Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Plus les semaines passent, et plus une certaine communauté internationale se mobilise pour mettre l’État d’Israël devant ses responsabilités. Après l’action menée par l’Afrique du Sud pour dénoncer le génocide en cours à Gaza, c’est le Nicaragua qui monte au créneau et porte plainte à La Haye contre l’Allemagne qui finance une partie des armes utilisées pour tuer des civils palestiniens.
En effet, les 8 et 9 avril 2024, la Cour internationale de justice a tenu des audiences prolongées pour étudier la plainte déposée par Managua, qui accuse ouvertement Berlin de «faciliter la commission d’un génocide» à Gaza, à cause du soutien militaire et politique du gouvernement allemand à Israël. Évidemment, l’Allemagne se défend, mais les faits sont têtus, non seulement une partie de l’Europe, avec les USA, apporte son concours matériel en armement et en moyens à cette guerre. C’est le cas de la France qui livre 100.000 pièces de cartouche à l’armée israélienne : «La France a autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d’au moins 100.000 pièces de cartouche pour des fusils-mitrailleurs susceptibles d’être utilisés contre des civils à Gaza», lit-on sur les colonnes du journal L’Humanité. Selon les estimations des observateurs en armement en Europe, depuis six mois, ce sont plus d’un million de cartouches qui ont été expédiées à Tsahal, sans compter d’autres armes et d’autres équipements livrés alors qu’Israël pilonne 24h/24 les populations gazaouies.
C’est dans ce sens que plus de 100 parlementaires de gauche ont adressé une lettre à Emmanuel Macron pour lui demander "d'arrêter immédiatement toutes ventes d'armes, même celles jugées uniquement défensives, au gouvernement d'extrême droite de Netanyahu». Ces représentants du peuple français ajoutent : «Il semble important de rappeler que des mesures similaires ont déjà été prises par d'autres pays, comme le Canada, les Pays-Bas et l'Espagne", affirment les 115 députés et sénateurs. Pour la majorité de la classe politique européenne, les pays qui approvisionnent Israël commettent un grave délit, à l’instar de «La France (qui) est en contradiction avec les traités internationaux qu'elle a signés en continuant de fournir du matériel militaire à Israël", précisent-ils.
Dans cette optique, ils appellent Emmanuel Macron à "ne pas risquer de rendre la France complice de génocide contre le peuple palestinien". Ces parlementaires s'appuient sur des enquêtes des sites d'investigation Disclose et Marsactu, selon lesquels "la France a autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d'au moins 100.000 pièces de cartouche pour des fusils mitrailleurs susceptibles d'être utilisés contre des civils à Gaza». C’est ce qui fait dire à un observateur tel que Pascal Brunel que : «L’armée israélienne a lancé un ordre de mobilisation générale de juristes parmi les réservistes pour se préparer à faire face à un «tsunami» de plaintes pour crimes de guerre de la part d’États et de multiples ONG à l’issue des combats dans la bande de Gaza. Le danger est tel que les effectifs de la division juridique internationale de l’armée dirigée par le procureur général militaire ont été très sérieusement étoffés».
Pourquoi une telle décision en haut lieu à Israël et qu’est-ce que cela implique pour Tsahal ? C’est simple, avec le cumul des plaintes devant les cours internationales, l’État hébreu sera obligé de revoir à la baisse la cadence des frappes et des massacres, ce qui contrarie grandement les plans de Benjamin Netanyahu qui se dit fier d’avoir réalisé en 5 mois ce que d’autres chefs israéliens n’ont pu faire en plus de 20 ans de conflit avec les populations palestiniennes.
Pour Pascal Brunel, le grand danger pour la stratégie israélienne réside dans le fait que «La liberté d’action de l’armée israélienne pourrait être sérieusement limitée par d’éventuelles sanctions juridiques. En janvier, nous avons eu un avant-goût de ce qui nous attend, lorsque la CPI a examiné une plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud». Ces craintes sont clairement exprimées dans les médias israéliens par de nombreux juristes qui affirment : «Au début de la guerre, nous étions l’Ukraine, désormais nous sommes considérés comme la Russie dans le monde», souligne un avocat israélien. Pour les chefs d’États-majors israéliens, il n’y a aucun doute : «Ce n’est qu’un début, il faut se préparer au pire lorsqu’à la fin de la guerre, les journalistes, les membres d’ONG, dont la plupart sont de toute façon hostiles à Israël, vont pouvoir aller constater l’étendue énorme des dégâts occasionnés par la guerre contre les terroristes du Hamas».
Avec plus de 34.000 morts dont 14.000 enfants et 10 vieilles personnes, avec 90% des infrastructures de Gaza réduites à néant, avec 2 millions de citoyens palestiniens poussés à l’exil et qui vivent dans la famine à cause du blocus sur les aides humanitaires, il est clair que l’addition va être extrêmement lourde pour Tel-Aviv. Celle-ci met tous les moyens de son côté en faisant activer ses lobbies pour faire face à une grande salve de plaintes pour génocide et crimes contre l’humanité.