Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, est arrivé, mercredi à Pékin, pour représenter le Roi Mohammed VI au Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), qui se tient du 4 au 6 septembre.
Il est accompagné par le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger, Nasser Bourita, et le ministre chargé de l'Investissement, de la Convergence et de l'Evaluation des politiques publiques, Mohcine Jazouli, ainsi que par une délégation d’hommes d’affaires conduite par le président de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Chakib Alj.
Au total, des dizaines de dirigeants et délégations africaines prennent part au Focac, qui n'est cependant pas seulement une réunion diplomatique parmi d'autres. C'est une véritable vitrine de la stratégie chinoise en Afrique et un baromètre des relations tumultueuses entre le continent africain et son partenaire asiatique de premier plan. Mais au-delà des discours lisses et des promesses de développement mutuel, des interrogations demeurent sur la nature véritable de ce partenariat.
Depuis sa création en 2000, le Focac a été la plateforme à travers laquelle la Chine a officiellement consolidé sa présence en Afrique. Pékin y voit un moyen stratégique de sécuriser ses approvisionnements en ressources naturelles essentielles, tout en exportant son modèle de développement infrastructurel. L’Afrique, de son côté, y cherche des investissements et une diversification de ses partenariats internationaux. Cependant, ce mariage de raison cache mal les déséquilibres et les tensions qui s'y jouent.
La Chine est souvent perçue comme un partenaire de développement bienveillant, apportant avec elle des infrastructures et des investissements massifs. Pourtant, derrière cette façade, se cache une réalité préoccupante : l’endettement croissant de nombreux pays africains envers la Chine. Les prêts chinois ont financé de nombreux projets d'infrastructure, certes, mais à quel prix pour la souveraineté financière de ces États ?
La dépendance économique induite par cette dette tend à se transformer en levier politique, donnant à Pékin une influence disproportionnée sur les politiques internes et externes de ces nations. Pékin est également accusé de mener une politique prédatrice concernant les ressources naturelles africaines, une critique qui trouve un écho particulier dans les pays riches en minéraux comme la République démocratique du Congo. La nécessité de sécuriser ses approvisionnements pour alimenter son propre développement industriel pousse la Chine à intensifier ses activités extractives, souvent au détriment de l'environnement et des communautés locales.
Cependant, il serait réducteur de ne voir dans le Focac qu’une simple manœuvre néocoloniale. La Chine apporte également une aide non négligeable en termes de développement technologique et d'innovation, ce qui peut contribuer à une transformation positive des économies africaines. Les initiatives en matière de technologies vertes, d’agriculture durable et de développement des infrastructures numériques sont autant d'opportunités pour l'Afrique de s'engager dans une croissance plus équilibrée et moins dépendante des fluctuations des marchés des matières premières. Alors que le monde assiste à une redistribution des cartes de la géopolitique globale, l'Afrique et la Chine semblent décidées à renforcer leur alliance.
Mais pour que ce partenariat soit véritablement bénéfique pour les deux parties, il faudra que Pékin adresse sérieusement les préoccupations africaines en matière de développement durable et d'équité commerciale. Sans cela, le Focac risque de rester perçu comme une belle tribune pour délivrer des discours cosmétiques loin de la réalité et des attentes du continent. La Chine saura-t-elle jouer les équilibristes entre ses intérêts stratégiques et le respect des aspirations africaines à plus d'autonomie et de développement ? C’est tout l'enjeu de cette édition 2024 du Focac.