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Tourisme médical: un sérieux manque à gagner pour le Maroc

Tourisme médical: un sérieux manque à gagner pour le Maroc

Le tourisme médical fleurit dans le monde en générant plus de 80 milliards de dollars par an et avec un potentiel de croissance de près de 30%.

Au Maroc, ce secteur est encore balbutiant. Pourtant, le pays dispose de bon nombre d’atouts susceptibles de lui permettre de se hisser aux premiers rangs.

 

Par M. Ait Ouaanna & M. Boukhari

La pandémie de la Covid-19 a plombé l’économie mondiale. Durant les deux années de crise sanitaire sans précédent, le secteur touristique marocain a traversé ses jours les plus sombres, suite notamment à la fermeture des frontières du pays. Une paralysie qui a forcément mis en stand-by un secteur très lucratif, celui du tourisme médical. Si ce domaine n’a toujours pas connu ses heures de gloire au Maroc, il n’en demeure pas moins qu’il est en plein décollage, bien que des efforts importants restent encore à faire. Cet été, les professionnels du secteur touristique ont eu droit à une belle bouffée d’air frais. Dans son rapport d’activités, l’Office des changes a indiqué que les recettes touristiques en août se sont rapprochées du niveau pré-Covid.

Selon la ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale, Fatim-Zahra Ammor, 3,2 millions de touristes, dont 2 millions de MRE, ont passé les vacances d’été au Maroc. Une nouvelle qui donne de l’espoir quant à la promotion du tourisme de santé au Maroc. Faire d’une pierre deux coups : cette option de plus en plus privilégiée par les touristes leur permet de profiter d’un séjour dans une destination de leur choix tout en bénéficiant de soins médicaux à moindre coût. «Il existe plusieurs raisons qui poussent ces personnes à recourir à ces services dans un pays étranger, notamment la raison culturelle, le coût bas des prestations, la qualité technique et fonctionnelle (technicité des appareils et les services de santé), la facilité des transactions financières, la mondialisation, etc. On parle également de la flexibilité des lois. Par exemple, un traitement donné serait autorisé dans un pays et interdit dans un autre. Les secteurs les plus recherchés dans ce domaine sont la chirurgie esthétique, la dentisterie, les greffes de cheveux et d’organes, la cardiologie, l’oncologie, la cancérologie, l’orthopédie, l’ophtalmologie, la médecine de la reproduction, etc.», explique Dr Tayeb Hamdi, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé.

 

Un environnement propice, mais…

Plusieurs éléments font du Royaume un terrain propice au développement de cette industrie. Il s’agit, entre autres, de sa position géographique stratégique ainsi que de son climat, sa stabilité politique et sociale, sa diversité culturelle... On compte aujourd’hui plusieurs cliniques spécialisées situées à Rabat, Casablanca, Marrakech, Agadir et Tanger. Malgré ces atouts, le Maroc était classé en 2020-2021, 31ème sur un total de 46 destinations, selon l’Index de tourisme médical (MTI), outil de mesure d’attractivité de destinations de tourisme médical. Ce dernier justifie ce classement par une main-d'œuvre insuffisante pour garantir une prise en charge de haut vol, en plus de la qualité des installations et des services qui n'a connu aucune amélioration notable. Car si le Maroc jouit d’une solide réputation internationale sur le plan touristique, il n’en est pas de même pour le secteur de la santé.

Dans son rapport annuel au titre des années 2019-2020, rendu public en mars dernier, la Cour des comptes a mis à nu les défaillances du système de santé. Il en ressort que le secteur souffre d’une pénurie de ressources humaines médicales, paramédicales, administratives et techniques, en plus d’un manque criant d’infrastructures et d’équipements nécessaires pour recevoir et soigner les patients et fournir des services de soins de qualité. A cela s’ajoutent également des problèmes d’organisation et de gestion des centres de santé. Une série de dysfonctionnements qui empêchent le Royaume de se positionner en tant que référence en matière de tourisme médical. Renforcé par le vieillissement de la population mondiale et la recherche grandissante des populations des pays développés de procédures thérapeutiques de qualité à bas coût - particulièrement pour des traitements non couverts par les assurances, tels que la chirurgie esthétique -, le tourisme médical représente une opportunité «concrète» pour le Maroc de générer des revenus directs et contribuer au développement global de l’économie nationale, explique un Policy Paper intitulé «Relance du tourisme médical au Maroc, une industrie négligée mais rentable», élaboré par l’Institut marocain d’intelligence stratégique (IMIS).

 

L’image de marque : clé de succès

Selon cette même source, le Royaume doit placer le «Nation branding» et le «Made in Morocco» au cœur de la stratégie de développement du tourisme médical marocain, ce qui va contribuer à la promotion de l’image de marque du pays. Dans la même veine, Hamdi souligne le rôle central de l’amélioration de l’image de marque du Maroc dans le développement du tourisme médical. «Il est indispensable de miser sur la qualité et la certification. Le touriste-patient privilégie les établissements de santé dotés de certificat de qualité conforme aux normes internationales et locales. Il faut beaucoup travailler sur le plan logistique et procédural à travers notamment l’assouplissement des exigences en matière de délivrance de visa, la proposition de prix attractifs et compétitifs, l’accompagnement du client dès son arrivée à l’aéroport, l’hospitality management, etc. Sans oublier la nécessité pour les établissements de santé d’offrir aux patients-touristes des programmes annexés à l’offre de santé et de veiller à acquérir les dernières technologies médicales». Pour améliorer l’image de marque du pays, ledit rapport met en avant la nécessité de fonder un bureau dédié au tourisme médical, comme c’est le cas en Turquie. Pays pionnier dans le domaine, la Turquie a mis en place plusieurs bureaux de coordination pour faciliter les soins aux touristes-patients en les accompagnant de l’aéroport jusqu’à la fin de leur séjour à l'hôpital.

Par ailleurs, le gouvernement turc a mis en œuvre plusieurs politiques stratégiques visant à faire du tourisme médical un avantage compétitif. Dans ce sens, la Turquie s’est fixée comme objectif d’attirer à l’horizon 2030, 2 millions de patients étrangers, avec un chiffre d’affaires de 7,5 milliards de dollars. «Le Maroc est perçu comme un hub touristique plutôt qu’une option de soins de santé moins chère par rapport aux autres pays. Les prix en Turquie sont 60% moins chers qu’en France. Pour une meilleure compétitivité, le Maroc devrait proposer une offre moins chère pour les Européens et proposer des tarifs encore plus bas pour attirer des clients même du continent africain», assure Hamdi. En effet, le tourisme médical, s’il est bien développé, peut contribuer à grande échelle à l’essor de l’économie locale, notamment en engendrant des revenus directs en devises, en créant des opportunités d’emploi et en stimulant l’entrepreneuriat.

«En ce qui concerne l’impact sur l’économie d’un pays qui propose du tourisme médical, nous pouvons dire qu’il s’agit d’un impact positif sur le PIB ainsi que sur l’offre de santé qui se développe également, mais aussi d’un impact négatif pour ce qui est de la fuite des professionnels de santé des hôpitaux publics vers des cliniques qui sont tournées vers le tourisme médical. Il faudrait donc remédier à cela par la formation de plus de médecins», affirme Hamdi. Les touristes qui optent pour la destination Maroc ont à leur disposition une palette d’offres de soins et de services médicaux tels que les activités de bien-être, les opérations chirurgicales ou encore les traitements hospitaliers. Par ailleurs, la chirurgie esthétique reste incontestablement la spécialité la plus plébiscitée par les patients étrangers qui viennent au Maroc. «Au Maroc, 40.000 interventions chirurgicales en esthétique sont réalisées par an, dont 85% de patients locaux et seulement 15% de touristes. Nous avons environ 120 chirurgiens esthétiques marocains, il nous reste donc beaucoup de chemin à parcourir», précise Hamdi.

 

Moult pistes à explorer

Afin de capter de nouvelles opportunités de croissance dans le domaine du tourisme médical et de s’imposer comme leader dans cette industrie qui devrait engendrer 207,9 milliards de dollars d’ici 2027, «il est primordial pour le Royaume d’améliorer les normes cliniques et la réputation de nos centres de santé, grâce notamment à une accréditation internationale délivrée par les organismes autorisés. Pour cela, il faut corriger les défaillances de notre système de santé en remédiant tout d’abord au manque de ressources humaines et en mettant à la disposition du personnel les moyens techniques et matériels nécessaires pour assurer un service de qualité. Outre cela, il faut également penser à s’affilier à des structures hospitalières internationales, à développer l’assurance maladie dans le secteur du tourisme médical, à construire une meilleure présence en ligne des agences médicales et à promouvoir la télémédecine», insiste Tayeb Hamdi. Dans la même perspective, le rapport émis par le think-tank IMIS plaide pour la création d’un office de tourisme médical, engageant la participation des secteurs privé et public. Il appelle également à investir en masse dans les infrastructures médicales et hôtelières.

 

 

 

 

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