Rebelote ! Je vais encore vous reparler de l'inflation. Rassurez-vous, je ne vais point disserter sur les théories économiques établies, encore moins donner un cours magistral.
Ce long épisode inflationniste m’a poussé à bien observer le gouvernement. De ce round d’observation, j’ai déduit qu’il peut aller loin, très loin pour légitimer ses choix. Mettons d’abord les choses dans leur contexte !
Le gouvernement est confronté, comme le dit Bank Al-Maghrib, à des chocs d’offres internes sur certains produits alimentaires, ce qui continue d’accélérer l’inflation. Laquelle, au premier trimestre, se situe à 9,4%, au lieu de +8,3% au trimestre précédent et +4% un an plus tôt, avec une composante alimentaire qui enregistre une hausse historique de +18,2%, alors que les prix des produits non-alimentaires auraient augmenté de 3,5%.
Pour améliorer l’offre et donc stabiliser les prix, le Maroc est contraint d’importer. Dans cette conjoncture difficile, où tout le monde est près de ses sous, il faut ainsi chercher le meilleur rapport qualité prix. Quitte à s’éloigner de nos marchés traditionnels, comme l’Europe notamment. Pour nous retrouver au Brésil. Non pas pour donner à Vinícius & Co leur revanche après leur défaite contre le Onze national 2-1, mais plutôt pour y chercher de la viande. Bovine en particulier. Le Maroc a déjà importé 2.800 têtes du pays de Lula, précisément des «veaux hybrides, entre les races Angus et Zébu», nous apprend l’Ambassade de Brésil au Maroc. Et devait réceptionner 3.000 autres têtes hier, samedi.
Nous allons donc nous farcir des bovins brésiliens. Mais voilà, ils suscitent méfiance et suspicion auprès de la population depuis que les réseaux sociaux s’y sont mêlés. Certains affirmant qu’ils seraient atteints de la maladie de la vache folle, d’autres, pris d’une soudaine forme d’érudition, affirmant que ce ne sont guère des veaux, mais des buffles.
Face à la polémique et aux inquiétudes, nos ministres ont déserté momentanément leur fauteuil douillet, pour s’expliquer. Ou, plutôt… défendre les produits du terroir brésilien. Après Mostafa Baitas, Porte-parole du gouvernement, c’est le ministre de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, qui s’y est volontairement collé.
Le Brésil ne pouvait avoir meilleur VRP. Appréciez ! Invité au Forum de la MAP, Sadiki n’a pas fait d’économie dans l’éloge : «les bovins importés du Brésil vers le Maroc figurent parmi les meilleures races commercialisées à l'échelle mondiale», affirme-t-il, précisant qu’il s’agit de la race «Nélore». Ces bovins, assure-t-il, ont été soumis à un processus de contrôle rigoureux imposé par l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), ajoutant que «cette race est d'une haute qualité et dispose d'excellentes caractéristiques».
La vache ! Il y a des talents cachés dans cette majorité gouvernementale. Vraiment, chapeau Monsieur le ministre, vous feriez un excellent commercial !
L’argumentaire est tellement convaincant que j’ai googlisé «Nélore». Toujours prompt à répondre, Wikipedia me sort : «La Nélore est une race bovine brésilienne.Elle provient de zébus de race Ongole importés au Brésil à partir de 1868. Cette race porte une robe uniformément gris clair et une peau de couleur noire. Les cornes sont en lyre haute chez la femelle et droites chez le mâle. Elle porte les signes distinctifs des zébus, à savoir une bosse sur le garrot (particulièrement développée chez le mâle), une peau lâche qui pend sous le cou (fanon) et de grandes oreilles légèrement tombantes.
Depuis les années 1950, une lignée de Nélore sans cornes a été développée. Elle produit des taureaux reproducteurs destinés à transmettre leur gène «sans cornes» à la génération F. (85 à 90% sans cornes)».
Mais voici le plus important : «cette race a été développée exclusivement pour la production de viande. Elle est savoureuse et moins grasse que celle des races européennes élevées dans des conditions analogues».
Vous avez vu jusqu’où peuvent aller nos ministres pour défendre les choix gouvernementaux ? En définitive, même un Brésilien n’aurait pas mieux vanté les qualités de la Nélore que Sadiki. Alors, à votre boucher, dites désormais : «Nélore, svp» !
F. Ouriaghli