Leur silence est assourdissant. Leur absence est révélatrice à plus d’un égard. Elle est d’abord un indicateur fort de leur impuissance face à l’invasion de Gaza et des territoires palestiniens par l’armée israélienne.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Elle est ensuite un aveu clair que la Palestine est livrée à elle-même et que personne ne peut prétendre la secourir aujourd’hui en s’opposant à la force de frappe de l’État d’Israël. Enfin, ce mutisme en dit long sur les impératifs de la Realpolitik telle qu’elle se joue au Proche et au Moyen-Orient. D’un côté, il faut tenir compte des accords avec Israël pour des pays comme l’Égypte et la Jordanie. Ce qui les met dans une position inextricable et les oblige à adopter une posture du Wait and See, jusqu’à nouvel ordre. Ni le Caire ni Amman ne sont en mesure de faire voler en éclats le statu quo du bon voisinage avec Tel-Aviv, surtout pas maintenant, alors que toute la région sombre dans le chaos et la guerre civile comme c’est le cas en Syrie, en Irak et à moindre degré au Liban. Ceci signifie que Damas n’a plus le poids de peser sur le conflit et la guerre en Palestine comme au temps de Hafez Al Assad. C’est le cas pour Bagdad aussi où du temps de Saddam Hussein, Israël savait qu’elle ne pouvait pas tuer et massacrer des populations en toute impunité, comme c’est le cas aujourd’hui. Quant au Liban, avec ses divisions intérieures et sa fragilité politique, Beyrouth a tout intérêt à rester en dehors de cette guerre qu’Israël voudrait élargir aux pays voisins, déjà très secoués par des crises qui frisent le chaos généralisé.
Dans cette configuration, Israël sait qu’elle a les coudées franches. Le changement de paradigmes au Proche Orient et dans la Terre du Levant est tel aujourd’hui que plus rien ne s’oppose à vider la bande de Gaza de ses populations avant de s’occuper de la Cisjordanie. Ce n’est qu’une affaire de temps pour que le processus de l’exil forcé des Palestiniens aboutisse à l’objectif tel que désigné et décidé par l’État d’Israël, à savoir : évacuer le reste des territoires occupés de tous les Palestiniens enterrant ainsi ce projet caduc de deux États voisins vivant en bonne entente, selon le tracé des frontières de 1967.
Ceci, les États arabes le savent très bien. D’ailleurs, l’idée de voir les populations de Gaza migrer vers le Sinaï fait petit à petit son chemin à telle enseigne qu’aucune capitale arabe de la région ne semble choquée par cette réalité du terrain, avec des millions de réfugiés forcés à quitter leurs maisons avant l’invasion finale, qui sonne comme la solution finale pour un État hébreu qui assume cette invasion de manière ostentatoire, provocatrice et décomplexée.
Aujourd’hui, avec de nouvelles données et de nouveaux objectifs, la Realpolitik impose à chaque État arabe de la région de s’occuper de ses affaires, dans une position qui ne souffre aucune ombre : on ne peut plus rien faire face à Israël et à l’Occident qui la soutient avec fermeté lui offrant soutien et moyens matériels et militaires pour accomplir son plan d’expansion dans la région. Face à cela, les capitales arabes savent qu’elles doivent sécuriser leurs frontières, elles aussi, menacées par un éventuel démon de l’occupation israélienne. Ce qui nous impose cette conclusion : les forces arabes ne font pas le poids devant l’armée israélienne, déjà dotée de l’arme nucléaire, par-dessus le marché. Un déséquilibre des forces qui s’est accru ces vingt dernières années avec le démantèlement de l’Irak et de la Syrie et l’affaiblissement de l’Égypte.
Quant aux pays du Golfe, en dehors des slogans et des déclarations d’intention, il est absolument exclu de voir les capitales du Golfe entrer en conflit avec Israël. Ce n’est ni leur priorité ni leur préoccupation. Les monarchies et autres Emirats de la région peuvent envoyer quelques aides et quelques millions de dollars. Et c’est tout. Ce qui ne pèse aucunement sur le cours de l’Histoire d’une Palestine sans recours, sans moyens, sans forces pour se défendre.