Ces gens avaient tout… et ont tout perdu. Des hommes publics, auréolés de pouvoir et de réussite, mais qui n’ont su résister ni à l’appât du gain facile, ni à la tentation du pouvoir. Ils se croyaient omnipotents, mais ont fini en locataires de cellule.
L’un des derniers qui a tristement fait l’actualité ces derniers jours est Mohamed Boudrika, jadis étoile montante du football et de la politique. Il incarne cette tragédie de la suffisance transformée en suffisance tragique.
Boudrika a dirigé le Raja de Casablanca et fait rêver les supporters, avant d’être arrêté à Hambourg en juillet 2024, extradé au Maroc, puis jugé.
Condamné le 1er juillet 2025 par le tribunal de première instance de Casablanca à 5 ans de prison ferme, il a désormais la prison d’Oukacha pour résidence principale.
Et derrière les barreaux, il pleure sa «mort symbolique» et évoque une cabale, pendant que les juges, eux, parlent d’escroquerie, de faux et d’émission de chèques en bois.
La politique, en parallèle, l’avait adopté. Le Rassemblement national des indépendants (RNI) lui avait ouvert ses bras et même offert un siège. Sauf que quand les affaires ont pris le dessus, il a été débarqué et le parti s’est emmuré dans un silence de cathédrale. Pas un mot.
La liste est longue
Le cas Boudrika n’est pas une exception. Ces dernières années, le monde politique et des affaires a été particulièrement éclaboussé par plusieurs scandales, allant des histoires de détournement de fonds à la corruption, en passant par l’enrichissement illicite.
Et l’un des scandales les plus retentissants reste sans aucun doute celui appelé affaire «Pablo Escobar du Sahara», que la justice tente toujours de démêler.
Hommes politiques, hauts commis de l’Etat, dirigeants de clubs, patrons et hauts cadres d'établissements publics ou privés… : nombreux sont donc ceux dont l’ascension fulgurante s’est brutalement arrêtée sur les marches du tribunal.
Cette «élite» administrative et politique, censée donner l’exemple, a préféré jouer la carte de la prédation.
C’est d’autant plus paradoxal que, dans plusieurs de ses discours, le Roi a été on ne peut plus clair : probité, exemplarité et responsabilité.
Des mots qui résonnent puissamment dans le vide laissé notamment par certains élus qui préfèrent confondre mandat électif et chèque en blanc. Et lorsqu’ils sont pris la main dans le sac, la négation devient leur ligne de défense, jusqu’au moment où, acculés par les preuves, ils optent pour une repentance tardive.
Un peu à la manière de Jérôme Cahuzac en France, qui niait avec l’assurance d’un homme convaincu de son immunité morale, avant de s’effondrer sous le poids de ses comptes cachés à Singapour. On connaît la suite : aveux, condamnation et case prison.
L’hémicycle… se moralise
Au Maroc, la Chambre des représentants tente pourtant de redresser la barre. Un nouveau code de déontologie a été mis en place en juillet 2024. C’était nécessaire. C’était attendu.
Mais c’était surtout une exigence du Souverain qui avait insisté, en janvier de la même année, sur «la nécessité de reléguer à l’arrière-plan les calculs partisans au profit des intérêts supérieurs de la Nation et des citoyens et de moraliser la vie parlementaire par l’adoption d’un code de déontologie qui soit juridiquement contraignant pour les deux chambres de l’institution législative».
Sauf qu’entre la règle et son application, il y a souvent un gouffre. Un gouffre qu’il faudra combler si l’on veut éviter que l’opinion publique ne perde toute confiance dans ses institutions.
Car à force de scandales, le citoyen ne s’indigne même plus. Il s’habitue. Ce qui hier encore choquait finit par paraître banal. Et c’est cela, le vrai danger : la banalisation de la trahison publique, tandis que la probité devient un luxe.
Bref, on aurait pu croire que tous ces élus, hommes d’affaires ou encore hauts cadres cités dans des magouilles avaient tout ou presque : pouvoir, influence, carnets d’adresses et comptes bien garnis.
Mais non. Ils ont voulu plus. Encore plus. Toujours plus. Par avidité. Par arrogance. Par convoitise. Par cupidité. Par sentiment d’invincibilité. Jusqu’à ce que le système se retourne contre eux et qu’ils se retrouvent derrière les barreaux.
Gandhi avait raison. «Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l'homme, mais pas assez pour assouvir son avidité», disait-il.
Malheureusement, c’est cette avidité qui le perd.
F. Ouriaghli