Trois jours après la chute d’El-Facher, dernier bastion de l’armée soudanaise au Darfour, les témoignages et les images en provenance de cette ville de l’ouest du pays laissent craindre des massacres d’ampleur inédite.
Les Forces de soutien rapide (FSR), issues des milices Janjawid tristement célèbres, sont accusées d’avoir exécuté plus de 2.000 civils, pour la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées, selon les Forces conjointes alliées de l’armée.
Des vidéos authentifiées par l’AFP montrent des scènes d’exécutions sommaires, tandis que le Humanitarian Research Lab de l’Université Yale parle d’un «processus systématique et intentionnel de nettoyage ethnique» visant les communautés non arabes Fur, Zaghawa et Bartis.
Le laboratoire, qui s’appuie sur des images satellites, signale des fosses communes et des mouvements massifs de populations fuyant vers la ville voisine de Tawila.
L’ONU et l’Union africaine ont condamné des «atrocités» et des «crimes de guerre présumés», appelant à des couloirs humanitaires et à la fin immédiate des hostilités.
«Les auteurs devront rendre des comptes», a déclaré le président de la Commission de l’UA, Mahamoud Ali Youssouf.
L’Union européenne, de son côté, s’est dite «gravement préoccupée» par les violations du droit humanitaire et a promis que «l’impunité ne saurait prévaloir».
Sur le terrain, quelque 177.000 civils demeurent piégés dans la ville et ses environs.
Les Nations unies redoutent désormais une catastrophe humanitaire d’une ampleur comparable à celle des années 2000, lorsque le Darfour avait été ravagé par les massacres des milices Janjawid.
Le chef de l’armée, Abdel Fattah al-Burhane, a reconnu la défaite tout en promettant «vengeance».
Mais pour beaucoup d’observateurs, la chute d’El-Facher consacre un tournant militaire et politique majeur : la guerre du Soudan entre désormais dans une phase où les civils paient le prix le plus lourd.