Saveur particulière qu’il aura ce mouton sacrifié pour perpétuer le geste d’Ibrahim et commémorer la force de sa foi en Allah. Car l’Aid Al-Adha de cette année a ceci de particulier par rapport à ceux de 2020 et 2021 que la dimension économique a littéralement pris le pas sur le cachet sanitaire lié à la Covid-19.
Certes, le virus circule toujours et fait d’ailleurs plus de décès ces derniers jours, mais les Marocains se soucient actuellement davantage de leur portefeuille. Ou plutôt, de son contenu miné par la cherté de la vie. Tous les prix ont pris l’ascenseur et n’ont aucunement l’intention de redescendre. Au deuxième trimestre 2022, les prix à la consommation auraient poursuivi leur ascension à un rythme nettement supérieur à la barre de 2% pour le troisième trimestre successif. «En glissement annuel, ils auraient grimpé de 6,3%, au lieu d’une hausse de 4% au trimestre précédent et de 1,6% au cours de la même période de 2021», selon le haut-commissariat au Plan, qui explique cette accélération par «la progression de 9,5% des prix des produits alimentaires et de 4,1% de ceux des produits non-alimentaires».
L’inflation sous-jacente, qui exclut les prix soumis à l’intervention de l’Etat et les produits à prix volatils, aurait, pour sa part, nettement progressé, pour atteindre +5% au deuxième trimestre 2022.
Carburants, produits à base de céréales, huiles végétales, lait et produits laitiers..., et bien évidemment les moutons destinés à l’Aid Al-Adha, tout a augmenté. C’est dire que les citoyens sont confrontés à une hausse généralisée des prix qui va, pour certains, faire de cette fête un véritable supplice financier. Entre ce cher mouton, l’escalade des prix à la consommation et les tenues d’apparat, ce sera la saignée. Surtout pour les foyers aux revenus modestes qui tiennent coûte que coûte à maintenir la dimension festive de l’Aid Al-Adha. Quitte, parfois, à s’endetter pour ne pas passer une fête au rabais. Sauf qu’une fois le mouton digéré, ce sera l’indigestion financière. Qui viendra s’ajouter à une conjoncture déjà défavorable, avec notamment des ménages marocains qui ont le moral dans les chaussettes : près de 80% d’entre eux déclarent, au deuxième trimestre de cette année, une dégradation du niveau de vie au cours des 12 derniers mois, selon l’enquête du HCP. Par ailleurs, 52% des ménages estiment que leurs revenus couvrent leurs dépenses, 45,4% déclarent s’endetter ou puiser dans leur épargne et 2,6% affirment épargner une partie de leur revenu.
Quant à l’évolution de leur situation financière au cours des 12 derniers mois, 54,3% contre 5,6% des ménages considèrent qu’elle s’est dégradée.
Pour les 12 prochains mois, 19,1% des ménages s’attendent à une amélioration de leur situation financière, 61,7% à un maintien au même niveau et 19,2% à une dégradation, souligne l’enquête.
Dans ce contexte économique très morose, faut-il alors se sacrifier pour accomplir… le sacrifice du mouton ? Faut-il être les sacrifiés de l’Aid Al-Adha ?
Non. Même pour les plus religieux d’entre nous. Car le musulman qui n’a pas les moyens est exonéré d’acheter un mouton. Son devoir est cependant de manifester sa soumission à Allah.
F. Ouriaghli