Les travaux de la 93ème Assemblée générale d’Interpol se tiennent à Marrakech. Il s’agit d’une reconnaissance internationale stratégique pour le Royaume, désormais considéré comme un laboratoire de coopération multilatérale et un acteur essentiel de la sécurité mondiale.
Par D. W.
Il n’y a pas de hasard diplomatique. Si la grand-messe sécuritaire d’Interpol se tient du 24 au 27 novembre à Marrakech, c’est parce que le Maroc n’est plus seulement un pays hôte, mais un pays pivot.
Quand le Directeur général de la Sûreté nationale et de la Surveillance du territoire, Abdellatif Hammouchi, prend la parole devant des centaines de délégués venus de plus de 150 pays, il ne se contente pas juste de souhaiter la bienvenue. Il rappelle, d’abord, la force des propos du Roi Mohammed VI, «qui considère la sécurité comme un bien commun et une responsabilité partagée, dont la préservation est tributaire d'une coopération institutionnelle solide, de partenariats sociétaux et d'une action conjointe consolidée à l’international».
Voilà la formule autour de laquelle le Royaume bâtit sa place dans l’architecture mondiale de la sécurité. Le monde fait en effet face à des réseaux criminels sans passeports, sans frontières et sans limites. Les cybercriminels transfèrent leurs serveurs plus vite que les frontières ne se redessinent. Les trafiquants d’êtres humains, d’armes ou de capitaux exploitent les failles des Etats.
Et pendant longtemps, chaque pays tentait de se défendre seul, avec ses outils, ses lois et ses moyens. Or, pour Hammouchi, la sécurité collective à laquelle aspirent les pays reste hors de portée sans des alliances solides en matière de sécurité, une coopération équitable entre les nations et des dispositifs rapides, fiables et performants pour échanger les informations et mener des opérations conjointes. Raison pour laquelle le Maroc milite pour bâtir une architecture sécuritaire indivisible, où chaque Etat est une brique d’un seul édifice mondial.
Cette vision est notamment soutenue et applaudie par le président d’Interpol, le Général-Major Ahmed Naser Al-Raisi, qui parle d’un «pays de sécurité et de paix», qui croit «en la participation effective et en la sécurité comme responsabilité indivisible». Il ne s’agit pas d’un compliment de courtoisie : c’est une reconnaissance. Car le Maroc ne se contente plus de participer aux forums sécuritaires, il les structure. Sa position géostratégique entre l’Afrique, l’Europe et le monde arabe en fait un trait d’union.
Mais c’est surtout sa capacité à opérer, anticiper et coordonner qui le place désormais au cœur des mécanismes mondiaux. Il ne se contente pas ainsi d’afficher ses performances contre le terrorisme ou la criminalité transnationale, mais en fait un modèle à diffuser. C’est dans ce cadre qu’il soutient le renforcement des capacités policières africaines, favorise les opérations conjointes, optimise les échanges de données et accompagne les pays partenaires. L’accord signé avec l’Ethiopie, incluant formation, renseignement, lutte contre le trafic d’organes, de stupéfiants, la cybercriminalité et le blanchiment, en est un exemple concret.
Criminalité transnationale
Il faut rappeler que le défi n’est plus territorial, d’autant que la criminalité est désormais transnationale et numérique. Hammouchi ne dit pas autre chose.
Selon lui, «l’accueil de cette Assemblée générale par le Royaume découle de son engagement ferme et constant à renforcer la sécurité multilatérale et de son implication sérieuse dans la consolidation du front international face aux risques que représente la criminalité transnationale organisée».
Autrement dit, le monde a changé. Les criminels n’ont plus besoin de franchir les frontières, ils les contournent à travers le numérique. Les trafiquants n’ont plus besoin de ports ou d’aéroports, ils opèrent depuis des serveurs. Les escroqueries ne se trament plus dans des ruelles sombres, mais dans des centres d’opérations cybernétiques à distance.
Face à cela, le Maroc défend une réponse hybride structurée autour de l’innovation technologique, le partage des données, la coordination opérationnelle et surtout une coopération permanente. Et puisque la sécurité n’est plus un concept national mais global, le rôle du Maroc devient naturellement global. L’accueil d’évènements comme la CAN 2025 ou la Coupe du Monde 2030 nécessitera, dans ce sens, un haut niveau de sécurité.
Et ce n’est pas un hasard si le président d’Interpol a salué la capacité du Royaume à organiser ces manifestations. En tout cas, ce que Marrakech a montré, c’est que la sécurité n’est plus l’apanage des puissances traditionnelles. Elle trouve un socle là où se tissent les alliances, se partagent les données et se fixent les nouvelles règles du jeu. Et, sur cette nouvelle carte de la sécurité mondiale, le Maroc joue un rôle central.