Il y a 3 ans, le monde découvrait avec effroi le Covid-19 et ses conséquences désastreuses : des centaines de milliers de morts, des systèmes de santé saturés et débordés, une économie mondiale figée et plongée dans une crise sans pareille.
A l’origine de cette crise sanitaire et économique planétaire, un virus venu de Chine. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, comme dirait l’autre. Les terriens ont repris leur vie d’avant, à la faveur notamment d’immenses progrès scientifiques réalisés en peu de temps, comme la mise sur les marchés de vaccins anti-Covid qui permettent notamment de choper les formes graves de la maladie.
Sauf qu’actuellement, la Chine fait de nouveau trembler la planète. Au pays de Xi Jimping, la flambée épidémique cristallise tous les débats, après 3 années de tests de masse, confinements et quarantaines prolongées. Le tsunami de cas enregistrés ces derniers jours avec la fin brutale de la stratégie «zéro Covid» suscite des inquiétudes. Et ce, au moment où les Chinois se ruent sur les vols internationaux en cette fin d’année, avec notamment la réouverture des frontières et la levée des restrictions.
Barrières à l’entrée
Selon le Global Virus Network, depuis la levée des restrictions début décembre, au moins 250 millions de personnes ont été infectées par le Covid-19 en Chine. Cette flambée épidémique inédite fait craindre l’apparition de nouveaux variants. «Le fait que 1,4 milliard de personnes soient soudainement exposées au SARS-CoV-2 crée évidemment des conditions propices à l’émergence de variants», a déclaré à l’AFP Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève.
C’est pourquoi plusieurs pays ont d’ores et déjà pris des mesures restrictives à l’égard des voyageurs en provenance de ce pays.
L'Italie a ainsi décidé d’exiger des tests obligatoires pour tous les voyageurs venant de Chine.
"Cette mesure s’avère indispensable pour garantir la surveillance et l’individualisation d’éventuels variants du virus afin de protéger la population italienne", a justifié le département d'Orazio Schillaci dans un communiqué.
Vendredi dernier, l’Espagne a aussi annoncé des mesures de "contrôles" dans ses aéroports pour les voyageurs venant de Chine afin de s'assurer qu'ils n'étaient pas porteurs du virus du Covid. La ministre de la Santé, Carolina Darias, a indiqué qu'il serait demandé à ces voyageurs "une preuve qu'ils sont négatifs (...) ou un schéma complet de vaccination".
Le gouvernement français vient également d’annoncer que les voyageurs embarquant en Chine à destination de la France devront présenter un test de dépistage du Covid-19 négatif au départ de leur vol.
Plus globalement, au sein de l’Union européenne, l’on se veut rassurant. Le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) juge le dépistage des voyageurs venant de Chine "injustifié", vu que les 27 "ont des niveaux d'immunisation et de vaccination relativement élevés" et que les "variants circulant en Chine circulent déjà dans l'UE".
De leur côté, les États-Unis ont également annoncé l'imposition de tests de dépistage aux voyageurs provenant du géant asiatique, et ce quel que soit leur statut vaccinal. «Tous les voyageurs par avion, âgés de deux ans et plus et venant de Chine, devront faire un test pas plus de deux jours avant leur départ», selon un responsable sanitaire américain.
De même, l’Inde, la Malaisie, le Japon et Taiwan… ont décidé eux aussi de réinstaurer un contrôle à l’arrivée de tous les touristes chinois.
Qu’en est-il du Maroc ?
Le Maroc a fait un choix radical ce samedi 31 décembre, qui tranche nettement avec les décisions prises par les autres pays. «A la lumière de l’évolution de la situation sanitaire liée à la Covid-19 en Chine, et des contacts réguliers et directs avec la partie chinoise, et afin d'éviter une nouvelle vague de contaminations au Maroc et toutes ses conséquences, les autorités marocaines ont décidé d’interdire l’accès au territoire du Royaume du Maroc de tous les voyageurs, quelle que soit leur nationalité, en provenance de la République Populaire de Chine», a annoncé le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger.
Cette mesure sera appliquée à partir du 3 janvier 2023 et jusqu’à nouvel ordre. Elle intervient dans un contexte où le Royaume voit sa 5ème vague de Covid-19, qui s’est caractérisée notamment par une baisse importante du niveau de virulence et de létalité, s’estomper. Le choix du Royaume est donc clair : préserver les acquis sanitaires au niveau national. Car en fermant ses frontières aux voyageurs venant de Chine, le Maroc limite au maximum les risques, sachant que les tests obligatoires négatifs pour accéder au territoire auraient certes été un filtre, mais ne peuvent nullement empêcher la circulation du virus et des variants. Puisque l’on peut être testé négatif à l’arrivée sur le territoire national et développer la maladie quelques jours plus tard. Pour plus d’efficacité, il faudrait donc coupler test et isolement d’au moins 7 jours; ce qui n’empêchera pas aussi le virus de se diffuser.
Seul avantage des tests : pouvoir permettre de détecter de nouveaux variants.
Les tests obligatoires impliquent évidemment trop de paramètres à gérer et toute une logistique à mettre en place. Alors, on boucle les frontières pour… faire simple.
Mais cette radicalité des autorités marocaines appelle une lecture économique : le Royaume se prive volontairement des touristes chinois, au moment où le secteur est en pleine reprise après avoir été très sévèrement touché par la pandémie.
Rappelons que le marché chinois est devenu prioritaire pour le Maroc depuis 2016, année de la signature de l’accord bilatéral de coopération touristique entre le Royaume et la Chine, lors de la visite royale à Pékin. Cet accord, marqué par la décision de supprimer le visa (juin 2016), a rapidement porté ses fruits, puisque le nombre des arrivées en provenance de Chine a franchi la barre des 100.000 en 2017 contre 10.000 en 2015 et 40.000 en 2016. En 2018 et 2019, le Maroc a accueilli respectivement quelque 170.000 et 180.000 touristes en provenance de Chine. L’objectif était de capter quelque 500.000 touristes chinois en 2020. Mais la Covid-19 est passée par là. Et la décision prise ce samedi constitue un nouveau coup dur pour le secteur, qui va voir les Chinois opter pour des destinations concurrentes.
C’est dire qu’entre le sanitaire et l’économique, le choix du Maroc a été vite fait.
Fin de l’ère «zéro Covid»
F. Ouriaghli