis, 15% des personnes hospitalisées pour des infections virales souffraient d’une double infection en même temps. Même constat pour la combinaison grippe-Covid : des études ont été menées dès le déclenchement de la pandémie pour voir l’interaction entre les deux. Des scientifiques ont lancé des recherches dans les laboratoires pour voir si l’on attrape la grippe en premier, est-ce que le malade sera protégé contre la Covid ou pas, et vice-versa. Il a été démontré que, généralement, pour les personnes qui développent une grippe, le coronavirus a du mal à pénétrer dans le corps, et attend la guérison pour pouvoir attaquer le système immunitaire. Par contre, les gens qui ont eu la covid-19, peuvent facilement attraper la grippe saisonnière. En 2020 et 2021, il est évident qu’il y a eu plusieurs cas de Flurona à travers le monde. Les infections à la fois par la Covid et la grippe n’ont rien d’exceptionnel, puisque des cas avaient été détectés dès la première vague. Ces co-infections sont certes rares, mais pas inédites. Le seul moyen pour prévenir Flurona, c’est le respect drastique des mesures barrières, la vaccination contre la grippe et le coronavirus. La grippe est loin d’être une maladie bégnine, bien au contraire  : cette pathologie tue entre 300.000 et 650.000 personnes par an dans le monde. La grippe saisonnière donne des formes graves chez les personnes âgées, porteuses de maladies chroniques, notamment le diabète, tension ..., les femmes enceintes, les enfants qui ont entre 6 mois et 5 ans. On recommande vivement à ces groupes cibles de se faire vacciner. D’ailleurs, chaque année, on exhorte les professionnels de santé à se faire vacciner contre la grippe, parce qu’ils seront protégés, leurs familles et les patients aussi.

 

F.N.H. : L’explosion des cas ces derniers jours a mis tous les pays sur le qui-vive. Dans ce cadre, le Royaume vient d’acquérir une pilule anti Covid-19 destinée à combattre l’évolution de la pandémie. Que pouvezvous nous en dire ?

T. H. : Grâce à son approche anticipative et proactive, le Maroc se démarque. Il est parmi les premiers pays au monde à adopter le Molnupiravir, nouveau médicament anti covid-19. Le Molnupiravir est un médicament antiviral expérimental à large spectre du laboratoire américain Merck. Le traitement en question sera disponible dans les pharmacies. Le laboratoire américain avait annoncé une réduction de 30% des risques d’hospitalisation ou de formes graves du coronavirus. Il y a également un autre médicament de Pfizer appelé Paxelovid, qui a une efficacité dans neuf cas sur dix. L’originalité de ces deux antiviraux consiste à combattre la maladie et à stopper la multiplication du virus. Le Molnupiravir est à prendre tranquillement chez soi, par voie orale. Il permet d’éviter l’évolution dans trois cas sur dix vers l’hospitalisation ou l’admission en réanimation. Il a été autorisé en décembre par l’Agence américaine du médicament. Ces traitements sont indiqués pour les personnes qui présentent au moins un facteur de risque. Il faut le prendre entre le 3ème et le 5ème jour maximum. C’està-dire dès le début des symptômes après avoir été testé positif au covid19. Ce médicament n’aura aucun intérêt si l’on dépasse le délai de 5 jours. Il est toutefois déconseillé pour les femmes enceintes, celles qui allaitent et les enfants de moins de 18 ans.

Le Molnupiravir coûte aux Etats-Unis 700 dollars. Mais il sera commercialisé dans les pays à faibles et moyens revenus à un prix beaucoup moins cher. Le Molnupiravir ne remplacera guère le vaccin. Faut-il le rappeler, la vaccination protège l’individu à plus de 90%. Le Molnupiravir a sa place en tant que complément à la vaccination; ce n’est pas un outil magique, mais plutôt un outil complémentaire pour aider la campagne de vaccination. La finalité étant de prendre en charge les cas graves. La place de ce traitement dans le protocole thérapeutique relatif à la prise en charge de la Covid reste à déterminer par les autorités de santé de chaque pays selon la situation épidémiologique, vaccinale, les moyens économiques et la disponibilité de ces médicaments. Le Royaume devrait renforcer l’arsenal national de lutte contre la covid-19 avec l’introduction sur le marché d’autres médicaments antiviraux. 

 

 

 

 

 

 

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