L’Europe sait aussi bander les muscles. Face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et à défaut de pouvoir envoyer des troupes appuyer les valeureux Ukrainiens, les Occidentaux choisissent la riposte économique.
C’est la réponse choisie face à un Vladimir Poutine obstiné, imperméable à la raison et déterminé à mettre un vassal à la tête de l’Ukraine.
Il ne s’agit donc pas de faire tonner les armes, mais d’asphyxier l’économie russe. Nous disions tantôt dans ces colonnes que Poutine se prépare aux sanctions économiques depuis 2014, après l’annexion de la Crimée.
Diversification économique, dédollarisation de l’économie et constitution d’un matelas financier conséquent, avec des réserves estimées actuellement à près de 640 milliards de dollars : le président russe comptait sur cette stratégie minutieusement mise en place pendant 8 ans pour s’immuniser d’éventuelles sanctions.
Cela sera-t-il cependant suffisant et combien de temps pourra-t-il tenir face au rouleau compresseur lancé par les Occidentaux ?
L’intervention du ministre français de l’Economie, Bruno Le Maire, ce mardi matin sur France Info, en dit long sur la détermination de l’Europe. «Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie», a-t-il déclaré, ajoutant que «nous allons provoquer l’effondrement de l’économie russe».
Premières conséquences des sanctions
A l’évidence, Poutine n’aurait jamais pu imaginer que la riposte de l’Occident serait aussi vigoureuse et coordonnée. Elle est d’une telle ampleur qu’un pays comme la Suisse, réputée pour sa neutralité légendaire, s’y est jointe.
Elle a ainsi décidé d’appliquer l’intégralité des sanctions européennes contre la Russie, y compris le gel des avoirs de Poutine et de ses proches.
Et les premiers effets se font d’ores et déjà ressentir :
• A travers les sanctions des alliés, ce sont 1.000 milliards de dollars d’avoirs russes qui vont être gelés.
• L’étau se resserre sur le système bancaire. Désormais, toute transaction avec la Banque centrale russe est suspendue. Ses avoirs, dont une partie est logée dans des institutions financières étrangères et libellée en Dollar, Euro, Yuan et Livre sterling, sont gelés.
• Avec ce coup au portefeuille, la Banque centrale russe ne peut désormais plus soutenir le Rouble qui a plongé de 30% par rapport au Dollar lundi. Et pour contrer un éventuel choc inflationniste dû aux sanctions, elle a procédé à un relèvement très conséquent de son taux directeur de 10,5 points à 20%, ce qui constitue néanmoins un rempart important pour l’accès au financement des entreprises.
• On attend actuellement le feu vert définitif des Etats-Unis, de l’Union européenne et d’autres pays pour déconnecter les plus grandes banques russes du système bancaire international Swift : 70% du marché bancaire russe pourraient être concernés.
• Pour éviter un effondrement de la Bourse, les marchés boursiers et de produits dérivés financiers resteront fermés jusqu'au 5 mars au moins.
• Selon Forbes, les 116 milliardaires russes, communément appelés oligarques, auraient perdu l'équivalent de quelque 126 milliards de dollars entre le 16 et le 24 février, premier jour de l’invasion russe en Ukraine.
• Le fonds souverain norvégien boycotte la Russie : le plus important fonds souverain du monde va céder ses 2,8 milliards de dollars d’actifs en Russie.
• La major britannique BP se désengage du capital de son partenaire Rosneft, dont il détient 20%, soit une opération de 25 milliards de dollars.
A côté de ces sanctions économiques et financières, la Russie a été également punie sur le plan sportif. Elle est exclue de la Coupe du monde de football, outre la suspension des sélections nationales et des clubs russes de football «jusqu'à nouvel ordre».
L'UEFA a par ailleurs rompu lundi, «avec effet immédiat», son partenariat avec le géant russe Gazprom, l'un de ses principaux sponsors depuis 2012.
Le pays de Poutine se voit aussi retirer l’organisation du Mondial 2022 de volley. Il est de même suspendu par World Rugby, tandis que les patineurs russes sont exclus de toutes les compétitions.
Pour plusieurs observateurs, la Russie pourrait maintenant faire face à une crise macro-financière d’envergure.
Certains nourrissent même l’espoir de voir les Russes se soulever contre leur président et le pouvoir en place, surtout qu’ils sont appelés à connaître des moments difficiles dans un pays qui va être complètement étouffé sur le plan économique et financier, d’autant qu’une nouvelle salve de sanctions n’est pas à exclure.
Déjà, le mouvement de panique au sein de la population russe provoque une ruée vers les GAB et les banques, avec d’importants retraits d’argent. On parle déjà d’une faillite probable du système bancaire.
Comprendre le système Swift, l’«arme financière nucléaire»
Fondé en 1973, Swift est le réseau de messagerie bancaire et financier le plus utilisé au monde. Acronyme de Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication, il est qualifié, vu son importance, d’«arme financière nucléaire».
Il assure le transit des ordres de paiement entre banques, les ordres de transferts de fonds de la clientèle des banques, les ordres d'achat et de vente de valeurs mobilières.
Swift regroupe plus de 11.000 organisations bancaires et de titres, infrastructures de marché et entreprises clientes dans plus de 200 pays. La Russie serait le deuxième pays après les États-Unis en nombre d'utilisateurs, avec environ 300 banques et institutions russes membres du système.
Plus de 99% des banques dans le monde utilisent Swift. Et en 2021, le réseau a transmis environ 10,6 milliards d’ordres de paiement dans le monde.
Clairement, les banques russes qui seront débranchées de Swift ne pourront plus effectuer de transactions via ce canal. Et, conséquemment, les banques étrangères ne pourront commercer avec elles.
L’exclusion de Swift et le gel des avoirs vont ainsi mettre les établissements financiers russes en situation de grande vulnérabilité. Et, plus globalement, l’économie russe sera asphyxiée, d’autant que les exportations et importations seront bloquées.
Précisons néanmoins que les banques exclues de Swift ont une autre alternative fournie par la messagerie russe SPFS (Système de transfert de messages financiers).
Opérationnelle depuis 2017, elle compte 400 banques russes et une douzaine de banques chinoises. Mais, outre la taille réduite de ses membres, elle présente de nombreuses limites (opérations limitées aux heures de travail en semaine, taille des messages limitée à 20 kilo-octets…).
D. William