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France – Afrique: Macron, un naufrage diplomatique

France – Afrique: Macron, un naufrage diplomatique

En l’espace de 20 ans, le poids économique de la France en Afrique a été divisé par deux.

Cette perte d’influence s’accompagne d’un sentiment anti-français nourri par un Emmanuel Macron jugé désinvolte et arrogant.

 

Par D. William

La politique étrangère française est source de crispations aigues ces dernières années. Et cela s’est davantage accentué depuis que Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir. En effet, le sentiment anti-français grandit de plus en plus en Afrique, nourri par les maladresses, voire ce que d’aucuns qualifient d’irrespect du président français.

Convenons-en : avec son discours paternaliste et condescendant, Macron a le don d’irriter les chefs d’Etat africains. Preuve en est sa récente tournée en Afrique. Dans son périple express qui l’a conduit pendant 4 jours au Gabon, en Angola, en République démocratique du Congo (RDC) et au Congo Brazzaville pour prêcher la fin de la «Françafrique» et prôner un partenariat renouvelé avec le continent, il a néanmoins trouvé le moyen de se faire recadrer sèchement. C’était samedi dernier à Kinshassa, où les échanges avec son homologue congolais étaient particulièrement musclés.

Deux sujets de tension : d’abord, le refus de la France de condamner franchement l'«agression injuste et barbare» du Rwanda dans l'est du pays dénoncée par le président congolais Felix Tshisekedi. Mais Macron a plutôt choisi de se défouler sur les dirigeants congolais, notant que «depuis 1994, vous n’avez jamais été capables de restaurer la souveraineté ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays. C’est une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur». Il y a ensuite les propos tenus en 2019 par Jean-Yves Le Drian, ancien ministre des Affaires étrangères de Macron, qui avait qualifié l’élection de Tshisekedi de «compromis à l’africaine». Sur ce point, le président congolais ne s’est pas fait prier pour recadrer la France.

«Quand il y a des irrégularités aux élections américaines, on ne parle pas de compromis à l’américaine. En France, lors des années Chirac, lorsqu’il y a eu des électeurs décédés qu’on a fait voter, on ne parlait pas de compromis à la française. Je crois qu’il doit y avoir du respect dans la considération que l’on doit avoir les uns envers les autres. La manière de coopérer avec la France et l’Europe doit changer. Regardez-nous autrement en nous respectant, en nous considérant comme de vrais partenaires et non pas toujours avec un regard paternaliste, avec l’idée de toujours savoir ce qu’il faut pour nous».

 

Perte d’influence

Cet échange illustre parfaitement le changement profond qui est en train de s’opérer dans les relations entre la France et l’Afrique. La France se doit de redéfinir radicalement sa politique africaine. Car le temps des Etats vassaux est terminé. La «Françafrique» est révolue. C’est une volonté populaire et collective d’une intelligentsia africaine consciente que les relations entre la France et l’Afrique doivent désormais être appréhendées sous le prisme d’un partenariat transparent, d’égal à égal, gagnant-gagnant.

Cette révolte de la conscience collective a d’ailleurs pour conséquence une perte d’influence de plus en plus marquée de la France dans le continent africain, au profit de puissances économiques comme la Chine ou encore la Russie. Plus globalement, tant pour l’exploitation des ressources naturelles que pour la construction d’infrastructures, la France perd du terrain. En l’espace de 20 ans (2000 à 2021), le poids économique de la France en Afrique a été divisé par deux. La France se trouve actuellement au même niveau que les USA, l’Inde ou encore l’Allemagne, loin derrière la Chine.

Ce recul économique en Afrique s’est accompagné, ces derniers mois, de plusieurs faits marquants qui attestent des revers accumulés par la France  et du naufrage de sa diplomatie. Ainsi, de plus en plus contesté, le Franc CFA est considéré comme un frein à l’émergence des économies africaines. De même, les troupes françaises ont été chassées du Burkina Faso, tout comme l’a été la force Barkhane du Mali, pays qui, le 31 janvier 2022, décidait d’expulser l’ambassadeur de France à Bamako. Dans le même sillage, l’Algérie a rappelé son ambassadeur en France après «l'exfiltration de l'activiste Amira Bouraoui», sous le régime d'interdiction de sortie de territoire algérien. En outre, entre l’affaire Pegasus, la crise des visas, qui vient de connaître son épilogue, et le vote du Parlement européen, un vent particulièrement frais circule aussi entre Rabat et Paris.

Oui, avec Macron, la diplomatie française est davantage dans le dur. Comme le confirment les relations tendues avec la Russie de Poutine, et tumultueuses avec l’Ukraine de Zelensky. Et ce n’est pas mieux avec l’Allemagne, Macron ayant notamment annulé en octobre 2022 le conseil des ministres francoallemand, sur fond d’une série de différends entre Paris et Berlin. D’ailleurs, selon un sondage de l'Institut CSA pour l'ambassade d'Allemagne à Paris rendu public mi-février dernier, près d'un Français sur 2 (48%) pense que les relations entre la France et l'Allemagne se dégradent. Dans un entretien paru sur le site Les Echos le lundi 6 mars, le haut fonctionnaire français Alain Juillet résume parfaitement bien la situation actuelle.

«L'Algérie souhaite adhérer aux BRICS. Les banques marocaines ont remplacé les banques françaises et leur aversion du risque. Pour ce qui est de l'Egypte, elle rencontre certes des difficultés économiques, mais elle se développe économiquement avec l'aide de la péninsule Arabique et constitue un pays clef et un pôle de stabilité central, au sein d'une région stratégique. Dans tous ces pays, où le «french bashing» est devenu courant, il existe des opportunités pour tout entrepreneur français. Au lieu de mettre nos mauvais résultats sur le compte des autres, reconnaissons que nous avons péché par l'arrogance des donneurs de leçons et qu'il est temps de pratiquer l'humilité». Arrogance, désinvolture et le «en même temps»  : c’est effectivement le triptyque qui caractérise la présidence de Macron. 

 

 

 

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