• Pour le Roi Mohammed VI, il n’y a «pas d'alternative à un État palestinien indépendant avec Al Qods-Est pour capitale».
• Dominique de Villepin s’est lancé dans une virulente diatribe contre Benjamin Netanyahou, estimant que ce dernier fait tout «pour que la solution politique ne vienne pas sur la table».
• Selon l’ancien Premier ministre français, «une légitime défense n’est pas un droit indiscriminé à tuer des populations civiles».
Hamas – Israël : 35 jours de conflit et un bilan assez macabre. Depuis le début de l’offensive israélienne 10.800 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza, selon le Hamas, dont les attaques en Israël le 7 octobre ont fait au moins 1.400 morts.
Les affrontements entre Israël et le Hamas ont des conséquences dévastatrices pour les civils, pris au piège dans cette guerre. La situation humanitaire à Gaza, véritable prison à ciel ouvert, est un cri d'alarme que le monde ne peut ignorer.
Mais Israël n’écoute personne, n’entend rien : Tsahal est dans une logique de vengeance aveugle et meurtrière, plongeant la région dans un engrenage de violences infernales.
Les multiples appels au cessez-le-feu n’y changent rien. Israël veut en finir définitivement avec le Hamas. Quitte à massacrer tous les Palestiniens qui se trouvent dans la bande de Gaza, y compris les enfants et les femmes.
Samedi, les dirigeants des Etats arabes se sont retrouvés à Riyad, dans le cadre des travaux du Sommet arabe d'urgence et du Sommet islamique extraordinaire, consacrés aux développements de la situation dans la bande de Gaza. Dans son discours lu par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, le Roi Mohammed VI a d’ailleurs relevé la surdité israélienne. «Bien que des voix de la sagesse se soient élevées pour appeler à la désescalade et à l'apaisement, l'artillerie et les missiles israéliens continuent de prendre pour cible les civils désarmés, y compris les enfants, les femmes et les personnes âgées. Ne furent épargnés ni lieux de culte, ni hôpitaux, ni camps, qu'ils soient totalement ou partiellement détruits», souligne le Souverain. Non sans insister sur le fait que parmi les priorités urgentes, il y a nécessité de «projeter une perspective politique pour la question palestinienne, de nature à relancer la solution à deux États, tel que convenu par la communauté internationale».
La résolution ayant sanctionné les travaux de ce Sommet va dans le même sens : la solution à deux Etats et la paix en tant que choix stratégique pour mettre fin à l’occupation israélienne et au conflit arabo-israélien.
Instabilité chronique
Cette tragédie qui se déroule à Gaza est symptomatique d'un problème plus large dans la région. Elle réveille, une fois de plus, les démons de l'instabilité au Proche-Orient, et montre, tant s’en faut, la complexité et l'entêtement des problèmes historiques qui minent la région depuis des décennies.
Les tentatives de résolution du conflit israélo-palestinien sont continuellement entravées par des intérêts politiques, des questions territoriales complexes et des questions religieuses profondément enracinées. Et, parfois, par l’aveuglement politique de certains individus.
Nous le disions tantôt dans ces colonnes, si la situation s’est détériorée à ce point au Proche-Orient, c’est à cause de la politique de colonisation agressive menée par Israël depuis plusieurs années, avec la bienveillance de la communauté internationale. Et l’un des grands artisans de l’annexion outrancière des territoires palestiniens, est le Premier ministre actuel, Benjamin Netanyahou, qui en a fait son fonds de commerce électoral.
Le 7 novembre, sur France Info, l’ancien Premier ministre français, Dominique de Villepin, a fait une analyse très pertinente et une lecture lucide de la situation actuelle, pointant du doigt un seul responsable : Netanyahou.
Ce qu’en dit de Villepin
Selon Dominique de Villepin, «le gouvernement israélien de Benjamin Netanyahou a échoué le 7 octobre. Il a échoué doublement : dans la capacité à assurer la protection du peuple israélien, en laissant faire des massacres qui sont une abomination. Il porte une responsabilité directe dans ce qui s’est passé. Et il a aussi un autre échec : c’est d’avoir encouragé une politique d’occupation et de colonisation qui continue à cette heure en Cisjordanie, et qui constitue une autre menace pour Israël si un deuxième front en Cisjordanie venait à s’ouvrir.
La force ne permet pas d’assurer la sécurité d’un peuple. C’est ce que tous les Israéliens doivent comprendre aujourd’hui. (…) Le choix du gouvernement israélien depuis le 7 octobre, c’est de surenchérir dans la force. Vous savez, ni la force ni la vengeance n’assurent la paix et la sécurité.
Ce qui assure la paix et la sécurité, c’est la justice. La justice n’est pas au rendez-vous.
Le raisonnement du gouvernement israélien est erroné, et toute la communauté internationale peut le voir. Le principe, c’est «nous ciblons des terroristes». Et malheureusement, il se trouve qu’il y a des populations civiles; ce qu’on appelle pudiquement, en langage militaire, des dommages collatéraux. Il faut bien voir que ces dommages collatéraux ne sont pas accidentels. Ils sont parfaitement prévisibles et parfaitement assumés (…).
Arrêtons de poser la question de la responsabilité et voyons la réalité de ce qui se passe sur le terrain. La faute, nous la laisserons aux historiens. Ce que nous voulons, c’est arrêter ces violences et ces massacres. Israël se met en danger encore plus aujourd’hui avec ce type de guerre et de frappes. Nous sommes essentiellement aujourd’hui, de la part du gouvernement Netanyahou, dans une politique de vengeance. Israël a le droit à sa légitime défense. Mais une légitime défense n’est pas un droit indiscriminé à tuer des populations civiles.
Quand on cible une ambulance, on peut toujours imaginer qu’il s’y trouve un terroriste ou pas. Mais le résultat, c’est qu’il y a des femmes et des enfants qui meurent. Chaque enfant, chaque femme tuée, ce sont plus de terroristes. Donc Israël obtient l’inverse de ce qu’il souhaite (…).
Benjamin Netanyahou mène une guerre pour tout faire pour que la solution politique ne vienne pas sur la table. Et c’est là où la communauté internationale, l’Europe, les Etats-Unis, doivent dire à Benjamin Netanyahou que cette guerre n’est pas acceptable (…). Parce que du Hamas, on va passer à l’Iran, puis à d’autres cibles. Et nous rentrons alors dans la logique de guerre des civilisations.
Quand Netanyahou dit qu’il y a d’un côté le peuple des lumières, et de l’autre le peuple des ténèbres, on voit bien dans quel engrenage nous nous situons.
Toutes les guerres qui se déroulent depuis une vingtaine d’années, sont des guerres qui commencent et qui ne se terminent pas. Ce sont des conflits gelés : on sait commencer une guerre, on ne sait pas la terminer.
Et Monsieur Benjamin Netanyahou pourra diriger Gaza, cela ne changera rien. Il continuera à avoir des attaques terroristes, les Israéliens continueront à vivre dans la peur (…).
La guerre contre le terrorisme n’a jamais été gagnée nulle part. La force n’est pas la réponse. La vengeance n’est pas la réponse. La réponse, c’est la justice.
Aujourd’hui, la direction qu’il faut suivre, c’est d’empêcher Benjamin Netanyahou de continuer sa logique suicidaire qui fera d’Israël un Etat assiégé : ils peuvent assiéger Gaza, mais ils seront assiégés. Et il ne faut pas croire que demain, on rependra avec les Etats arabes une petite parole tranquille qui normalisera la situation. Non, les blessures de l’histoire se réveillent. L’intérêt d’Israël, c’est d’avoir un Etat responsable à ses côtés. Et cet Etat responsable doit être toute la Cisjordanie, Gaza, avec un accès entre les deux territoires, et Jérusalem-Est. Le problème, et c’est tout le sens de la surenchère de Benjamin Netanyahou, c’est qu’il n’en veut pas. La politique de séparation doit être digne, c’est-à-dire qu’elle doit conférer aux Palestiniens un Etat où ils pourront vivre. Un Etat viable, qui pourra se construire. Aujourd’hui, il y a 500.000 Israéliens qui colonisent la Cisjordanie et il y en a 200.000 qui sont à Jérusalem-Est».
Pour Dominique de Villepin, ils doivent quitter ces territoires, car, conclut-il, «c’est le prix de la sécurité pour Israël. Et tous ceux qui considèrent aujourd’hui que ce ne sera jamais suffisant, font la politique du pire».
F. Ouriaghli