Pendant que les grandes puissances s'enlacent dans leurs contorsions diplomatiques, l’Espagne tape du poing. Pedro Sanchez a en effet le verbe haut.
Il l’a prouvé à nouveau le 8 septembre en annonçant pas moins de neuf mesures destinées, selon lui, à «mettre fin au génocide à Gaza». Et elles sont pertinentes : embargo sur les armes, refus de transit militaire via ports et espace aérien espagnols, interdiction d'entrée pour les responsables israéliens liés aux crimes de guerre, limitation des services consulaires dans les colonies, augmentation massive de l’aide humanitaire à destination de Gaza, ou encore interdiction d’importer des produits provenant des colonies illégales de Gaza et de la Cisjordanie.
Depuis le palais de La Moncloa, le président du gouvernement espagnol n’a ainsi pas mâché ses mots pour qualifier le drame qui se joue à Gaza. «Le gouvernement espagnol considère que protéger son pays est une chose, bombarder des hôpitaux et laisser mourir de faim des enfants innocents en est une autre (…) Ce n'est pas de la légitime défense. Ce n'est même pas une attaque. C'est l'extermination d'un peuple sans défense. C'est une violation de toutes les lois du droit humanitaire (…)», a-t-il affirmé. Face à cette initiative, Israël a réagi avec véhémence. Comme attendu. Accusations d'antisémitisme, interdictions d'entrée pour des ministres espagnols et autres menaces à peine voilées : tout y est.
Parallèlement, Benjamin Netanyahu continue de souffler sur les braises. Le Premier ministre israélien a annoncé l’extension des opérations militaires à Gaza-ville. «Nous sommes en train d'étendre nos opérations en périphérie de la ville de Gaza et dans la ville même», a-t-il dit dimanche lors d’une réunion avec ses ministres, accusant le Hamas d’utiliser les civils comme boucliers humains. Cette rhétorique rodée, usée jusqu’à la corde, légitime actuellement toutes les exactions commises par Tsahal dans la bande de Gaza. Un territoire où le décompte macabre se poursuit inexorablement. Le dernier bilan y fait état de près de 64.000 morts, dont une majorité de femmes et d’enfants, 250.000 personnes menacées de famine et deux millions de déplacés.
Des chiffres qui donnent le vertige, mais qui semblent bien peu émouvoir la communauté internationale. Un monde à contre-temps Là où l’Espagne tente de sauver l’honneur, l’Union européenne hésite et bafouille : pas question de soutenir la flottille humanitaire conduite par Greta Thunberg, qui tente de briser le blocus sur Gaza. «Nous n'encourageons pas ce genre de flottille, car cela peut fondamentalement aggraver la situation et met également leurs participants en danger», résume une porte-parole de la Commission européenne. On préfère donc l’aide discrète, soustraitée à quelques ONG dociles. L'humanitaire, oui, mais sans faire de vague. Au Royaume-Uni, c’est un autre son de cloche, les autorités ayant choisi de bâillonner l’indignation. Au total, 890 arrestations ont eu lieu samedi à Londres lors d’un rassemblement de soutien à Palestine Action, organisation désormais interdite, taxée de «terroriste» par le gouvernement.
Pendant ce temps, depuis la Maison Blanche, Donald Trump multiplie les déclarations choc, balançant son «dernier avertissement» au Hamas. «Les Israéliens ont accepté mes conditions. Il est temps pour le Hamas d'accepter également. J'ai averti le Hamas des conséquences en cas de refus. Ceci est mon dernier avertissement, il n'y en aura pas d'autre !», a-til écrit sur Truth Social. «Ceci est un dernier avertissement aux assassins et violeurs du Hamas (...): libérez les otages et déposez les armes, ou Gaza sera détruite et vous serez anéantis», a renchéri le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, sur X. En face, le Hamas répond qu’il est prêt à discuter «en échange d'une déclaration claire de la fin de la guerre et d'un retrait complet israélien de la bande de Gaza».
Des postures irréconciliables donc, qui soustendent la poursuite du processus d’extermination des Gazaouis, dénoncé même au sein des instances onusiennes. «Je suis horrifié par l'utilisation sans détour d'une rhétorique génocidaire et la déshumanisation honteuse des Palestiniens par de hauts responsables israéliens», a déclaré Volker Türk, lundi, lors de l'ouverture de la 60ème session du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU à Genève, fustigeant le «carnage» et la «famine organisée». Tous ces cris d’orfraie changeront-ils cependant quelque chose à Gaza ? Pas sûr. Mais convenons, au moins, que dans ce tohu-bohu diplomatique, l’Espagne fait figure d’exception par son courage politique. Pedro Sanchez n’arrêtera certes pas la guerre avec des mots. Mais il a choisi de ne pas les avaler. Et ce simple geste, aujourd’hui, vaut acte. Tout comme le serait la reconnaissance d'un Etat palestinien par plusieurs pays occidentaux, notamment la France, le Canada, l'Australie, la Belgique ou encore la GrandeBretagne, fin septembre courant lors de l’AG de l’ONU.