Il y a un fossé entre ce que veulent Abdelilah Benkirane et ses soutiens et ce que disent les statuts du Parti de la justice et du développement qu’il vaut mieux éviter de franchir, au risque de commettre ce qu’on pourrait appeler un hold-up politique, grave de conséquences. Expliquons de manière plus claire les choses :
- Le secrétaire général du PJD, en poste depuis 2008, a bouclé deux mandats. Les statuts de cette formation politique fixent justement le nombre de mandats du SG à deux, ce qui ne lui permet donc pas d’en briguer un troisième. Le Congrès du parti, dont la date a été fixée à décembre, devra donc désigner le successeur de Benkirane.
- Depuis plusieurs semaines, les alliés de Benkirane sont mobilisés afin justement de le faire réélire, se confrontant parfois violemment aux soutiens d’un autre homme fort de cette formation politique, le chef de gouvernement, Saâd Eddine El Othmani. Ce dernier est pour certains celui à qui l’on doit légitimement confier les destinées du PJD. Dans ce cas d’ailleurs, Benkirane rendrait le pouvoir à celui auquel il l’avait pris, puisque El Othmani a été secrétaire général du parti de 2004 à 2008.
- Benkirane veut visiblement d’un troisième mandat, quand bien même il ne l’avoue qu’à demi mot : «Ma période est terminée d’un point de vue légal et juridique… sauf événement extraordinaire». Cette déclaration ne souffre d’aucune ambiguïté.
Conclusion : Benkirane joue en quelque sorte le jeu du désintéressement intéressé, poussant ses partisans à maintenir la pression pour que le Congrès amende les statuts et lui ouvre les portes d’une possible réélection. Cela peut bien évidemment marcher. Mais à quel prix ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Le parti survivra-t-il à une scission aussi profonde ?
La session extraordinaire du Conseil national préparatoire au congrès, qui doit normalement avoir lieu ce samedi, nous en donnera un aperçu. Il promet pour le moins d’être tendu.■
D. W.