Dans un récent avis, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a mis l’accent sur la nécessité de procéder à une réforme de fond en comble de la filière des urgences médicales au Maroc.
Rendu public le mercredi 21 juin, le document ayant pour thème «Comment remédier à la situation préoccupante de la filière de prise en charge des urgences médicales au Maroc ?» est un appel à l’amélioration des prestations délivrées au niveau de ces établissements de santé. Et ce, qu’il s’agisse dans le privé ou dans le public, de l’organisation territoriale en plus de la levée des blocages financiers à l’accès aux soins et le développement des ressources humaines.
«Les services des urgences connaissent une affluence de plus en plus grandissante. 80% des prestations de soins non urgentes sont dispensées par ces mêmes services, de l’aveu du ministre de la Santé, à cause de l’absence d’une politique de régulation médicale. Pourtant, ces services manquent de ressources humaines. Le Royaume compte en tout et pour tout 29 médecins urgentistes, qui ont été formés entre 2002 et 2022», a souligné Ahmed Réda Chami, président du CESE.
Pour ce qui est de lever les barrières financières à l’accès aux soins, cette instance recommande de mener une réflexion multipartite sur les avantages de la création d’un fonds de garantie consacré à la prise en charge médicale urgente dans le secteur privé à but lucratif et à but non lucratif, d’élargir le mode «tiers payant» aux soins ambulatoires. Le but étant d’éviter à l'assuré d'avancer la totalité des frais y afférents. Aussi introduire le transport médical dans la nomenclature des actes professionnels et le tarif national de référence (TNR).
Par ailleurs, Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, considère que l’instauration du mode du tiers payant au niveau des consultations est en général une très bonne démarche car cela facilite l’accès aux soins sur le plan financier. «Lorsque les gens cotisent, chaque mois il y a des prélèvements sur leurs salaires au profit de l’assurance maladie obligatoire. Par ailleurs, en cas de consultation ou quand il s’agit de faire des analyses, il faudra avancer des frais et attendre le remboursement, ce qui s’avère être très difficile pour des personnes percevant de bas ou moyens salaires. Il faut rappeler que les deux tiers des salariés de la CNSS touchent moins de 3.000 DH par mois, c’est pourquoi il y a un renoncement aux soins».
Et de poursuivre : «Au Maroc, 50% des consultations se font dans les urgences car parfois c’est le seul moyen pour certaines personnes de consulter. Par conséquent, le fait de faciliter le tiers payant, c’est mettre beaucoup de pression sur les urgences. Et plus on trouve des cas non urgents au niveau de ces établissements, et moins on aura de temps à accorder aux vrais cas urgents, en plus d’épuiser tout le staff médical».
Qui plus est, le CESE suggère la mise en place de filières de soins d’urgences médicales dans chaque région du Royaume. Celles-ci devraient être adaptées aux spécificités populationnelles et géographiques du territoire. Ces nouvelles filières devront être créées grâce une approche participative impliquant tous les acteurs des territoires notamment le secteur privé, les élus, les autorités, les assureurs (AMO et privés) et les professionnels de santé.
En outre, les membres du CESE ont plaidé pour une meilleure valorisation des ressources humaines affectées aux services des urgences par le truchement de deux mesures. Il s’agit en effet de renforcer la formation de base et la formation continue, ainsi que la révision du cadre juridique, réglementaire et indemnitaire pour les gardes et astreintes.
In fine, en vue d’améliorer la situation des urgences médicales au Maroc, Tayeb Hamdi estime qu’il est nécessaire pour les autorités d’engager un certain nombre de mesures à savoir :
- Adopter une approche de proximité de façon à ce que dans chaque région, les professionnels de santé prennent connaissance des spécificités de la population et soient au plus près d’eux;
- Agir en préhospitalier et ce en sensibilisant les gens, les médecins et les intervenants et assurer un transport médicalisé;
- Faciliter l’accès aux soins d’urgence car qui dit quelques heures ou quelques minutes de perdues dit de nombreuses vies perdues;
- Former plus de ressources humaines et les motiver parce que les urgences exigent l’exécution de tâches très lourdes;
- Sensibiliser les citoyens sur le rôle et la mission des urgences;
- Œuvrer pour une meilleure collaboration entre tous les intervenants de santé, sapeurs-pompiers, gendarmerie, police, hôpitaux publics, cliniques privées.
Par M.B