Une manière subtile d’amadouer les esprits rebelles : flatter leur égo, louer leur engagement citoyen, vanter leur civisme. A cet exercice, il n’y a pas meilleur que le chef du gouvernement. Du moins, c’est ce qu’il a montré lundi dans le cadre de la séance mensuelle de politique publique à la Chambre des représentants consacrée au Projet de Loi de Finances 2023.
Aziz Akhannouch s’est en effet taillé un costume de laudateur des entreprises exemplaires. Pas les 80% d’entreprises qui échappent au paiement de l’impôt sur les sociétés. Celles-là, il les snobe, préférant mettre en orbite celles qui paient régulièrement : ces 20% d’entreprises qui s’acquittent de 80% de l’IS au Maroc.
Dans le cadre du PLF 2023, le gouvernement entame une réforme globale de l’IS, pour s'acheminer graduellement vers l'unification du taux de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 20% d’ici quatre ans. Sauf que parallèlement, il accentue la pression sur les grandes entreprises et les établissements de crédit, avec pour objectif de faire payer davantage ces bons contribuables. Les grandes boîtes dont les bénéfices nets dépassent 100 millions de dirhams devront ainsi s’acquitter d’un taux d’IS de 35% (vs 31% actuellement).
Pour les établissements de crédit et organismes assimilés, Bank Al-Maghrib, la Caisse de dépôt et de gestion et les compagnies d'assurances et de réassurance, le taux d’’IS sera porté à 40% (vs 37% actuellement). L’arithmétique fiscale adoptée consiste, d’un côté, à augmenter progressivement le taux d'imposition des grandes entreprises et maintenir la contribution sociale de solidarité sur les bénéfices et les revenus au titre des trois prochaines années, et d'autre part, à alléger la pression fiscale sur les salariés et les retraités.
Ainsi présentée par Akhannouch, cette réforme de l’IS est a priori plus digeste et mieux acceptée par l’opinion publique. Elle s’inscrirait dans plus de «justice et d’équité fiscales», et traduit, selon le chef du gouvernement, «le civisme fiscal dont ont fait preuve les entreprises ayant réalisé des bénéfices, afin de contribuer à réduire l'écart entre les revenus et les charges du budget général». «(…) Les Marocains se souviendront qu’en pleine crise, les entreprises ont joué un rôle», ajoute-t-il, comme pour dire que tout le monde doit participer à l’effort de guerre.
Pas sûr pour autant que les grandes entreprises et autres établissements de crédit soient ravis de payer plus d’IS. Car, justement, en termes d’équité, il y a à redire. Puisque tout le monde ne participe pas à cet effort de guerre, beaucoup d’entreprises échappant à cet impôt. L’assiette fiscale est en effet biaisée non seulement par la persistance de certaines pratiques, comme la sous-déclaration du résultat fiscal, mais également par la faible intégration du secteur informel. Ce qui induit forcément un maintien à un niveau élevé de la pression fiscale. Dans son rapport sur les statistiques des recettes publiques en Afrique, l’OCDE classe le Maroc au 4ème rang des pays aux taux de pression fiscale les plus élevés (27,6%, y compris les charges sociales).
Par D. William