Economie Tout voir

Chômage : Equation insoluble… pour le moment

Chômage : Equation insoluble… pour le moment

Alors que l’économie marocaine a généré 82.000 emplois en 2024, le nombre de chômeurs a pourtant augmenté, portant le taux de chômage national à 13,3%. Les jeunes sont les premiers frappés par cette problématique, notamment les diplômés qui peinent à trouver un emploi à la hauteur de leurs qualifications.

 

Par D. William

À première vue, l’économie marocaine fait preuve d’une résilience certaine. Entre 2023 et 2024, 82.000 emplois ont été créés, principalement en milieu urbain, selon la dernière note du haut-commissariat au Plan (HCP) concernant le marché du travail. Pourtant, alors que l’on pourrait croire à une embellie, le nombre de chômeurs a augmenté de 58.000 personnes, portant le taux de chômage national à 13,3% contre 13% l’année précédente, soit 1.638.000 chômeurs au niveau national.

Chez les jeunes de 15 à 24 ans, c’est un naufrage : 36,7% sont sans emploi, soit 0,9 point de plus par rapport à 2023. Tandis que pour pour les personnes âgées de 25 à 34 ans, le taux de chômage passe de 20,6 à 21% (+0,4 point). L’autre vraie problématique concerne les jeunes diplômés, qui peinent à trouver un emploi correspondant à leurs qualifications. Leur taux de chômage atteint 19,6%, un chiffre qui en dit long sur l’inadéquation entre l’offre et la demande.

Trop de jeunes issus des universités se retrouvent sans débouchés, tandis que certains secteurs peinent à recruter faute de compétences adaptées. Comment expliquer tout ce paradoxe ? La réponse se niche dans un indicateur que l’on regarde trop rarement avec gravité : la croissance. En 2024, le produit intérieur brut marocain a péniblement atteint 3%, et les prévisions pour 2025 ne sont guère plus exaltantes, avec un modeste 3,8%. Or, pour générer un nombre suffisant d’emplois et absorber les flux annuels de nouveaux arrivants sur le marché du travail, il faudrait une croissance supérieure à 6% sur plusieurs années.

Ce qui serait, d’ailleurs, en adéquation avec les ambitions fixées dans le cadre du nouveau modèle de développement, à savoir atteindre un rythme moyen annuel supérieur à 6% afin de pouvoir doubler le PIB par habitant à l’horizon 2035. On est donc bien loin. Le Royaume peine à accélérer son développement économique, entravé par les aléas climatiques, un modèle productif encore trop dépendant du secteur agricole et les tensions géopolitiques internationales.

Pour autant, en passant au crible les statistiques du HCP, l’on se rend compte que le Maroc ne manque pas de dynamisme dans certains secteurs. En 2024, les services ont généré 160.000 nouveaux emplois, répartis à hauteur de 51.000 postes pour la branche du «commerce», 44.000 pour les «services sociaux fournis aux collectivités» et de 39.000 postes pour les «activités financières, d'assurance, immobilières, scientifiques, techniques, de services administratifs, de soutien».

L’industrie et le BTP ont également apporté leur pierre à l’édifice, avec respectivement 46.000 et 13.000 nouveaux postes. Sur le papier, la tendance semble prometteuse. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit que la plupart de ces emplois sont souvent précaires, mal rémunérés et faiblement protégés.

Pendant ce temps, «l’agriculture, forêt et pêche», pilier historique de l’emploi rural, a perdu 137.000 postes. Une véritable saignée pour un pays où ce secteur occupe encore plus d’un quart des actifs, mais qui est confronté, entre autres, à des épisodes de sécheresse sévères depuis plusieurs années. Néanmoins, pour le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, qui s’exprimait mardi à la Chambre des conseillers, le taux de chômage nécessite une lecture plus nuancée. Il estime en effet que les emplois perdus dans l'agriculture en raison de la sécheresse sont en majorité informels, non rémunérés, liés essentiellement à l’entraide familiale en milieu rural et ne représentent pas des emplois permanents.

La réponse du gouvernement

Conscient de cette problématique du chômage que le Royaume traine comme un boulet, le gouvernement multiplie les initiatives en faveur de l’emploi. Idmaj, Tahfiz, Taehil, Awrach, Ana Moukawil… sont autant de programmes censés donner un coup de fouet au marché du travail. Le chef du gouvernement ne dit d’ailleurs pas autre chose, précisant que le taux de chômage «ne doit pas occulter les efforts gouvernementaux pour améliorer la situation de l’emploi et garantir la qualité des nouveaux emplois».

Et parmi les indicateurs qu’il juge satisfaisants, il y a, souligne-t-il, l’intégration progressive des diplômés, portant le taux de l’emploi qualifié à 50% en 2023, la progression des emplois réguliers et rémunérés de 5% entre 2018 et 2023, ainsi que que la hausse des contrats de travail à durée indéterminée (CDI) et à durée déterminée (CDD) de 11% entre 2017 et 2023.

«Cette évolution du secteur de l'employabilité de qualité dans notre pays nous rassure quant à la dynamique positive observée dans les secteurs de l’industrie, des services et des travaux publics, et confirme la hausse de plus en plus marquée des emplois qualifiés», souligne Akhannouch. Pourtant, malgré les sommes injectées et les différents mesures prises par l’Exécutif, le constat est amer : le Maroc peine à inverser durablement la courbe du chômage, surtout que les programmes déployés sont souvent perçus comme des mesures d’urgence qui créent des opportunités à court terme.

Face à cette impasse, le gouvernement a décidé de sortir la grosse artillerie : 14 milliards de dirhams sont annoncés pour dynamiser le marché du travail à travers une nouvelle feuille de route pour l’emploi. Selon Akhannouch, cette feuille de route repose sur trois axes stratégiques : encourager les investissements à forte valeur ajoutée, améliorer l’efficacité des programmes d’emploi existants et préserver les opportunités d’emploi en milieu rural, tout en soutenant le secteur agricole.

Le gouvernement mise également sur des mesures ciblées pour les jeunes et les femmes, avec un objectif clair : réduire le chômage et accroître le taux d’activité professionnelle. Pour cela, il prévoit d’élargir les programmes de promotion de l’emploi à plus de 110.000 bénéficiaires non-diplômés et de renforcer le dispositif de formation par apprentissage pour atteindre 170.000 nouveaux stagiaires. Mais ces efforts suffiront-ils à résorber un chômage devenu structurel ?

Rien n’est moins sûr. Car tant que la croissance restera mollassonne, tant que l’éducation et la formation ne seront pas repensées pour coller aux besoins du marché, et tant que l’industrie ne deviendra pas un moteur plus puissant que le secteur agricole, l’emploi restera un cassetête insoluble. Autrement dit, il faut une transformation en profondeur du modèle économique. Comme l’avait demandé le Souverain. 

 

 

 

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Jeudi 06 Fevrier 2025

Sahara marocain : Les illusions… tebbouniennes

Jeudi 06 Fevrier 2025

Industrie : Les entreprises jugent "normal" le climat des affaires

Mercredi 05 Fevrier 2025

Signature d'une convention entre la CDG et la CDI du Niger

S'inscrire à la Newsletter de La Quotidienne

* indicates required