Mille jours de guerre, c’est long. C’est assez pour reconstruire un pays, mais apparemment aussi suffisant pour en détruire un.
Depuis ce fatidique 24 février 2022, l’Ukraine est devenue un champ de bataille où le chaos n’est plus une exception, mais une routine. Pourtant, l’Ukraine tient. Non par miracle, mais par une résilience qui force le respect. Mille jours, c’est aussi le temps qu’il faut pour tordre un pays, sans jamais réussir à le briser.
L’Ukraine ne s’est pas soumise. Après mille jours, les chiffres donnent le vertige. Près d’un million de morts et de blessés des deux côtés, des villes entières rasées et des souffrances humaines innommables. Les bombardements dans la région Soumy (nord-est de l’Ukraine), la nuit du lundi à mardi dernier, rappellent l’atrocité de cette guerre : sous les décombres de Hloukhiv, des cris qui s’éteignent sous le poids des gravats, avec notamment sept personnes tuées, dont un enfant.
La Russie persiste ainsi dans sa logique destructrice, condamnant des millions d’Ukrainiens à un troisième hiver meurtrier, tout en réécrivant les règles du jeu. En effet, avec son décret élargissant les possibilités de recours à l’arme nucléaire, Vladimir Poutine joue à une roulette russe géante, faisant de cette tragédie humaine qui se joue en Ukraine un simple chapitre dans un manuel de géopolitique pour grandes puissances. Alliances contre-nature Le conflit ukrainien ne se limite plus à un affrontement entre Moscou et Kiev. La scène mondiale ressemble désormais à une gigantesque partie d’échecs où chaque coup est calculé pour maximiser les gains.
Le Kremlin, malgré ses avancées territoriales, a ainsi dû puiser dans des alliances inattendues : la Russie et la Corée du Nord forment désormais une alliance improbable, qui choque l’Occident. L’envoi de milliers de soldats nord-coréens en Russie illustre jusqu’où Pyongyang est prêt à aller pour se faire une place dans ce théâtre mondial. Kim Jong Un, lui, applaudit avec enthousiasme, espérant troquer son soutien militaire contre des ressources naturelles et des technologies susceptibles de renforcer son programme nucléaire. Et si la Chine et la Russie affichent une amitié stratégique, les intérêts nord-coréens viennent troubler ces relations déjà complexes. Entre promesses de ressources naturelles pour Kim Jong Un et menaces nucléaires brandies par Vladimir Poutine, le monde assiste ainsi à une reconfiguration géopolitique dont personne ne peut vraiment prédire l’issue. Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, les Etats-Unis jouent leur propre partition.
Joe Biden, dans un dernier coup d’éclat avant de céder la place à Donald Trump, autorise Kiev à frapper la Russie avec des missiles longue portée. Une décision controversée qui divise même à Washington. Trump et ses acolytes, jamais en reste pour une punchline, dénoncent une «escalade» orchestrée pour des raisons politiques. Mais Trump, qui a promis de «résoudre le conflit en 24 heures» et qui a longtemps vu les relations internationales comme un deal immobilier, s’annonce comme une énigme pour Kiev. Zelensky, bien conscient de la fragilité du soutien occidental, multiplie les gestes diplomatiques pour préserver les aides militaires et humanitaires américaines. En coulisses, la peur d’être sacrifiés sur l’autel des négociations hante les dirigeants ukrainiens, après notamment les grands discours sur la souveraineté et l’intégrité territoriale.
Dès lors, force est d’admettre que ce contexte global n’est pas favorable à une fin de la guerre. Chaque pas vers la table des négociations semble se heurter à des revendications irréconciliables. L’Ukraine n’est pas prête à céder une partie de son territoire. La Russie ne renoncera pas à ses conquêtes (environ 20% du territoire ukrainien). Et entre les deux, le reste du monde attend, impuissant, que l’hiver passe, divisé entre ceux qui arment ou veulent armer et ceux qui prêchent la diplomatie. Alors, mille jours plus tard, que reste-t-il de cette guerre? Une Ukraine ravagée, des familles endeuillées, des économies affaiblies et une planète en surchauffe, à la fois au sens propre et figuré. Les alliances se forment et se déforment, les discours se durcissent et, surtout, la guerre continue de grignoter la raison.
Par D. William