Euler Hermes vient de dresser le bilan de l’économie mondiale en 2017 et dessine le portrait macroéconomique international de 2018. Ainsi, selon le leader mondial de l’assurance-crédit, 2017 a été marquée par une rare synchronisation des cycles économiques, permettant à la croissance mondiale de dépasser la barre des +3% pour la première fois depuis 7 ans (+3,2%).
En conséquence, après deux années décevantes et malgré un renforcement du protectionnisme, le commerce mondial en volume a cru de +4,3% en 2017.
Par ailleurs, l’absence d’inflation dans cette phase favorable du cycle économique mondial a étonné plus d’une banque centrale, d’autant que le rebond du prix des matières premières n’a pas suffi à raviver les prix.
En 2017, les nouvelles technologies ont gagné du terrain dans les chaines d’approvisionnement et les habitudes de consommation à l’échelle mondiale, ce qui a certainement contribué à maintenir les prix à un faible niveau. De plus, l’agressivité concurrentielle de certains pays sur la scène internationale, dont la Chine, n’a rien arrangé, explique Euler Hermes.
Par ailleurs, le risque politique ne suffit plus à faire dérailler l’économie mondiale : élections aux Etats-Unis et en Europe, tensions dans la péninsule coréenne, au Moyen-Orient et dans certains pays sud-américains et africains, négociations du Brexit, résurgence du protectionnisme (plus de 400 nouvelles mesures en 2017) … Malgré un renforcement du risque politique en 2017, la croissance a dépassé la barre des +3%.
La fin du modèle unique de politique économique ?
De la Chine à la Turquie, en passant par la Russie et l’Europe, les politiques économiques coordonnées, parfois même dogmatiques, n’ont pas donné les résultats escomptés, souligne Euler Hermes. Pire, elles ont contribué à renforcer les déséquilibres économiques entre les pays.
Désormais, la divergence semble être devenue la norme : plus d’interventions de l’Etat, moins d’ouverture commerciale, et des politiques monétaires et budgétaires moins traditionnelles. Cette évolution nécessitera un suivi des risques pays plus marqué pour anticiper les retournements.
En outre, note Euler Hermes, dans le monde entier, les entreprises sont assises sur un confortable matelas de trésorerie de 7 000 Mds USD. Beaucoup d’entreprises, n’ayant pas trouvé la bonne société dans laquelle investir ou avec laquelle fusionner, ont dû se résigner à des programmes de rachat de leurs propres actions. Ce montant de richesse record s’est constitué dans un contexte d’optimisme prudent pour les entreprises.
«La grande leçon de 2017, c’est que l’allumage synchronisé des trois moteurs principaux de la croissance mondiale, à savoir les Etats-Unis, l’Europe et la Chine, a été suffisant pour contrer un environnement politico-économique peu favorable. Malgré une inflation qui ne redécolle pas, des tensions politiques exacerbées et une certaine tendance à la thésaurisation des entreprises, la croissance mondiale a atteint en 2017 un plus haut en 7 ans, et percé un plafond de verre que l’on pensait difficilement franchissable», résume Ludovic Subran, chef économiste d’Euler Hermes.
Perspectives encourageantes pour 2018, vigilance pour 2019
Aux Etats-Unis, la croissance devrait accélérer de manière significative en 2018 (+2,6%), soutenue par la réforme fiscale. La décélération chinoise (+6,4%) semble sous contrôle, et l’Europe tiendra bon (+2,2%) si elle réussit sa percée institutionnelle, une fois l’incertitude électorale italienne passée. Ainsi, la croissance mondiale est attendue à +3,2% en 2018, comme en 2017. Les échanges commerciaux en volume devraient continuer de croître, légèrement sous les +4%.
En 2018, de nombreuses (bonnes ou mauvaises) surprises viendront ponctuer l’actualité. En ce sens, les agents économiques devront se montrer vigilants, dans un contexte où les marchés financiers sont dopés à la confiance.
Les incertitudes politiques - dette américaine, fenêtre d’action réduite pour l’Europe, atterrissage en douceur de la Chine - combinées aux attentes extrêmement élevées des entreprises, ménages et marchés boursiers, qui espèrent beaucoup des allégements fiscaux annoncés, pourraient accroître la volatilité économique et financière mondiale.
«S’il est peu probable que la conjoncture se retourne en 2018, la situation pourrait se compliquer en 2019. La décélération attendue aux Etats-Unis (+2,2%) et en zone euro (+2%) pourrait mettre l’économie mondiale sous pression d’ici 2 ans. De plus, si les marchés se mettent à douter de la valorisation des entreprises de la Tech, et se rendent compte que trop d’entreprises sont valorisées à un trop haut niveau, un choc financier n’est pas à exclure.
On peut aussi s’inquiéter du développement croissant du shadow banking et des grands pays qui hésitent à se lancer dans des réformes structurelles d’envergure. Tous ces éléments incitent à la prudence pour 2019. Une renaissance économique a commencé, et les nouvelles technologies indiquent la route à suivre. On connait la destination, mais le parcours est semé d’embûches», conclut Ludovic Subran.■