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Cet étrange monsieur Zemmour

Cet étrange monsieur Zemmour

«S'il ne restait que deux hommes au monde, le plus fort n'hésiterait pas une minute, à défaut de suif pour frotter ses bottes, à tuer son unique compagnon afin d'en prendre la graisse», disait ce cher Arthur Schopenhauer.

Imaginez que vous êtes arabe ou africain, ou les deux, et qu’il ne reste que vous et cet homme nommé Éric Zemmour et qu’il a des bottes et qu’il veut les faire reluire. Non seulement il peut vous tuer, mais avant de vous éliminer, sachez qu’il peut vous demander de servir de suif pour ses pompes. C’est ce qu’on appelle communément : joindre l’utile à l’agréable.

Mais ce scénario est à supposer que monsieur Zemmour soit fort. Ce qu’il n’est pas. Ni physiquement (ce qui exclut la force pour vous achever) ni mentalement, parce qu’il manque cruellement de jugement et d’introspection. Alors, il tue à tour de mots et assouvit ainsi son désir de zigouiller tous les autres, les étrangers, les musulmans, les Africains, les Asiatiques, les Latinos, les Roms, les Tziganes, les Turcs, les Kurdes, les Iraniens, les Afghans, les Indiens, les Pakistanais et tant d’autres nationalités et ethnies.

Il mitraille et se délecte des cadavres qui jonchent le macadam après ses discours haineux et inhumains. Il incarne parfaitement cette saillie de ce même Schopenhauer qui dit que «L'homme est au fond une bête sauvage, une bête féroce. Nous ne le connaissons que dompté, apprivoisé en cet état qui s'appelle civilisation : aussi reculons d'effroi devant les explosions accidentelles de sa nature. Que les verrous et les chaines de l'ordre légal tombent n'importe comment, que l'anarchie éclate, c'est alors qu'on voit ce qu'est l'homme».

C’est si vrai dans le cas de l’absurde monsieur Zemmour que quand on le voit parler, on sent cette jouissance dans la voix quand il incite à la haine, cette autosatisfaction dans le sourire quand il appelle à la vindicte publique, cette suffisance dans l’attitude quand il veut monter une communauté contre les autres, ce regard mauvais quand il divise, ce rictus torve quand il fomente le crime en direct sur les plateaux-télé ou lors des tournées électorales où ses scores au scrutin sont au diapason de l’amour qu’il doit se porter lui-même.

Parce qu’il n’est nul besoin d’être psychiatre pour se rendre vite compte qu’il est impossible de s’aimer un tant soit peu en nourrissant toute cette haine à l’égard des autres. Cet individu passe son temps à dire des horreurs, à insulter, à discriminer, à stigmatiser, à condamner les autres qu’il n’a pas une seule seconde pour se rappeler qu’il était un jour un être humain. J’ai beau le scruter pour déceler en lui cet enfant qu’il a dû être jadis, je n’y arrive pas. Cette personne n’a jamais été enfant ou alors il fait la peau à l’enfant en lui très tôt.

Parce que comment avoir été un jour enfant et grandir toute en haine ? Comment oublier sa part d’humanité ? Comment fait-on pour cultiver le racisme le plus bâtard à ce degré si nauséabond ? Comment pouvoir fermer les yeux le soir et roupiller du sommeil du juste ? Comment, enfin, se regarder dans un miroir et ne pas voir ce monstre hybride et hideux qui juge les autres par leur religion, par la couleur de leur peau, par leur identité et par leur rang social ? A telle enseigne, que même devant une tragédie humaine comme l’assassinat d’un jeune homme, il pense à dire du mal, à enfoncer le clou, à semer la noirceur et la discorde en jetant de l’huile sur le feu. Ceci nous renvoie encore une fois à une parole si juste de ce même Arthur qui dit ceci de vérifié : «En cruauté impitoyable, l'homme ne le cède à aucun tigre, à aucune hyène».

Pire, quand le racisme le plus primaire, quand la xénophobie devient fonds de commerce électoral, c’en est fini de toute logique dans le phrasé, de toute retenue dans le propos. On lâche les vannes, on assomme le monde avec ses miasmes et on fait souffler un vent délétère avec des germes de haine raciale comme fondement moral et idéologique. Pire encore, quand un individu de cette catégorie dénuée de toute humanité a droit au chapitre, quand un individu avec autant de bêtises fourguées au kilo et au rabais écume les émissions de pacotille pour nous livrer sa camelote, on se rend compte à quel point la France est dans la merde.

Quand on n’a presque plus que Macron, Le Pen et Zemmour, comme porte-étendards d’une classe politique en fin de cycle et aux abois, c’est vous dire que cette France va droit dans le mur, et ce, sans garde-fou.

 

 

Par Abdelhak Najib

Écrivain-journaliste 

 

 

 

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