L'enseignement préscolaire est un véritable défi pour les décideurs politiques afin de garantir une éducation équitable et de qualité.
Dans son versant privé et public, il a ses avantages et ses inconvénients, et les choix des parents peuvent varier en fonction de leurs préférences et de leurs moyens financiers.
Entretien avec Abdelkhalek Hassini, professeur d’espagnol à l’Académie de Versailles, conférencier et président de l’Association «CADOriental Europe».
Propos recueillis par M. Ait Ouaanna
Finances News Hebdo : Le nombre total de scolarisés dans l’enseignement préscolaire au niveau national a connu une augmentation de 1,7% au cours de l’année scolaire 2022/2023 par rapport à 2021/2022, en passant de 915.491 à 931.393. Quelle lecture en faites-vous ?
Abdelkhalek Hassini : L’enseignement préscolaire est une étape cruciale dans le développement de l'enfant, car il leur permet de développer des compétences essentielles, telles que la pensée critique, la créativité, la résolution des problèmes et la communication. Les enfants qui fréquentent l'enseignement préscolaire ont tendance à avoir des résultats scolaires supérieurs, à s'adapter plus facilement à la vie en société et à poursuivre des études supérieures. Cependant, au Maroc, il y a encore beaucoup à faire pour garantir à tous les enfants l’accès à une éducation préscolaire de qualité. Selon les données disponibles, seulement près de 20% des enfants marocains âgés de 4 à 5 ans sont inscrits dans des établissements d'enseignement préscolaire. Cette situation peut entraver le développement cognitif, social et émotionnel des enfants qui n'ont pas accès à une éducation préscolaire de qualité. Il est encourageant de constater que le système préscolaire au Maroc enregistre une évolution positive en termes de taux de préscolarisation des enfants de 4-5 ans.
Cette augmentation peut être attribuée à une prise de conscience accrue de l'importance de l'éducation préscolaire, à une progression du nombre d'établissements d'enseignement préscolaire et à une augmentation de la demande des parents pour l'éducation préscolaire pour leurs enfants. De plus, l'extension de l'offre scolaire en milieu rural grâce à l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) ainsi qu'à l'adoption de la gestion déléguée a permis d'augmenter l'accès à l'enseignement préscolaire, notamment pour les enfants vivant en milieu rural et défavorisé. Il est important de noter que ces chiffres sont susceptibles de changer d'une année à l'autre et peuvent varier selon les régions et les zones urbaines et rurales. Cependant, le système préscolaire au Maroc doit faire face à des défis, tels qu'un manque de financement, de personnel et d'infrastructures adéquates pour soutenir une augmentation de la demande. Il est donc essentiel que des efforts supplémentaires soient déployés pour renforcer la qualité et l'accessibilité de l'éducation préscolaire pour tous les enfants. Il est vrai que la qualité de l'enseignement préscolaire peut varier considérablement en fonction de la région et de l'établissement dans lequel l'enfant est inscrit.
C'est pourquoi il est important d'investir dans des programmes de formation spécifiques pour les enseignants et les encadrants chargés de s'occuper des enfants dans ces établissements. Les enseignants préscolaires doivent être formés pour comprendre le développement des jeunes enfants, afin de leur fournir des soins appropriés et offrir des activités éducatives qui favorisent leur croissance et leur développement. En ce qui concerne la situation actuelle où le ministère de l'Education nationale confie l'enseignement préscolaire à des associations, il est primordial de mettre en place des réglementations et des normes de qualité claires pour assurer que tous les établissements préscolaires répondent aux normes minimales en matière de qualité et de sécurité. En somme, il est essentiel de souligner que bien que l'augmentation du taux de préscolarisation des enfants de 4-5 ans soit encourageante, elle reste relativement faible. Ainsi, il est crucial que les décideurs politiques et les acteurs de l'éducation continuent de travailler ensemble pour améliorer l'accès et la qualité de l'enseignement préscolaire au Maroc, en particulier pour les enfants issus de milieux défavorisés.
F.N.H. : L'enseignement préscolaire public a connu cette année une hausse significative de 11% au moment où le préscolaire privé a baissé de 3,2%. Que pensezvous de ces taux ? A votre avis, ces chiffres signifient-ils que le préscolaire public est en train de devenir plus attractif que l'enseignement privé ?
A. H. : La récente augmentation de 11% du nombre d'enfants inscrits dans l'enseignement préscolaire public au Maroc est un signe encourageant, témoignant de la prise de conscience grandissante des parents quant à l'importance de l'éducation préscolaire et de la qualité de l'enseignement public. Toutefois, il ne faut pas en déduire que l'enseignement préscolaire public est en train de devenir plus attractif que l'enseignement privé, car les chiffres bruts ne permettent pas une analyse complète de la situation. De plus, les deux types d'enseignement préscolaire ont leurs avantages et leurs inconvénients, et les choix des parents peuvent varier en fonction de leurs préférences et de leurs moyens financiers.
La baisse de 3,2% du nombre d'enfants inscrits dans le préscolaire privé peut s'expliquer par la préoccupation grandissante des parents quant aux coûts élevés de l'enseignement préscolaire privé. Cela peut être une bonne nouvelle pour les familles qui ne peuvent pas se permettre l'enseignement préscolaire privé, contribuant ainsi à réduire les inégalités dans l'accès à l'éducation préscolaire. Il est donc important que les politiques publiques continuent à améliorer la qualité de l'enseignement préscolaire public, tout en garantissant que l'enseignement privé soit une option viable pour les parents qui le souhaitent. Cependant, les chiffres ne donnent pas une image complète de la situation de l'enseignement préscolaire au Maroc, et il serait important de comprendre si la hausse de l'enseignement préscolaire public est due à une augmentation de l'offre ou de la demande. En outre, il est essentiel de noter que l'enseignement préscolaire public peut être confronté à des défis, tels que la qualité de l'enseignement, le manque d'infrastructures adéquates et celui de personnel qualifié. Ainsi, des préconisations doivent être mises en place pour y remédier, et qui pourraient inclure une augmentation du financement, une amélioration de la formation des enseignants et une surveillance accrue de la qualité de l'enseignement préscolaire.
Pour conclure, et vu que l'enseignement préscolaire est déterminant pour le développement des enfants, il doit être obligatoirement dispensé par des professionnels qualifiés ayant suivi une formation adéquate. Les éducatrices non formées peuvent ne pas avoir les compétences nécessaires pour offrir une éducation préscolaire de qualité, ce qui peut avoir des conséquences négatives sur le développement cognitif, social et émotionnel des enfants. Par conséquent, confier l'enseignement préscolaire à des associations et des éducatrices non formées peut être un risque pour la qualité de l'éducation préscolaire et le développement des enfants. Les éducatrices formées ont des compétences spécifiques pour planifier et mettre en œuvre des activités d'apprentissage appropriées et stimulantes pour les enfants, en tenant compte de leur niveau de développement. Également, les associations qui fournissent des services d'éducation préscolaire doivent être réglementées et supervisées pour garantir que les normes de qualité soient respectées et que les enfants soient protégés.