Le haut-commissariat vient de publier une étude intitulée «Pandémie Covid-19 dans le contexte national : Situation et scénarios».
Cette analyse ne prétend nullement apporter des conclusions définitives à la crise actuelle, mais plutôt de proposer une contribution constructive aux débats sur les options de sortie de crise, étant donné qu’aucun modèle ne peut appréhender toute la complexité de la propagation de cette maladie, indique le HCP. Résumé.
Cette pandémie touche la population différemment selon l’âge et selon l’existence d’une maladie chronique, ce qui amène à procéder à sa répartition par rapport à ce double critère. Parallèlement, il est également important de distinguer la population engagée dans l’économie représentée par les actifs occupés.
Avec près de 36 millions d’habitants, la population au Maroc est relativement jeune, enregistrant un âge moyen de 31,9 ans et composée de 7,4% d’individus âgés de 65 ans et plus.
La population active occupée s’élève à 10,7 millions d’individus.
Il s’agit de la population âgée de 65 et plus (2,6 millions, dont 1,7 millions souffrant au moins d’une maladie chronique) et de la population âgée de moins de 65 ans et souffrant d’au moins une maladie chronique (5,8 Millions).La population qui serait la plus à risque d’hospitalisation ou de décès par rapport à la pandémie s’élève à 8,4 millions.
A contrario, et si on se limite à la frange de 15 à 64 ans, 18,6 millions d’individus ne présentent pas de maladie chronique et sont considérés à moindre risque.
Parmi les 10,5 millions d’actifs occupés de moins de 65 ans, on estime que 7,9 millions n’ont aucune maladie chronique.
Situation de la pandémie
L’application rapide des mesures sanitaires pour freiner la maladie a donné un visage tout à fait différent à sa propagation. Ainsi, au 09 mai, la situation de la pandémie montre que le nombre de cas confirmés positifs cumulés a doublé durant les 16 derniers jours et atteint 5.910 cas.
Par contre, le nombre des cas infectés actifs affiche 3.263 cas, témoignant de l’augmentation des guérisons qui représentent désormais 41% des cas confirmés positifs cumulés.
Le taux de létalité a continué sa baisse à 3,1%* (186 décès) grâce au dispositif de diagnostic précoce et des traitements mis en place.
Enfin, grâce à l’augmentation du nombre de tests, le taux de positivité a diminué de 20% au début de confinement à moins de 10%.
L’analyse de l’évolution du nombre de reproduction (R) montre que les mesures préventives, notamment la fermeture des frontières et des écoles, ont contribué à la chute du nombre de reproduction de 2,7 à 1,36 entre le 14 et le 20 mars.
Le confinement sanitaire a contribué également à la diminution du nombre de reproduction à un niveau à peine au-dessus de 1 le 6 mai, ce qui tend vers le seuil de maîtrise de la pandémie.
Cette tendance baissière du nombre de reproduction serait maintenue en supposant une observation continue des mesures sanitaires : distanciation physique, autoprotection, tests et isolement.
1. Scénario de référence d’évolution naturelle
Ce scenario est un cas d’école qui suppose une évolution naturelle de la pandémie sans aucune barrière, qui s’étend ainsi à la majorité de la population jusqu’à ce qu’une immunité collective éventuelle soit acquise.
Ce scenario théorique permet en fait de mesurer les acquis des autres scenarios.
Ce scenario aboutirait à un pic de l’épidémie qui est atteint tôt avec un nombre très élevé de cas infectés, induisant une forte pression sur le système sanitaire et un taux de létalité élevé. Ce scenario se traduirait à terme par une contamination d’environ 80% de la population.
2. Scénario tendanciel
Ce scénario prolonge la situation actuelle toutes choses étant égales par ailleurs, c’est-à-dire toutes mesures déjà prises étant maintenues.
Le nombre de reproduction R0 pour ce cas de figure et ses paramètres sont estimés à partir des données réelles observées (voir tableau).
R0 étant de 0,76 (< 1), ceci signifie que la pandémie décroit et tend vers la disparition.
La simulation de la poursuite du confinement grâce au modèle mathématique utilisé aurait abouti aux impacts suivants :
Par ailleurs, du point de vu épidémiologique, tant qu’il n’y a pas un vaccin ou une immunité communautaire acquise, le SARS-COV2 continuera à se propager avec un risque de rebond.
Dès lors, il est nécessaire d’envisager des scénarios de déconfinement à impact économique et social positif, mais tout en contrôlant, d’une part, les risques de transmission et, d’autre part, la pression sur le système de santé national.
3. Scénario de déconfinement ‘’généralisé’’
Ce scénario envisage le déconfinement de l’ensemble de la population âgée de moins de 65 ans, non atteinte de maladie chronique (27,5 millions).
Ce scénario déclenché suppose un nombre 2.000 cas infectés actifs au moment du déconfinement.
Une fois cette population déconfinée, le nombre de contacts par jour augmente d’une amplitude estimée via le modèle mis en place de +64%, ce qui situerait le R0 à 1,248, en supposant le maintien des mesures d’autoprotection.
Une simulation sur cette base aboutirait à l’infection de 8% de la population en 100 jours.
Le système sanitaire serait submergé en 62 jours, avec seulement un taux d’hospitalisation de 10% des cas actifs.
Une variante de ce scénario sans application des mesures d’autoprotection aboutirait après 100 jours à un nombre d’infectés cumulés qui approcherait les 50% de la population. Le système sanitaire serait submergé en 28 jours, avec seulement un taux d’hospitalisation de 10% des cas actifs.
Ce cas de figure est de même nature que le scenario ‘’évolution naturelle’’
4. Scénario de déconfinement ‘’large’’
Ce scénario de déconfinement de la population active occupée âgée de moins de 65 ans et de la population âgée de moins de 15 ans, non atteinte de maladie chronique (16,7 millions), a pour objectif d’ouvrir l’économie avec en même temps un retour progressif des activités sociales.
Ce scénario suppose également un nombre de 2.000 cas infectés actifs au moment du déconfinement.
Ce déconfinement augmenterait le nombre de contacts par jour des sujets infectés de 24% et par conséquent accroitrait le nombre d’infections, portant le R0 à 0,94 dans le cas du maintien des mesures d’autoprotection.
La simulation donnerait dans cette situation 31.663 cas confirmés positifs en 100 jours, avec un pic de 3.200 cas infectés actifs.
Ce qui se traduirait par un besoin maximal de 3.200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation), de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs) et aboutirait à 1.266 décès (4% des infectés cumulés).
Une variante de ce scenario sans application des mesures d’autoprotection aboutirait, après 100 jours, à un nombre d’infectés cumulés qui monterait à plus de 844.000 cas.
Avec ces chiffres, la capacité nationale de réanimation serait submergée en 50 jours.
En 100 jours, le système sanitaire ne pourrait accepter en hospitalisation que 7% des infectés actifs.
5. Scénario de déconfinement ‘’restreint’’
Ce scénario suppose le déconfinement de la population engagée dans l’économie représentée ici par la population active occupée âgée de moins de 65 ans non atteinte de maladie chronique (7,9 millions).
Il a pour objectif d’ouvrir l’économie sans compromettre la population qui présente un risque élevé de développer des complications vis-à-vis de cette maladie.
Ce scénario suppose 2.000 cas infectés actifs au moment du déconfinement.
Dans ce cas de figure, le nombre de contacts par jour des sujets infectés augmenterait de 13%, avec un R0 de 0,864 et par conséquent accroitrait le nombre d’infections.
Ce scenario aboutirait à un niveau de 18.720 cas confirmés positifs cumulés en 100 jours, avec un pic de 3.200 cas infectés actifs.
Ce qui engendrerait un besoin maximal de 3.200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation des infectés actifs), de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs) et arriverait à 748 décès (4% des infectés cumulés).
Une variante de ce scenario sans application des mesures d’autoprotection donnerait, après 100 jours, un nombre d’infectés cumulés qui monterait à plus de 155.920 cas.
Dans ce cas de figure, en se basant sur la capacité nationale en terme de lits d’hôpital (7.765) et de réanimation (854) -source Ministère de la Santé-, il est ainsi estimé que la stratégie nationale d’hospitaliser 100% des cas infectés actifs atteindrait ses limites en 75 jours.
6. Comparatif des scénarios de déconfinement
Ce récapitulatif des scenarios de déconfinement donne la situation après une période de 100jours suivant leur déclenchement.