A la tribune des Nations unies, Benjamin Netanyahu a rejeté avec force l’idée d’un Etat palestinien, présenté comme un «suicide national» pour Israël.
Un discours tranchant qui stigmatise les capitales occidentales ayant reconnu la Palestine et qui, sur fond de guerre à Gaza et d’expansion coloniale en Cisjordanie, brouille encore davantage les perspectives de paix au Proche-Orient.
Vendredi, Benjamin Netanyahu a prononcé un discours à l’ONU, retransmis à Gaza au moyen de haut-parleurs. D’emblée, le Premier ministre israélien a donné le ton, affirmant qu’un Etat palestinien serait un «suicide national» pour Israël.
Il rejette l’accusation de génocide, accuse l’Europe d’«avaler tout cru» la propagande du Hamas, dénonce les pays occidentaux (dont la France, le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie) qui ont reconnu l’État de Palestine à New York et y voient un pas vers une solution à deux Etats.
Selon lui, ces capitales auraient «cédé» au Hamas, donc récompensé la violence. On sait que dans ce conflit israélo-palestinien, la sémantique utilisée est importante : assimiler la reconnaissance d’un Etat palestinien à une capitulation devant le terrorisme est une argutie brandie par Netanyahu pour torpiller toute initiative diplomatique visant à asseoir la paix dans la région.
Notons que dès l’entame de son discours, des délégués ont quitté la salle, hués à l’appui. Le Hamas, prompt à occuper toute brèche de communication, y a lu le signe d’un «isolement» d’Israël. Les familles d’otages, elles, ont répondu depuis Jérusalem : «Finir le travail» à Gaza, comme l’a martelé Netanyahu, met les captifs en danger et retarde les échanges. Dans la même séquence, Médecins sans Frontières a suspendu ses activités à Gaza-ville, encerclée par l’offensive, alors que l’ONU a publié une nouvelle liste de 158 entreprises impliquées dans la colonisation en Cisjordanie, que le gouvernement veut par ailleurs étendre.
Gaza et Cisjordanie
Dire «finir le travail» suppose un objectif atteignable par l’outil militaire. Or, deux ans d’opérations montrent exactement l’inverse. L’appareil du Hamas est certes sérieusement endommagé, mais il se reforme. Les cadres tués se remplacent et l’idéologie survit aux bombardements.
En renvoyant continuellement la cause de la catastrophe exclusivement au Hamas, Netanyahu esquive la question politique : qui gouvernera Gaza, comment, avec quelle légitimité et sur quelles perspectives ?
Il y a ensuite la Cisjordanie. L’extension des colonies en réaction aux reconnaissances occidentales n’est pas un épiphénomène. L’ONU rappelle le caractère illégal de ces implantations au regard du droit international et actualise sa base de données des entreprises impliquées. Parallèlement, sur le terrain, les projets de logements compliquent les choses. Si Jérusalem-Est est isolée du reste du territoire, ce n’est pas un détail cartographique, mais un verrou sur la capitale revendiquée d’un futur Etat palestinien. Or, fermer la perspective politique en Cisjordanie, c’est condamner Gaza à n’être qu’un dossier sécuritaire.
Il serait pourtant faux de dire que tout le monde pousse dans la même direction. D’un côté, une coalition de douze pays, parmi lesquels la France, le Royaume-Uni, le Japon, l'Arabie Saoudite et l'Espagne ont créé un mécanisme d’urgence pour soutenir financièrement l’Autorité palestinienne, exsangue depuis la rétention par Israël des recettes fiscales. C’est du court-terme pour éviter l’effondrement administratif, avec des promesses qui atteignent au moins 170 millions de dollars.
De l’autre, à Washington, Donald Trump jure qu’il n’autorisera pas une annexion de la Cisjordanie. Et affirme, avec ce ton désinvolte qu’on lui connaît : «je pense que nous avons un accord» pour Gaza. Peut-être. Sauf qu’il n’a encore donné aucun autre détail.
La solution à deux Etats en question
La reconnaissance de l’Etat palestinien par de nouvelles capitales n’a pas, à elle seule, changé la donne sur le terrain. Elle agit plutôt comme un marqueur : une partie de l’Occident considère qu’à défaut de pouvoir imposer un cessez-le-feu, elle peut rappeler le cadre de sortie, à savoir deux États légitimes.
Côté israélien, ce geste est lu comme une prime au Hamas. Côté palestinien, cela remet en selle l’Autorité palestinienne, qui jure que le Hamas n’aura aucun rôle dans une gouvernance future et devra rendre les armes.
Alors, la paix est-elle possible ? Pas sûr. Surtout que Netanyahu martèle qu’il n’y aura pas d’Etat palestinien. A l’intérieur du pays, ce discours agrège les droites israéliennes, rassure ceux qui priorisent la sécurité et marginalise les voix qui réclament une sortie politique.
A l’extérieur, il contredit les partenaires qui veulent la fin de la guerre, embarrasse Washington, obligé de dire «non à l’annexion» de la Cisjordanie tout en soutenant la sécurité d’Israël, et cristallise l’opinion publique internationale.
Bref, dire qu’un Etat palestinien équivaut à «un suicide», c’est condamner le conflit israélo-palestinien… à la perpétuité. A une guerre sans fin.
F. Ouriaghli