Le Maroc assiste depuis plusieurs mois à une flambée générale des prix, et les vacances d’été n’échapperont visiblement pas à cette tendance haussière.
Le tourisme intérieur ne parvient pas vraiment à séduire les consommateurs marocains à cause de l’inadéquation de l’offre avec les besoins et les moyens financiers de cette clientèle.
Par M. Ait Ouaanna
Les vacances d’été approchent à grands pas. Un été qui s’annonce encore une fois chaud bouillant, non pas seulement à cause des pics de chaleur, mais plutôt en raison de la flambée des prix qui ne cesse de rogner le pouvoir d’achat des citoyens. Tout au long de cette année, le taux d’inflation au Maroc a atteint des sommets historiques. Ce dernier s’est d’ailleurs établi à 9,1% au premier trimestre 2023.
Tous les produits et services, sauf rares exceptions, ont vu leurs prix s’envoler. C’est clair et net : les vacances d’été n’échapperont pas à cette hausse des prix généralisée. Il faut donc s’y attendre, la facture voyage risque d’être bien salée. Selon les résultats d’une étude menée par le site immobilier Mubawab, pendant la période allant de mai à août 2022, le prix moyen de la nuitée en appartement se situait à 300 DH à Chefchaouen, 400 DH à Essaouira et à El Jadida, 500 DH à Al Hoceima et à Martil, 600 DH à Marrakech, Skhirat et Casablanca, puis 700 DH à Tétouan et à Bouznika.
S’agissant de la location des villas, le prix moyen par nuitée s’élevait à 3.700 DH à Tanger, 4.000 DH à M’diq, 3.600 DH à Cabo Negro et 3.100 DH à Martil.
Une offre inadéquate
Le tourisme intérieur ne parvient pas vraiment à séduire les consommateurs marocains à cause de l’inadéquation de l’offre avec les besoins et les moyens financiers de cette clientèle. Pour les professionnels du secteur, le développement de ce segment est plus qu’une nécessité, puisqu’il constitue une bouée de sauvetage pour le tourisme marocain en temps de crise.
«Le tourisme interne a toujours été considéré comme une priorité. Il s'agit en effet d'un tourisme de sécurité qui a en quelque sorte sauvé le Maroc pendant la pandémie. En revanche, malgré l’importance de ce secteur, d’un point de vue économique, la politique dédiée n’a pas été au point. Certes, des actions visant la promotion du tourisme interne ont été mises en place, notamment le plan Biladi qui avait pour objectif d’augmenter le nombre de voyages vacances, mais malheureusement ce projet, comme plusieurs d’autres, n’a pas abouti», regrette Mohamed Semlali, président de la Fédération nationale des agences de voyage du Maroc (FNAVM).
«Le tourisme interne a ses particularités et ses spécificités. En général, le Marocain voyage en famille. De ce fait, il faut préparer un logement en adéquation avec ses besoins, ce qui n’existe pas pour le moment. Certes, dans le cadre du plan Biladi, quelques unités ont été construites et la Fondation Mohammed VI a également mis en place des clubs de vacances pour famille, notamment à Ifrane, Agadir et El Jadida, mais cela demeure insuffisant», poursuit-il.
Une infrastructure en deçà des espérances
En dépit des nombreux programmes mis en place, l’infrastructure hôtelière reste en deçà des espérances. «Le blocage face au développement du tourisme interne réside particulièrement au niveau des infrastructures. Il faut l’admettre, l’infrastructure hôtelière est très faible. Par ailleurs, vu les spécificités du tourisme interne au Maroc, les appartements consacrés à la location de vacances constituent l’essentiel de la demande des Marocains, puisque la majorité n’a pas les moyens de s’offrir des nuitées dans des établissements d'hébergement classés», souligne Mohamed Semlali.
Afin d’encourager les Marocains à loger dans des hôtels classés et en vue de leur permettre de voyager malgré ce contexte difficile, le président de la FNAVM appelle les responsables de groupes hôteliers à revoir leurs offres de façon à ce qu'elles correspondent plus au budget des consommateurs.
«Depuis l’année dernière, certains hôtels, notamment à Agadir, ont lancé des promotions et des «pack famille», mais ces initiatives restent très rares. ll est temps de revoir la politique en vigueur et de proposer, notamment aux familles nombreuses, des tarifs promotionnels, afin de les encourager à se rendre vers des établissements d'hébergement classés».
Et d’ajouter : «Le tourisme interne mérite plus d’attention. Les représentants du gouvernement en parlent de plus en plus lors de leurs sorties médiatiques, mais il faut surtout passer à l'action. La feuille de route du secteur touristique 2023- 2026 cherche entre autres à stimuler le développement du tourisme domestique, et nous espérons que les actions qui seront mises en place vont permettre de subvenir aux besoins des Marocains. L’ONMT a lancé, depuis l’année dernière, plusieurs campagnes visant la promotion du tourisme interne, notamment «Ntla9awfbladna» et l’impact commence à se faire ressentir, particulièrement au niveau des stations balnéaires».
Une série de mesures à mettre en place
De son côté, Wissal El Gharbaoui, secrétaire générale de la Confédération nationale du tourisme (CNT), relève que la promotion du tourisme intérieur nécessite le déploiement de plusieurs actions, notamment l'instauration de chèques-vacances ou encore l’amélioration de la mobilité à l’intérieur du Royaume.
«Il s’agit d’un marché majeur pour le tourisme marocain. Ce dernier pèse aujourd’hui entre 30% et 34% des nuitées enregistrées dans les établissements d'hébergement touristique, et l’objectif est d’atteindre un taux de 50%. Afin de rendre la demande intérieure encore plus dynamique, il faut d’abord lutter contre l’informel en permettant aux ménages marocains de consommer le secteur touristique formel. Ensuite, il faut mettre en place le dispositif d’incitation appelé «chèque-vacances», qui a donné d’excellents résultats ailleurs, et qui devrait être défiscalisé. Sans oublier également qu’il faut faire des efforts pour rendre la mobilité à l’intérieur du territoire marocain facile et peu coûteuse», précise-t-elle.
Dans ce sens, le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a récemment annoncé que l'exécutif œuvre à asseoir des bases solides pour le développement durable du tourisme interne en l'érigeant en levier pour relancer le secteur touristique, et ce en cristallisant un ensemble de mesures qui ont déjà commencé à être mises en œuvre. Il s'agit, entre autres d'encourager, l'investissement pour développer des unités hôtelières et des villages touristiques adaptés aux spécificités des Marocains en termes de produits et de prix.
Le gouvernement mise également sur la création de la carte de voyage «Ntla9awfbladna», qui accorde des réductions de prix au niveau des déplacements en train à même d'inciter les Marocains à se déplacer. Il est également question de veiller au développement des campings touristiques pour fournir des services de haute qualité à des prix raisonnables, en partenariat avec des acteurs internationaux leaders dans le domaine.