Présenté comme « l’équivalent d’un échange avec un expert », le nouveau modèle GPT-5 de ChatGPT devait marquer un tournant décisif dans l’histoire de l’intelligence artificielle conversationnelle. Mais une semaine après son lancement officiel, le 7 août 2025, l’enthousiasme initial laisse déjà place à un mélange d’admiration prudente, de frustration et, pour certains, de désillusion.
Lors de la présentation, Sam Altman, PDG et cofondateur d’OpenAI, n’a pas hésité aux comparaisons flatteuses : « Passer de GPT-4 à GPT-5, c’est comme passer d’un iPhone classique à un écran Retina ». L’argument est clair : une fois qu’on a goûté au nouveau modèle, difficile de revenir en arrière. GPT-5 se veut plus fiable, plus rapide, et surtout plus honnête dans ses réponses. Fini, ou presque, les « hallucinations » – ces affirmations inventées lorsque l’IA manque d’informations.
Alex Beutel, directeur de la recherche en sécurité chez OpenAI, insiste : « GPT-5 a été entraîné pour dire quand il ne sait pas ». L’outil revendique aussi de meilleures performances en programmation : lors d’une démonstration, il a généré 600 lignes de code pour un site Web complet avec quiz et mini jeu à partir d’une simple consigne textuelle.
Des performances accrues sur le papier
Selon OpenAI, GPT-5 se distingue par :
• Une vitesse d’exécution accrue de 40 % par rapport à GPT-4o, avec des temps de réponse souvent inférieurs à une seconde.
• Une mémoire contextuelle élargie capable de traiter jusqu’à 256 000 tokens en un seul échange — soit l’équivalent de plusieurs centaines de pages de texte.
• Une meilleure compréhension multimodale, permettant d’analyser texte, images, et bientôt vidéos dans un même flux conversationnel.
• Des capacités de raisonnement complexes améliorées, avec des scores supérieurs sur des benchmarks comme MMLU (+8 % par rapport à GPT-4o).
En interne, OpenAI affirme que GPT-5 a été entraîné sur un ensemble de données plus diversifié et plus récent, couvrant jusqu’au printemps 2025.
Techniquement, GPT-5 repose sur une architecture élargie, un corpus d’entraînement enrichi et un mécanisme de « reasoning » (raisonnement) amélioré, censé permettre des enchaînements logiques plus solides. Sur le papier, il coche toutes les cases pour séduire les professionnels, étudiants, développeurs et créateurs de contenu.
Le choc des limitations
Pourtant, le lancement n’a pas été un long fleuve tranquille. Dès les premiers jours, les abonnés ChatGPT Plus – qui paient 20 € par mois pour accéder aux modèles les plus avancés – découvrent que la version « Thinking » de GPT-5 est limitée à 200 messages par semaine. Une restriction jugée brutale, surtout pour ceux qui utilisent l’IA à haute fréquence dans leur travail ou leurs études. La comparaison avec GPT-4o, moins contraint, a rapidement alimenté un sentiment d’injustice. Sur X (ex-Twitter) et Reddit, les messages de frustration se sont multipliés : « On paie pour du premium et on nous bride », résume un abonné.
Face à la contestation, Sam Altman annonce que le quota sera « significativement augmenté » et promet un retour à un usage plus fluide, sans pour autant donner de chiffres précis. OpenAI prévoit également de rendre plus claire l’indication du modèle utilisé en temps réel, pour éviter toute confusion.
Des critiques sur le style et la pertinence
Plus gênant pour l’image d’OpenAI : de nombreux utilisateurs jugent GPT-5 plus froid, moins fluide, et parfois moins pertinent que GPT-4o. Des réponses plus courtes, un ton jugé plus artificiel, et la suppression des anciens modèles sans avertissement préalable ont amplifié la grogne. Sur Reddit, Altman a reconnu un problème technique : le nouveau « routeur en temps réel », chargé de sélectionner automatiquement le meilleur moteur de réponse, n’a pas fonctionné comme prévu, donnant l’impression d’un modèle moins performant. Le défaut serait désormais corrigé.
Pour tenter de calmer la tempête, OpenAI a rouvert l’accès à GPT-4o – mais uniquement pour les abonnés Plus, Pro, Team et Enterprise. L’option, discrètement intégrée dans les paramètres sous « Afficher les anciens modèles », permet de basculer à tout moment entre GPT-5 et GPT-4o. Les utilisateurs gratuits, eux, restent privés de cette alternative.
Un lancement sous pression
Ce mélange d’avancées technologiques et de tensions commerciales révèle un dilemme récurrent dans l’IA grand public : comment concilier innovation rapide et satisfaction des utilisateurs ? OpenAI mise sur la démonstration de force : GPT-5 est censé mener à bien des tâches complexes « de bout en bout » avec une logique proche de celle d’un groupe d’experts. Mais les premières semaines montrent que la perception d’une IA ne se joue pas uniquement sur ses capacités brutes : l’ergonomie, la liberté d’usage et la confiance dans le modèle comptent autant.
La stratégie d’OpenAI illustre aussi la pression concurrentielle croissante. Google, Anthropic, Mistral et d’autres affûtent leurs propres modèles, tandis que Microsoft, partenaire majeur, intègre GPT-5 dans ses produits. Dans ce contexte, chaque faux pas peut se traduire par une perte de terrain.
Les prochaines mises à jour seront décisives. OpenAI doit à la fois démontrer que GPT-5 est bel et bien supérieur à ses prédécesseurs et rétablir un climat de confiance. La correction du bug du routeur, l’assouplissement des quotas et la réintroduction partielle de GPT-4o vont dans ce sens. Mais la question demeure : GPT-5 restera-t-il dans l’histoire comme une véritable révolution technologique, ou comme un lancement précipité qui a laissé un goût amer à ses utilisateurs ?
