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Violence en milieu scolaire au Maroc : Un phénomène de plus en plus fréquent

Violence en milieu scolaire au Maroc : Un phénomène de plus en plus fréquent

- La rentrée scolaire est là, un moment très attendu par certains élèves qui trépignent d’impatience de retrouver leurs camarades, mais tant redouté par d’autres qui retrouvent parfois un environnement «hostile». 

- Moqueries, insultes, châtiments corporels, harcèlement et bien d’autres comportements haineux sont à l’origine de cette angoisse.

Tout comme de nombreux pays à travers le monde, le Maroc est confronté à un phénomène préoccupant, celui de la violence en milieu scolaire. Une étude récemment effectuée par le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique (CSEFRS), en partenariat avec le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF), met en évidence des données alarmantes quant à la situation. 

Menée dans 260 écoles marocaines auprès de 13.884 élèves, l’enquête révèle que les violences verbales telles que les sobriquets, les moqueries, et les insultes sont des pratiques courantes et banalisées dans les établissements scolaires du pays. Dans le détail, près d'un tiers des élèves du primaire ont déclaré avoir été affublés d'un sobriquet méchant ou méprisant, tandis que 55,9% des élèves du secondaire, principalement des garçons, ont affirmé subir des moqueries à différents degrés.

Les garçons plus touchés par la violence physique 

Ladite étude met également l’accent sur la présence de violence physique en milieu scolaire. En effet, 25,2% des élèves des écoles primaires déclarent avoir été frappés et 28,5% bousculés, tandis qu'au secondaire, 25,3% des écoliers affirment avoir été frappés et 37,4% bousculés dans le but de leur faire du mal. Et de préciser que les garçons sont plus exposés à des actes de violence physique comparés aux filles.

Il en ressort également que certains élèves sont victimes de violences d'appropriation telles que les vols simples, les vols avec extorsion et les détériorations d'objets personnels. Selon l'enquête, ces types de violence sont assez répandus, touchant respectivement 27,1% et 38,6% des élèves du primaire et du secondaire. Les vols avec extorsion et les détériorations d'objets personnels touchent les élèves, filles et garçons, dans des proportions similaires. De surcroît, 61,7% des collégiens et 70,3% des lycéens affirment avoir été témoins d'actes de vandalisme sur le matériel scolaire commis par les élèves.

Outre ces différents types de violence, le harcèlement est très répandu dans les établissements scolaires. Environ 15,2% des élèves du primaire et 29,7% des élèves du secondaire ont déclaré avoir été harcelés dans leurs écoles, dont respectivement 34% et 25,4% ont précisé avoir subi un harcèlement à caractère sexuel. Dans le même ordre d’idées, l’étude fait savoir que les élèves relevant des établissements privés et des milieux urbains sont plus susceptibles de signaler un harcèlement sexuel que ceux des établissements publics et des milieux ruraux.

Quid des auteurs de ces actes ? 

Concernant les auteurs de la violence en milieu scolaire, l’étude dévoile qu’au primaire, les garçons sont les principaux auteurs, notant que les enseignants peuvent également en être responsables. Pour ce qui est du secondaire, ce sont majoritairement les élèves qui commettent des violences verbales et symboliques, suivis des enseignants, des intrus, des groupes de jeunes extérieurs à l'établissement, du personnel et, dans une moindre mesure, des parents, souligne la même source. 

Selon Dr. Hafsa Abouelfaraj, psychiatre, psychothérapeute, plusieurs jeunes voient en la violence une manière de s’affirmer. «Les facteurs associés à la violence chez les enfants peuvent être distingués selon trois catégories : individuels, familiaux et environnementaux. Plus les facteurs auxquels l’enfant est exposé, sont nombreux, plus les risques qu’il adopte des comportements de violence sont élevés. Plusieurs élèves choisissent de régler leurs conflits à l’école et à la maison à travers la violence au lieu de recourir à des méthodes plus pacifiques», explique-t-elle.

Et de poursuivre : «Il existe des degrés dans les comportements, et les modalités d’explication ne sont pas identiques pour tous les enfants. Chez certains, le passage à l’acte peut être interprété comme un symptôme destiné à masquer un vide intérieur, une forte difficulté à supporter les frustrations résultant du rapport d’autorité. La violence verbale naîtrait alors de l’impossibilité à assumer ce vide intérieur et constituerait la compensation d’une menace d’effondrement interne. Par ailleurs, certains experts interprètent ces actes de violence comme un déficit du langage intérieur et une difficulté à verbaliser les émotions. Si les violences scolaires doivent faire l’objet d’un traitement éducatif et social, concernant tous les acteurs de l’institution, il est nécessaire de les envisager dans leur globalité (acteurs, victimes, contexte), et non du seul point de vue des victimes».

Santé mentale … S.O.S !

La violence en milieu scolaire peut dans certains cas provoquer des traumatismes profonds chez les victimes. Les enfants touchés par ces violences risquent d’avoir du mal à nouer des relations saines avec leurs pairs, ce qui risque d’altérer leur développement émotionnel et social. 

A ce propos, Dr. Hafsa Abouelfaraj relève que «ces incivilités peuvent engendrer des conséquences individuelles et collectives non négligeables, notamment des sentiments d’insécurité, d’abandon, d’impuissance et un repli sur soi, surtout qu’il s’agit là d’enfants en bas âge, souvent timides et qui ne peuvent pas se défendre. Aussi, les victimes peuvent souffrir de dépression, d’angoisse, de troubles du sommeil ou du métabolisme. Parfois, des troubles du comportement sont également constatés. Sur le long terme, cela peut nuire à l’épanouissement personnel et par conséquent, les victimes vont avoir des difficultés à sociabiliser».

Le parcours scolaire en péril 

En plus des conséquences qu’elles peuvent avoir sur la santé mentale des enfants, ces violences peuvent également avoir des répercussions importantes sur le parcours scolaire des victimes. «Qu’elle soit verbale ou physique, la violence peut pousser l’élève à s’absenter, voire même à décrocher», déplore la psychiatre qui insiste sur l’intérêt de la prévention et l’intervention précoces des comportements violents. 

Notons à cet égard que dans le cadre de ses efforts visant à lutter contre ce phénomène, le Maroc a signé en novembre 2021 la déclaration de Campeche contre la violence et le harcèlement à l’école, y compris la cyber intimidation. Ce document vise à promouvoir des mécanismes de prévention permettant une attention opportune à la population scolaire qui exerce, subit ou est témoin de harcèlement.

 

Par M. Ait Ouaanna

 

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