Après l’Algérie, le polisario sert de paillasson à Pretoria. Avant de développer, petit coup d’œil dans le rétroviseur.
Le Roi Mohammed VI reçoit en audience le président sud-africain Jacob Zuma, en marge du 5ème Sommet Union africaine-Union européenne. Le signal politique était fort, d’autant que l’Afrique du Sud reconnaît l’existence de la fantomatique «République arabe saharouie démocratique».
Cette entrevue augurait alors un changement de posture de Pretoria au sujet du Sahara marocain. Et les propos tenus à l’époque par Jacob Zuma allaient dans ce sens. Il avoua ainsi que l’Afrique du Sud n’a «jamais eu de problème» avec le Royaume, avant de déclarer, dans un entretien accordé au magazine City Press après sa rencontre avec le Roi : «Nous respectons leur position. Ils (les Marocains, ndlr) connaissent leur histoire mieux que nous».
Zuma parti, Cyril Ramaphosa n’a eu cesse, depuis 2018, de montrer sa méconnaissance profonde du dossier du Sahara marocain. L’actuel président sud-africain multiplie en effet les actes et déclarations hostiles envers le Maroc, entretenant le vent frais qui circule entre Rabat et Pretoria. Son dernier acte subversif : la réception, le 18 octobre courant, du chef du polisario, Brahim Ghali, en visite officielle dans son pays.
Ce n’est pas tant l’accueil de ce séparatiste qui dérange, encore moins le tapis rouge qui lui a été déroulé et tout le cérémonial haut en couleurs qui a eu lieu. Non, l’Afrique du Sud est un Etat souverain. Et en tant que tel, Ramaphosa reçoit qui il veut sur son sol. Ce que l’on ne conçoit pas, c’est qu’au détour de toute cette mise en scène très cosmétique, le président sud-africain se lâche pour attaquer le Maroc.
«L’occupation illégale du Sahara occidental par le Royaume du Maroc est un sujet de préoccupation tant pour l’Afrique que pour la communauté internationale», a-t-il affirmé. «Tant que le peuple du Sahara occidental ne sera pas en mesure d’exercer son droit à l’autodétermination, la décolonisation de l’Afrique sera incomplète. En tant que pays dont la liberté a été atteinte avec l’aide du soutien et de la solidarité internationale, l’Afrique du Sud est aux côtés du peuple sahraoui dans sa lutte contre l’occupation illégale», a-t-il ajouté.
Réaction cinglante du Maroc
L’on se doute bien que le Maroc n’allait pas passer sous silence cette offense. Ou plutôt cette contrevérité qui témoigne soit d’une myopie intellectuelle, soit d’une volonté malsaine de travestir l’Histoire. Et c’est avec une pointe d’ironie que le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger a affirmé «qu'un torchon ou un tapis rouge ait été dressé n’altère en rien le dossier, mais exprime plutôt l’incapacité à influer». Nasser Bourita, qui s’exprimait le 20 octobre lors d'un point de presse à l'issue d'un entretien avec son homologue belge Hadja Lahbib, ne se trompe guère lorsqu’il ajoute qu'avec «tous les développements qu'a connus le dossier, l'Afrique du Sud se retrouve du mauvais côté de l'histoire». Parfaitement. Surtout que le processus en cours prône une solution dans le cadre onusien.
«Une solution basée sur la légitimité internationale, et qui distingue un Etat d'une milice, un drapeau d’un torchon, c’est ce que les gens attendent d’un pays crédible», a-t-il souligné.
En cela, Pretoria soutient depuis 2005, date à laquelle il a reconnu l’entité fantoche, une coquille vide. Une milice décrédibilisée à l’international, qui porte en bandoulière un profond sens du trafic et de la concussion. Et Bourita de rappeler qu’en 17 ans, 20 pays ont retiré leur reconnaissance à la fantomatique «rasd»; 10 en Afrique, dont 7 dans le voisinage de Pretoria. De même, «l’Afrique du Sud constate que la moitié du continent africain (23 pays) a ouvert des consulats dans les provinces du Sud, dont plusieurs pays issus de son voisinage direct et de sa région», précise le chef de la diplomatie marocaine. De plus, poursuit-il, 90 pays, dont la Belgique, et près de 10 autres pays européens expriment aujourd'hui une position positive par rapport au plan d'autonomie que le Maroc a présenté en 2007. «De ces 90 pays, 30 sont des pays africains qui adoptent la même attitude positive», précise le ministre.
Une certaine ingratitude
L’attitude hostile de l’Afrique du Sud à l’égard du Royaume n’est pas surprenante pour qui suit de près le dossier du Sahara marocain. Pour preuve, ce pays avait notamment abrité en mars 2019, au siège de son ministère des Relations internationales, une conférence de soutien aux séparatistes du polisario. Raison pour laquelle, selon Bourita, «le Maroc n'est pas surpris par ce qui se produit, c'est quelque chose à laquelle on s'est habitué, et qui n'a aucun effet».
Non seulement Pretoria adopte une posture qui est à l’encontre de celles de l’ONU et de l’Union africaine, mais il y a un fort relent d’ingratitude dans son comportement vis-à-vis du Royaume. Car même avec une mémoire qui s’use avec le temps, les dirigeants sud-africains ne peuvent oublier le soutien apporté par le Maroc à la lutte de ce peuple contre le régime de l’apartheid. Mieux encore, le leader historique sud-africain Nelson Mandela avait été accueilli dans le Royaume au début des années 1960. N’insultez donc pas l’Histoire !
Et, surtout, il ne faut pas croire que Pretoria peut continuer à se dresser en ennemi de l’intégrité territoriale du Royaume sans conséquences. Notamment sur le plan des affaires. Si la dimension économique des deux pays sous-tend de travailler ensemble pour développer un modèle de coopération interafricaine et de coopération sud-sud, le comportement de l’Afrique du Sud «nuit aux relations bilatérales et à tout ce qui a été construit, notamment dans les milieux économiques», souligne Bourita. Précisant, d’un ton ferme, qu’«une entreprise sud-africaine ne peut gagner de l'argent au Maroc en restant les bras croisés face aux agissements de son gouvernement». Une précision qui fait écho à la présence de la compagnie d’assurance sud-africaine Sanlam au Maroc. Et qui s’inscrit dans la droite ligne du discours du Roi du 20 août, dans lequel le Souverain avait affirmé que «le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international». Transparent pour qui sait lire.
F. Ouriaghli