A Gaza, l’hiver est devenu une arme silencieuse. Il achève ce que deux années de guerre ont méthodiquement détruit.
Sous des tentes en nylon usées, déchirées et inondées, des familles entières affrontent des nuits glaciales sans chauffage, sans vêtements secs et sans protection. Des nourrissons meurent d’hypothermie. Des personnes âgées succombent au froid. Des malades s’éteignent faute de soins adaptés.
La nuit, les parents restent éveillés, collés à leurs enfants, vérifiant s’ils survivent à la baisse des températures. Depuis le début de la vague de froid hivernale, au moins 17 Palestiniens sont morts directement des suites du froid et des intempéries à Gaza, parmi lesquels plusieurs enfants en bas âge, dont des nourrissons.
Dans ce territoire, survivre à l’hiver est devenu un acte de résistance quotidienne.
C’est dire que le cessez-le-feu entré en vigueur en octobre n’a pas mis fin à la souffrance des Gazaouis. Il a suspendu une partie des combats, mais pas le siège, ni les restrictions, encore moins la pénurie. L’aide humanitaire arrive trop lentement, en trop faible quantité.
Les camions promis ne passent pas. Les tentes manquent. Les abris préfabriqués sont insuffisants. Les médicaments essentiels restent bloqués ou arrivent au compte-gouttes. Les hôpitaux, déjà ravagés par les bombardements, ne disposent ni de matériel adéquat ni de moyens de chauffage pour les nouveau-nés et les patients vulnérables.
Les organisations humanitaires alertent sans relâche. L’OMS parle d’une explosion des infections respiratoires aiguës. L’UNICEF évoque une situation «très critique» pour les enfants. Médecins sans Frontières décrit des décès évitables, directement liés au froid et à l’absence de conditions de vie minimales.
L’UNRWA (Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) avertit que des centaines de milliers de personnes sont exposées à l’hypothermie et aux inondations.
Dans ce paysage de ruines et de tentes battues par le vent, la parole du pape Léon XIV tranche par sa sobriété. Lors de son message de Noël, il a dit penser aux «tentes de Gaza, exposées depuis des semaines à la pluie, au vent et au froid».
Pendant ce temps…
Pendant que les habitants de Gaza luttent contre le froid, Israël poursuit une stratégie qui alimente le sentiment d’impunité. En Cisjordanie occupée, de nouvelles colonies sont approuvées et d’autres légalisées.
Quatorze pays ont ainsi appelé à l’arrêt de l’expansion coloniale. Mais Israël a rejeté cet appel qu’il juge «moralement répréhensible». Le message est clair : la pression diplomatique n’infléchit pas la politique du fait accompli.
Sous le faux prétexte d’assurer la sécurité de l’Etat hébreu, des terres sont confisquées et la colonisation progresse donc, méthodiquement. Une colonisation qui morcelle le territoire palestinien, isole les communautés et rend chaque jour plus abstraite la perspective d’un Etat palestinien viable.
Parallèlement, Israël annonce des investissements massifs dans son industrie d’armement et revendique son statut de puissance régionale.
Le paradoxe est saisissant. D’un côté, une bande de Gaza où des bébés meurent de froid faute de couvertures et de chauffage. De l’autre, 110 milliards de DH mobilisés sur 10 ans pour renforcer une machine militaire déjà dominante.
Ce contraste nourrit une colère sourde et un désespoir profond d’un peuple qui souffre avec dignité, dans un silence international de plus en plus assourdissant, pour ne pas dire une indifférence générale.
Ainsi va la vie à Gaza.
F. Ouriaghli