Mardi 5 novembre, un peu plus de 240 millions d’électeurs américains sont attendus aux urnes pour élire le 47ème président des Etats-Unis. Un vote sous haute tension !
Plus que 48 heures avant l’élection présidentielle américaine, et c’est un véritable thriller politique qui se déroule sous les yeux du monde entier. D’un côté, Donald Trump, 78 ans, ancien président républicain qui, malgré ses frasques et ses controverses, garde un socle d’électeurs fidèles. De l’autre, Kamala Harris, première femme noire et d’origine asiatique à briguer la présidence, héritière du flambeau démocrate depuis le retrait de Joe Biden. Ces deux candidats incarnent des visions radicalement opposées des Etats-Unis. Et pourtant, dans les sondages, ils sont au coude-à-coude, comme si la nation ne parvenait pas à trancher entre le passé et l’avenir.
Kamala Harris a fait du combat identitaire un levier politique assumé. Surnommée «Momala», un clin d’œil à sa famille recomposée, elle n’hésite pas à mettre en avant son prénom, souvent écorché par son rival, pour illustrer les enjeux d’une Amérique multiculturelle en quête de reconnaissance. Trump, quant à lui, persiste à égratigner son nom, y trouvant un prétexte pour marquer cette différence culturelle qui, pour ses partisans, symbolise une forme d’«altérité» difficile à intégrer.
Harris, cependant, a pris le contrepied de cette tactique, renversant la condescendance en étendard de proximité. Dans le climat actuel, où l’identité devient un champ de bataille politique, elle navigue habilement, rappelant discrètement ses origines tout en occupant la scène nationale.
En face, Trump incarne la voix des «laissés-pour-compte» de la mondialisation. Ceux qui, ouvriers et syndiqués, se sentent dépossédés par un système qu’ils jugent élitiste et inégal. Dans des Etats clés comme le Michigan ou la Pennsylvanie, où la classe ouvrière conserve un poids électoral significatif, l’ancien président attire encore les foules. L’ironie réside dans le fait que Trump, milliardaire flamboyant, s’est transformé en porte-voix d’une Amérique conservatrice, souvent ouvrière, lassée des «élites».
Face à cela, Harris peine à convaincre les électeurs ouvriers que ses engagements syndicaux valent mieux que la rhétorique populiste de son adversaire. Entre soutien à l’électrification de l’industrie automobile et bataille pour le droit à l’avortement, elle doit jongler entre des préoccupations sociales diverses, parfois contradictoires.
Dans ce duel sans merci, la question migratoire est devenue centrale. Pour Harris, l’enjeu est clair : maintenir un équilibre entre fermeté et ouverture. Mais pour Trump, la migration reste un «fléau» qu’il promet d’éradiquer. A ses yeux, l’Amérique doit redevenir une forteresse, et il ne lésine pas sur les mots pour dépeindre une image dramatique des migrants.
Son slogan ? «America First», bien sûr, un mantra efficace qui continue de séduire une part de l’électorat.
Cependant, la réalité migratoire est plus complexe que les slogans de campagne. La baisse des entrées illégales, conséquence directe des politiques de Harris, montre bien que l’Amérique pourrait intégrer les flux migratoires sans sombrer dans le chaos.
Une élection suspendue aux «swing states»
Comme toujours, ce sont les fameux «swing states» qui détiennent la clé de cette élection. Pennsylvanie, Michigan, Wisconsin… autant de noms qui reviennent en boucle et qui décident du sort de la nation. Trump y est légèrement en avance, mais l’écart est mince. Trop mince pour garantir une victoire assurée.
La Pennsylvanie, en particulier, fait figure de champ de bataille ultime. Trump y voit déjà un complot, dénonçant une «tricherie» d’une ampleur «jamais vue». Harris, elle, appelle au calme et au respect du processus électoral, espérant conjurer les démons de 2020, où l’assaut du Capitole a terni l’image de la démocratie américaine. Pour beaucoup, cette rhétorique de «fraude électorale» est la carte maîtresse de Trump. Une manière de préparer ses troupes à une contestation, légitime ou non, en cas de défaite.
En tout cas, à quelques jours du vote, l’Amérique semble sur les nerfs, anxieuse face à l’incertitude qui plane. Selon des sondages récents, 87% des électeurs estiment que le pays subirait des préjudices durables si leur candidat perd.
Le climat est tendu et l’angoisse palpable, nourris par des discours alarmistes et une polarisation exacerbée. Pour beaucoup, cette élection cristallise des tensions profondes, mettant en lumière les fractures au sein de la société américaine.
L’issue de cette course électorale semble si incertaine que l’on pourrait imaginer un scénario de «victoire différée», où chaque camp contesterait les résultats. Cette situation rappelle le fameux recomptage de 2000 entre Bush et Gore, mais dans un contexte beaucoup plus explosif.
Harris, consciente des risques de violence, prône l’apaisement et le rassemblement, espérant éviter que le pays ne bascule dans le chaos.
Alors, qui l’emportera ? Difficile à dire. Le suspense est à son comble. Cette élection pourrait être celle de la maturité pour l’Amérique, un test majeur pour une nation en quête de stabilité. Quoi qu’il advienne, l’essentiel, peut-être, n’est pas dans le nom du vainqueur, mais dans la capacité des Américains à se retrouver au-delà des clivages.
A la fin de la journée, cette élection, au-delà de ses rebondissements et de ses frictions, rappellera aux 240 millions d’électeurs américains et au monde entier que la démocratie, aussi imparfaite soit-elle, reste un idéal pour lequel il vaut la peine de se battre.
F. Ouriaghli