Mercredi 19 janvier, le Maroc présentait ses résultats au titre des 100 derniers jours, comme le font habituellement les sociétés cotées.
C’est le sentiment que l’on avait en écoutant le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, se livrer à cet exercice désormais ancré dans la pratique démocratique. A la différence que les managers qui se prêtent au jeu des questions-réponses des analystes et autres journalistes, le font du tac au tac, en live.
Et c’est le premier reproche que l’on peut faire à Akhannouch : pour cette première sortie médiatique qui couronnait les 100 jours au pouvoir du gouvernement, il aurait pu nous gratifier d’un direct. Non seulement l’émission était enregistrée à l’avance, mais elle a été diffusée relativement tard (22 heures). Pourquoi pas plus tôt ? On se le demande.
Le hic dans ce choix est que l’on est plus dans la spontanéité : les questions et les réponses sont préparées, bien calées, avec certainement un montage final validé avant diffusion. Certes, les sujets du moment ont été abordés (et il ne pouvait en être autrement), comme la réouverture des frontières ou encore le dossier brûlant des retraites, mais le fait que l’émission ait été préenregistrée, a réduit sa pertinence et son intérêt. On aurait certainement adhéré à ce procédé s’il s’agissait d’un discours. Et sur ce point, on se surprend d’ailleurs à regretter un Benkirane ou un El Otmani, deux de ses prédécesseurs qui «affrontaient» les journalistes en direct, en prenant pour témoin l’opinion publique marocaine, quitte parfois à dire des gaffes. Mais ils avaient un certain courage politique. Voilà pour la forme.
Sur le fond, le chef de gouvernement nous a donné quand même une information de taille : il veut boucler la réforme des retraites durant sa législature. L’intention est louable. Mais cette réforme est une vraie patate chaude pour laquelle les gouvernements précédents ont préféré multiplier les déclarations d’intention. Parce que, d’abord, les enjeux socioéconomiques sont trop importants; ensuite, les centrales syndicales sont particulièrement vindicatives sur ce dossier; enfin, c’est une réforme très impopulaire. Bon courage alors !
Hormis les retraites, Akhannouch est resté évasif sur tout. Il ne s’est mouillé sur rien. A propos de la question tant attendue de l’ouverture des frontières aériennes, il s’est juste contenté d’affirmer que «le sujet est sur la table et j'espère que les frontières seront ouvertes les semaines à venir». Et en ce qui concerne le déficit de communication du gouvernement, il a donné une réponse pour le moins surprenante : l'équipe gouvernementale a pour philosophie de «travailler plus et de parler moins».
Peut-être faut rappeler au chef du gouvernement que parler est une chose, mais s’exprimer en tant de crise, sur des sujets qui intéressent et mobilisent toute la collectivité, en est une autre. C’est au chef qu’échoit le devoir de rassurer, donner le cap et expliquer les choix du gouvernement quand les citoyens s’interrogent et sont dans le doute.
Et si Akhannouch compte rester sur sa ligne de conduite, à savoir «parler moins», il ne fera que creuser le fossé qui le sépare déjà d’une partie de l’opinion publique. Laquelle considère le Rassemblement national des indépendants, parti qu’il dirige, comme une formation politique élitiste.
Conclusion : pour une émission qui n’était pas en direct, on s’attendait à une prestation meilleure du chef de gouvernement. Peut largement mieux faire !
F. Ouriaghli