Il a fallu à peine deux mois pour qu’un virus mette à genou l’économie mondialisée.
D’une crise sanitaire, on glisse petit à petit vers une crise économique majeure.
Il aura fallu l’apparition du coronavirus pour révéler les fragilités de la mondialisation, dont les vertus ont été pendant longtemps vantées.
«Disparition» des frontières physiques, financiarisation de l’économie, mondialisation, délocalisation massive des unités de production dans des pays à bas coût, notamment la Chine…, tout cela est en train d’être remis en cause.
A cause d’une forme de populisme portée par certains politiques qui convoquent les difficultés économiques et sociales que vivent certaines populations pour prôner le nationalisme.
A cause aussi d’une mondialisation qui a mis à nu les dérives d’un capitalisme outrancier, et qui a surtout fait de la Chine une superpuissance économique.
L’apparition du coronavirus en Chine a été suivie par une forte perturbation des chaînes de production.
Et entre mise en quarantaine de villes et fermetures massives d’usines, l’économie chinoise tourne avec le frein à main, faisant suffoquer de fait l’économie mondiale au regard de la globalisation des échanges.
Aujourd’hui, le monde économique se réveille subitement pour se rendre compte qu’il a donné trop de pouvoir au pays de Xi Jinping, devenu le meilleur symbole de l’univers multidimensionnel de la mondialisation.
Quelques chiffres pour mieux nous situer : si en 2003 le poids de la Chine dans l’économie mondiale n’était à peine que de 9%, il en représente actuellement pas moins de 20%.
La Chine, c’est également un tiers de la croissance mondiale et 35% du commerce mondial.
La seconde économie mondiale est aussi devenue… l’usine du monde : elle concentre 40% de la production automobile mondiale, avec de nombreux constructeurs opérant dans la province de Hubei, foyer de l’épidémie, où les usines sont à l’arrêt.
De même, 80% des jouets et 70% des smartphones dans le monde sont produits en Chine, qui est aussi grand producteur dans le domaine pharmaceutique (principes actifs), les composants électroniques, le textile, les écrans de télévision.
La Chine est donc la pièce centrale du système économique mondial : si elle se rouille, toute la machine… est grippée. Et c’est malheureusement ce qui s’est passé.
L’économie mondiale s’enrhume
La crise sanitaire, d’abord circonscrite en Chine, s’est rapidement globalisée dans ce monde d’échanges continus à cause des moyens de transport, affichant un bilan macabre de plus de 4.000 morts mardi, pour plus de 110.000 personnes contaminées dans plus de 100 pays.
Et d’une crise sanitaire, on glisse petit à petit vers une crise éonomique majeure.
Les marchés financiers internationaux dégringolent fortement et les cours du pétrole se sont effondrés, sur fond d’inquiétude liée à la propagation du virus et à une récession de l’économie mondiale.
Il faut dire que les signaux donnés par les institutions financières internationales sont loin d’être rassurants.
Le Fonds monétaire international table sur une croissance de l'économie mondiale en 2020 inférieure au taux de 2,9% enregistré en 2019 à cause de l’épidémie du coronavirus.
En janvier, le FMI prévoyait une croissance de 3,3% cette année.
De son côté, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que l'économie mondiale fait face à la menace la plus grave depuis la crise financière de 2008, suite à l'apparition du Covid-19 en Chine, puis sa propagation dans plusieurs pays à travers le monde.
L’OCDE, qui avertit que «l’économie mondiale est en danger», a ainsi revu sa prévision de croissance pour 2020 nettement à la baisse, la faisant passer de 2,9 à 2,4%.
Quant à la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced), elle prévoit une croissance annuelle du PIB mondial réduite de -0,5% si l'épidémie est maîtrisée au cours du premier semestre, et de -1,5% en cas de scénario dramatique.
Il a ainsi fallu à peine deux mois pour qu’un virus mette à genou tout le système économique mondial.
Juste deux mois pour que l’on se rende compte du manque de résilience de l’économie mondialisée.
Et forcément, au sortir de cette crise économico-sanitaire, la mondialisation, dont les vulnérabilités et les dérives ont été pointées du doigt, devrait changer de visage.
Elle ne sera plus comme nous l’avons connue.
Réflexes nationalistes
Il faudra à l’avenir être moins dépendante de la Chine, pour faire en sorte que l’économie mondiale prête moins le flanc aux turbulences éventuelles dans ce pays.
Le coronavirus a de fait remis au goût du jour les vieux réflexes nationalistes.
Certains pays se barricadent, préférant fermer leurs frontières, alors que fleurissent les discours populistes et les appels à relocaliser les unités de production, après une longue période de délocalisation agressive vers l’Asie pour plus de compétitivité.
D’ailleurs, la Cnuced souligne que l’épidémie du Covid-19 va entraîner un repli des flux mondiaux des investissements étrangers directs (IED), réduisant ses prévisions de croissance annuelle de 5 à 15%.
La croissance annuelle des IED devrait être réduite de -5% à -15% par rapport aux estimations de janvier qui prévoyaient que les investissements étrangers restent stables en 2020-2021 ou enregistrent une croissance très modeste (+5%).
David William