La médiathèque de la Fondation de la mosquée Hassan II, a abrité une conférence de belle facture donnée par le penseur et écrivain marocain, Abdelhak Najib, jeudi, 30 janvier 2025. Une rencontre qui a levé le voile sur plusieurs zones d’ombre en relation avec la place de la culture et des arts au cœur de la société marocaine.
La rédaction
La Fondation de la Mosquée Hassan II et les éditions Orion ont organisé une rencontre-conférence sous le titre : « Quel rôle pour les arts plastiques au sein de la société? ». Une soirée sous le signe de l’analyse de ce que les arts plastiques peuvent apporter à la fois comme éclairage et comme lecture des ramifications complexes de toute société où l’art et la création artistique peuvent avoir un impact positif sur les mentalités et sur les individus.
Abdelhak Najib nous a invité, durant trois heures de conférence, dans son style habituel, à la fois simple et profond, avec de belles références littéraires, philosophiques, artistiques, toutes cultures confondues, pour un voyage à travers ce que les arts et la culture, ce que la création et la créativité peuvent apporter à la société marocaine, à un moment où celle-ci est envahie de toutes parts par la médiocrité et la futilité tous azimuts. Pour Abdelhak Najib dont on connait, depuis plus de trois décennies, tout le travail et l’apport à la culture, les choses sont simples : « sans arts et sans culture, la société marocaine, déjà malmenée par la trivialité et l’insignifiance, commet un attentat contre elle-même en versant dans la bêtise, le vide, la stupidité, l’ignorance sous couvert de célébrité. Une société qui refuse de s’éduquer est une société qui se meurt. Et dans le monde le monde où l’on vit aujourd’hui, à cette époque précise, refuser le savoir est un choix.
Choisir la connerie est un crime contre le bon sens », assène le penseur marocain, connu pour son franc parler et ses positions claires et sans compromis sur la médiocratie ambiante, aujourd’hui érigée comme exemple au sein de la société marocaine.
En effet, cette rencontre axée sur plusieurs ouvrages signés par Abdelhak Najib, comme «Ce que m’ont dit les peintres», «Le temps du rêve », «Couleurs en archipel», «Nuances chromatiques» et «Les grandes figures de la peinture au Maroc» a également été une promenade intellectuelle dans une pinacothèque marocaine accompagné d’un guide précis et clair, qui nous ouvre des portes pour nous faire entrer en contact avec les artistes marocains ainsi mis à nu et du rôle qu’ils jouent au cœur de la société en apportant des éclairages, des visions et d’autres manières de voir la réalité et ses ramifications.
On le sait, Chez abdelhak Najib, l’écriture recherchée et complexe plonge le lecteur attentif à l’art dans les mondes, les coeurs et les entrailles des peintres et en filigrane à la vie culturelle marocaine. Il s’agit en effet d’une plongée au fond des œuvres et des choix esthétiques des peintres concernés en montrant ce qu’ils ont donné à la complexité de la culture marocaine, dans toutes ses manifestations. Cette conférence a de fait eu les allures d’un essai par excellence, où Abdelhak Najib puise dans différents registres et genres littéraires : de l’article de presse au roman en passant par la biographie, le livre d’histoire ou encore l’encyclopédie.
Comme le précise Imane Kendili lors de son analyse de «Couleurs en archipel », « Fidèle à sa logique de traiter la peinture, Abdelhak Najib, qui écrit sur le sujet depuis plus de trois décennies, nous met face à ce qui sous-tend la toile, dans sa complexité, sans jamais donner dans les interprétations toutes faites si répandues dans le paysage «critique» à la marocaine, avec des schémas préétablis pour faire la lecture de tous les artistes et de leurs œuvres à partir du même prisme de la symbolique et de la sémiologie des couleurs.
Une méthode analytique, qui, il faut le dire, reste à la surface des œuvres et leur assigne des interprétations souvent erronées et passe-partout, à telle enseigne que, souvent, on peut changer les noms et les dates, et le texte demeure le même pour tous les artistes traités! ». Abdelhak Najib, critique d’art chevronné, qui connaît très bien les artistes dont il parle pour les avoir fréquentés, pour être l’ami de certains d’entre eux connaissant leurs univers si éloignés les uns des autres, nous prend par la main pour nous faire visiter des ateliers et des lieux de fratricide. Une proximité qui permet à l’auteur de ces analyses d’être au plus près de l'œuvre dans son évolution à travers les périodes picturales et les influences qui surviennent en cours de route. C’est dans ce sens que le critique d’art part des œuvres elles-mêmes, de leurs compositions, de la recherche chromatique de chaque artiste, dans sa singularité, dans son travail intrinsèque qui le différencie des autres et apporte un regard multiple à toute cette production picturale au Maroc aujourd’hui.
C’est aussi grâce à cette connaissance profonde et cette maîtrise de son sujet que Abdelhak Najib nous a gratifié d’une très belle soirée d’échange et de partage mettant en exergue ce qui caractérise la société marocaine et ce qui lui fait défaut dans sa relation avec les arts et la culture, qui sont des leviers importants pour échafauder un tissu social solide et pérenne. Pour Abdelhak Najib, il est crucial de « revoir nos conceptions et nos visions de la place que doit occuper la culture au sein de la société marocaine. Celle-ci doit faire partie d’un véritable projet de société où la culture tient son rang et ne sert plus de la cinquième roue du carrosse, qui pense que la culture est un accessoire et non une priorité ».