«Netanyahu a-t-il fait moins qu’Hitler ? Non. Il est plus riche qu’Hitler et bénéficie du soutien de l’Occident. Et qu’ont fait les Israéliens avec tous ces soutiens ? Ils ont tué plus de 35.000 Gazaouis». Ces paroles sont du chef du gouvernement turc, Recep Tayyib Erdogan, qui ajoute que, quoique puisse être l’issue de cette guerre livrée au peuple palestinien, c’est le Hamas qui est d’ores et déjà victorieux.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Cette lecture des événements est partagée par un grand nombre de chefs d’État, d’analystes, d’observateurs et de politologues et autres spécialistes des conflits armés. Nous l’avons bien vu, le président russe Vladimir Poutine l’a affirmé sans ambages, disant que cette guerre a renforcé le poids et la légitimité du Hamas. Tout comme les responsables chinois et indiens qui ont eux aussi mis en exergue l’échec de la vision du Premier ministre israélien face à son ennemi intime le Hamas. Ce dernier qui a engrangé un énorme capital sympathie non seulement au sein des populations palestiniennes, dans le monde arabe, en Afrique et ailleurs, mais aussi au sein de la communauté internationale. Celle-ci est aujourd’hui obligée de constater que c’est finalement le Hamas qui peut défendre le peuple palestinien face aux attaques et aux agressions de l’armée israélienne.
Au niveau des relations stratégiques et des approches géopolitiques, la majorité des spécialistes affirme qu'Israël a perdu sa guerre contre le Hamas. Pire, elle l’a rendu plus fort, plus populaire et plus aguerri. Pour Sébastien Boussois, spécialiste du Proche-Orient, auteur de «Gaza : l'impasse historique» : «Le Hamas en sort totalement gagnant, d’autant que la résistance fait partie de sa génétique. Quel que soit l’affaiblissement du mouvement aujourd’hui, il demeure une fois de plus en position de force. Il peut se targuer d’avoir gagné devant la cinquième armée du monde. Ses revendications, à chaque occasion de trêve, ont finalement été acceptées». Par contre, en ce qui concerne l’État d’Israël, l’impact est plus conséquent et converge vers une perte de cette guerre : «Clairement, Israël a tout perdu, précise l’analyste. Comme l’a dit un ancien chef des services de renseignements israéliens, Israël gagne ponctuellement des batailles, mais ne gagne jamais la guerre. À Gaza, une armée conventionnelle non adaptée à la guérilla peut difficilement prendre le dessus. Ni la guerre de 2008, ni celle de 2012, ni celle de 2014 ne peuvent être considérées comme des succès militaires pour Israël. La population israélienne commence à le comprendre aussi».
Dans ce sens, la popularité du Premier ministre israélien est au plus bas et une partie de la rue israélienne se dit otage des décisions du gouvernement Netanyahu. Celui-ci a précipité l’État hébreu dans une guerre qui semble s’installer dans la durée et qui est contre-productive, à tous les niveaux, puisque le Hamas n’a pas été vaincu ni affaibli. Pire, ces attaques et ces agressions n’ont touché que des civils faisant plus de 35.000 morts, avec pas moins de 14.000 enfants massacrés. C’est ce qui fait dire à Nitzan Perelman, spécialiste de la société israélienne : «les représentants politiques israéliens affirment que le pays est en train de gagner la guerre. Mais en réalité, de nombreux travaux universitaires et journalistiques montrent qu’aujourd’hui Israël est encore loin de la victoire. Le gouvernement avait annoncé poursuivre deux objectifs : libérer les otages et détruire le Hamas. Pour l’instant, seuls trois otages ont été libérés par une opération militaire. La majorité des libérations a été possible uniquement grâce aux négociations». Ce qui est une défaite flagrante pour Benjamin Netanyahu. Pire : «le gouvernement poursuit un troisième objectif : recoloniser Gaza. Ce projet émane de la droite sioniste religieuse ainsi que de plusieurs membres du Likoud. En 2005, le gouvernement d’Ariel Sharon avait initié un plan de désengagement de Gaza et de quatre communes dans le nord de la Cisjordanie. En mars 2023, le gouvernement actuel a annulé cette loi. Depuis le 7 octobre, une partie importante du gouvernement n’a cessé d’afficher sa volonté de rétablir des colonies à Gaza. Les membres du gouvernement et leurs soutiens politiques militent donc pour une «émigration» des Gazaouis, afin de pouvoir se réinstaller dans cette enclave». Une politique qui doit aboutir à vider le territoire gazaoui de ses populations. Un objectif à la fois irrationnel et irréalisable, à moins que Tel-Aviv n’opte ouvertement pour une déportation forcée des Palestiniens. Ce qui constitue, là encore, une autre défaite pour Israël et une condamnation internationale, puisque l’État juif rejoue l’Histoire et fait subir aux populations palestiniennes ce que Hitler a fait subir aux juifs en Europe. C’est ce qui fait également dire à Mkhaimar Abusada, professeur associé de sciences politiques à l'université Al-Azhar de Gaza, que «Le Hamas est sans aucun doute beaucoup plus populaire que début juillet. Il était affaibli, contesté, isolé politiquement, mais aujourd'hui, tout le monde se range derrière lui. Il est revenu au premier plan, non seulement dans la bande de Gaza, mais aussi dans la région». Sans oublier, l’impact moral sur les populations palestiniennes qu’Israël voulait détourner du Hamas. Aujourd’hui, l’écrasante majorité des Palestiniens se range derrière le Hamas, qui représente pour elle l’unique force capable de tenir face aux assauts de Tsahal : «À en croire la presse israélienne, Israël a perdu, précise Dominique Vidal, journaliste et historien spécialiste du conflit israélo-palestinien. Cette troisième guerre menée contre Gaza n’est pas parvenue à mettre à genoux la résistance palestinienne. Rompant plusieurs fois la trêve, le Hamas a obtenu un certain nombre de concessions importantes… ».
De fait, Benyamin Netanyahou a déjà perdu la bataille la plus importante : celle de l’opinion. Selon un sondage publié par le Jerusalem Post, 54% des Israéliens estiment avoir perdu la guerre et la cote de popularité du Premier ministre, qui était de 82% lors de l’invasion terrestre de Gaza, a chuté à 32%. Pendant ce temps, le conflit s’enlise faisant toujours plus de morts, avec à chaque victime, une voix de moins pour la paix.