L’histoire commence, comme souvent avec lui, par un coup de tonnerre. A peine les Bourses avaient-elles eu le temps de digérer son blitz protectionniste du 2 avril que Donald Trump, fidèle à lui-même, annonçait, mercredi, la suspension de ses droits de douane… pour presque tout le monde.
Tout le monde a droit à une remise à 10%, sauf la Chine, bien sûr, punie pour «manque de respect» (sic !). Oui, vous avez bien lu. Le motif n’est pas économique, ni même juridique. C’est une affaire de susceptibilité.
Voilà donc comment on passe, en une semaine, d’un chaos économique mondial à une sorte de parenthèse enchantée… de 90 jours. Pile le temps de voir revenir le printemps à Wall Street, d’offrir un rebond aux Bourses asiatiques, de faire souffler les exportateurs européens et, au passage, de calmer le marché obligataire américain qui commençait à se comporter comme un adolescent devant un contrôle surprise. Le revirement est aussi soudain que spectaculaire. Mais personne n’est dupe. Tout le monde sait que cette suspension n’est qu’un sursis. Une «pause» avant la prochaine embardée.
Tout cela est-il surprenant ? Alors pas du tout. Surtout pour ceux qui connaissent Trump. Ce président a troqué la stratégie contre la sensation, le long terme contre le tweet et la visibilité économique contre un suspense permanent. Bref, Trump ne fait pas de la politique, mais de la pyrotechnie à haut risque. Car le vrai danger n’est plus seulement dans les mesures annoncées, mais dans leur caractère erratique.
Dans ce cas, comment planifier quoi que ce soit dans un monde où un homme peut, d’un simple post sur Truth Social, faire plonger ou décoller les marchés financiers ? Et c’est bien cela le problème Trump : une imprévisibilité totale et pleinement assumée, qui commence à être intégrée par les marchés comme une composante structurelle du système. Et qui, surtout, semble être sous-tendue par une seule logique agaçante : celle du test de résistance.
Jusqu’où peut-on pousser l’économie mondiale sans qu’elle ne s’effondre ? Jusqu’où peut-on manipuler les marchés sans perdre la main ? Et jusqu’à quand les partenaires du monde libre accepteront-ils de jouer les figurants dans ce one-man-show d’un homme très versatile ?
Au bout du compte, plus personne ne sait sur quel pied danser : ni la FED, ni l’OMC, ni les partenaires commerciaux, et encore moins les industriels américains qui voient les chaînes d’approvisionnement s’effilocher comme une vieille chaussette chinoise.
Mais à force de jouer avec les nerfs de la planète, le risque, c’est que plus personne ne prenne Trump au sérieux. Pire encore, cela risque de faire perdre à l’Amérique sa qualité première aux yeux des marchés : la stabilité. Car les marchés veulent des repères et non des tweets qui font office de doctrine.
Les entreprises veulent planifier, pas deviner. Et les investisseurs veulent de la visibilité, pas improviser. Et comme si tout cela ne suffisait pas à alimenter l’inquiétude générale, le bras de fer avec Pékin a pris une tournure encore plus délirante : il vire à la vendetta personnelle. Trump hausse les droits à 125%, la Chine réplique avec 84%. Le commerce mondial se prend cette surenchère tarifaire en pleine poire. C’est pourquoi les économistes paniquent. L’OMC parle d’un effondrement possible de 7% du PIB mondial.
Et dans ce duel de superpuissances, le reste du monde devient un spectateur inquiet. Car la vérité, c’est que cette guerre commerciale pourrait se terminer par une redéfinition complète de l’ordre économique mondial. Non sans conséquences pour les Etats-Unis, avec notamment un coût politique (défiance internationale), un coût économique (inflation importée, tensions sur les taux…) et un coût stratégique (affaiblissement du leadership américain).
F. Ouriaghli