Averses orageuses fortes accompagnées de grêle et de rafales de vent dans plusieurs provinces du Royaume : c’est le genre de bulletins d’alerte météo qui se sont multipliés ces derniers jours.
Mais derrière ces pluies miraculeuses, l’écho de la crise hydrique résonne encore. Le Sud du Maroc a connu ces dernières semaines des précipitations d’une ampleur rare, voire historique, et meurtrières, avec 18 décès et des disparus. Les pluies ont littéralement déversé des millions de mètres cubes d’eau sur les sols craquelés, abreuvant quelques barrages assoiffés et redonnant de la vigueur aux rivières taries. On a pu voir sur les réseaux sociaux une myriade de vidéos montrant des oueds en furie, des eaux boueuses emportant tout sur leur passage et des Marocains incrédules devant ce retour inespéré de l’eau dans leur quotidien après 6 années de sécheresse.
La tentation est grande de se réjouir sans retenue : après tout, les barrages affichent des taux de remplissage en hausse et les agriculteurs redécouvrent l'optimisme. Pourtant, l’embellie est trompeuse. Avec un taux de remplissage des barrages national à seulement 27,88% au 12 septembre 2024 (vs 26,54% à la même période de l’année dernière), les récentes pluies ne sont qu’une goutte d’eau dans un océan de défis. Et si certains barrages ont gagné quelques précieux mètres cubes, la situation globale reste alarmante : les réserves d’eau continuent de fondre comme neige au soleil.
Gouvernance des ressources
Ces précipitations, bien que bienvenues, nous rappellent les fragilités du climat et notre capacité à gérer nos ressources. Le Maroc est aujourd’hui confronté à un dilemme : comment faire face à une variabilité climatique extrême qui fait pleuvoir d’un coup ce qu’elle a refusé de donner pendant des années ? Le problème de l’eau au Maroc n’est pas qu’une question de gouttes tombant du ciel. C’est une affaire de gouvernance, de priorités et, peut-être de mentalités.
Le réseau de barrages, fierté nationale, montre ses limites face à la rareté des précipitations. Il s’agit moins de savoir combien d’eau nous pouvons stocker que de réfléchir à comment mieux la gérer s’il y en a, la répartir et, surtout, la préserver. L’agriculture, qui consomme à elle seule près de 85% des ressources en eau du pays, est en première ligne. Faut-il continuer à inonder des cultures gourmandes en eau dans des régions au climat aride, ou repenser nos choix agricoles avec plus de résilience et de durabilité ?
Autrement dit, comme le réclament d’ailleurs plusieurs experts, se pose la nécessité de revoir en profondeur notre politique agricole vorace en eau, à la lumière du changement climatique qui a fait apparaître un phénomène structurel : la raréfaction tendancielle des ressources hydriques.
Pendant des décennies, nous avons pris l’eau pour acquise, présumant que le prochain cycle pluvieux viendrait combler les déficits. Mais les années de sécheresse nous forcent actuellement à revoir nos certitudes, et ces pluies inattendues sont une piqûre de rappel : le climat n’a pas de calendrier fixe, et ses caprices ne se plient ni à nos besoins ni à nos désirs.
D’où la nécessité de ne pas perdre de vue que ces averses ne sont qu’un répit momentané dans un contexte où la raréfaction de l’eau est devenue une tendance lourde.
Et si, au-delà de la sécheresse, le vrai désert à combler était celui de nos habitudes et de notre vision de l’avenir ? Ces précipitations, loin d’être une simple anecdote météorologique, nous renvoient à la figure que l’abondance d’un jour ne peut faire oublier les longues sécheresses et posent une question plus globale : sommes-nous prêts à repenser notre rapport à l’eau?
Repenser notre rapport à l’eau, c’est repenser nos priorités, nos pratiques agricoles et notre modèle de développement.
F. Ouriaghli