Dans un climat mondial en profondes mutations, l’Afrique décide finalement de prendre son destin en main et de ne plus se laisser exploiter par les anciens colonisateurs, notamment la France, qui multiplie, sous l’ère Macron, des effets de manche disant une chose et son contraire, manipulant les États en les remontant les uns contre les autres, se mêlant ouvertement des affaires internes d’États africains souverains qui n’acceptent plus ni la tutelle de Paris ni ses anachroniques leçons de morale.
Par Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Autrement dit, la coupe est pleine. Et elle a débordé de partout, éclaboussant les relations entre plusieurs pays africains et l’Europe, avec la France en ligne de mire, avec une politique rétrograde du président français, qui fait montre d’un manque d’expérience criant, pensant encore que les Africains sont les vassaux des Français, recyclant des visions hégémonistes éculées.
Sans oublier les échecs cuisants au Mali, en Côte-d’Ivoire et dans toute la région du Sahel qui est une plaie ouverte causée par une France en parfait décalage avec l’Histoire. Avec la méthode Macron qui ne fait que nuire aux relations futures avec l’Afrique, Paris, qui a déjà perdu du terrain en Afrique, est en passe de perdre le peu de crédibilité qui lui restait.
De Nicolas Sarkozy qui avait dit que «l'homme africain n'est pas suffisamment entré dans l'histoire» à Emmanuel Macron qui dit que «Notre pays est souvent attaqué. Et il est attaqué dans les opinions publiques, par les réseaux sociaux et par des manipulations. Et le continent africain en est le meilleur laboratoire», oubliant toutes les dérives postcoloniales, avec une politique nommée Françafrique, qui a favorisé le pillage des anciennes colonies, protégeant des dictatures et faisant fi des droits de l’Homme, cheval de bataille de Paris à chaque fois qu’il est question des relations avec le Maghreb, le Sahel ou l’Afrique de l’Ouest.
Tout ce passif vient s’ajouter à ce que précise le politologue ivoirien Sylvain Nguessan : «Les discours de Sarkozy à Dakar, de Macron à Ouagadougou; la guerre en Côte d'Ivoire; les résultats décourageants de la campagne contre le terrorisme… Les questions liées à la monnaie, à la dette, au soutien aux dictateurs locaux et aux mots mal choisis». C’est l’échec flagrant d’une diplomatie aux abois. C’est aussi le résultat d’une vision politique qui n’a pas su apprendre des erreurs du passé en établissant des relations saines avec une Afrique qui a changé d’état d’esprit, qui croit en la coopération Sud-Sud, qui a trouvé d’autres partenaires plus solides et plus respectueux comme la Chine ou encore la Russie.
Ce malaise profond explique aujourd’hui que des voix africaines des quatre régions du continent se lèvent et affirment leur refus en disant un «Non» massif et franc à la politique française en Afrique. La rue africaine suit le mouvement et les populations accusent la France de leurs déboires, de leur précarité, de son soutien aux régimes tyranniques, d’avoir fermé les yeux sur les exactions et les dérives de plusieurs régimes soutenus par Paris malgré les faits, qui même camouflés restent des faits. Ce n’est pas anodin qu’au Burkina, on change le nom de l’avenue Charles De Gaulle par Thomas Sankara. Tout un symbole pour ces Africains qui disent : «Ça suffit». Mais la France est-elle capable d’entendre la voix de la raison face aux réalités africaines d’aujourd’hui.
Une Afrique qui veut des partenariats et refuse les aides. Une Afrique qui veut que l’on traite avec elle d’égal à égal. Une Afrique qui veut bien tourner la page noire des colonialismes, mais qui n’oublie pas. Cependant, il ne faut pas perdre de vue dans cette équation à plusieurs degrés que la France est au pied du mur. Elle traverse sa pire crise économique depuis plus de vingt ans, avec la grogne sociale qui monte au créneau, avec des scandales politiques, avec une crise énergétique majeure, le tout sous-tendu par une récession que l’on tente de colmater en bricolant dans l’incurable. C’est dans ce sens que Paris s’acharne, contre toute logique et bon sens, à vouloir grignoter le maximum possible avant de se faire éjecter définitivement de l’Afrique. Cela rejoint les paroles de Jared Diamond, dans «Effondrement» : «Des économistes justifient rationnellement ce souci exclusif des profits à court terme en arguant qu’il est peut-être de meilleur aloi de récolter une ressource aujourd’hui que demain, dès lors que les profits d’aujourd’hui peuvent être investis et que les intérêts de cet investissement entre aujourd’hui et demain tendent à rendre la récolte d’aujourd’hui plus valable que celle de demain. Quitte à ce que les conséquences néfastes soient supportées par la génération à venir, qui, par définition, n’est pas encore ici pour faire droit à une prospective à long terme.»