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«Les évadés de Tindouf», un film de Abdelhak Najib

«Les évadés de Tindouf», un film de Abdelhak Najib

L’écrivain et journaliste, Abdelhak Najib sort son premier long-métrage, intitulé : Les évadés de Tindouf. Un film qui raconte l’enfer des Marocains séquestrés à Tindouf. Une fresque pour l’histoire. 

 

Par Mounir Serhani 
Écrivain et universitaire 

 

Filmer l’histoire n’est jamais un exercice aisé. Raconter l’enfer de quelques séquestrés dans des camps de détenus à Tindouf requiert d’abord de la justesse dans le propos, un traitement sans fioritures ni emphase et surtout une acuité filmique sans failles. Autrement, on tombe, très vite, dans le pathos sur le mal incarné par l’ennemi et par l’angélisme de la patrie. Rien de tel dans le film, signé par un penseur, un écrivain et un journaliste de la trempe de Abdelhak Najib.

Il s’est d’abord appuyé sur des histoires vraies. Il a connu et fréquenté d’anciens détenus dans les prisons du Polisario. Il les a interviewés. Il a même porté à la Une d’un magazine dont il a été, durant de longues années, le rédacteur en chef, leur traversée des enfers. Ensuite, il a cherché, il s’est documenté, comme tout journaliste, digne de ce nom, doit le faire, avant de finir son scénario. Un scénario, évidemment, écrit par un écrivain de talent, qui va aux détails, qui insiste sur l’image et non le mot.

Un scénario sans le moindre temps mort, ni remplissage pour allonger les séquences. L’auteur va à l’essentiel et nous raconte le périple d’un groupe de femmes et d’hommes, qui ont passé plus de 25 longues années dans les prisons hors-la- loi du Polisario, sur le territoire algérien. Des femmes et des hommes, qui ont payé un lourd tribut à la barbarie, à l’injustice et à l’instrumentalisation des opinions publiques pour s’autoproclamer les autochtones d’une terre marocaine spoliée par l’Algérie, qui téléguide les mercenaires de la RASD. 

Le film suit le voyage d’un écrivain de 55 ans, qui a retrouvé le manuscrit inachevé de son père, mort sur le sable du Sahara marocain. Il décide de revenir sur le passé de son père, d’aller dans le désert, à la recherche de la vérité qui manque à ce manuscrit. Il veut trouver des preuves, des indices, rencontrer quelqu’un, capable de l’aider à finir l’histoire de son père. Comme si l’histoire se répétait, le fils écrivain arrive dans le Sahara et se perd à son tour, comme son père quand il avait réussi à s’évader, avant de rendre l’âme sur le sable et de se faire enterrer laissant ses os fleurir sur le sable changeant.

L’errance du fils fait écho à la traversée du désert du groupe des évadés, qui ont parcouru des centaines de kilomètres, à travers le vide, les dunes de sable, l’hostilité des lieux et l’infini désespoir de ne jamais y arriver. Le film suit ces différents paliers, avec plusieurs voies de narration. Le père, le fils et l’ami du père, retrouvé aux portes du vide, qui va mettre à rude épreuve l’écrivain venant compléter une histoire oubliée. Les voix off rythment ce récit filmique, rehaussé par la parcimonie des dialogues, qui disent ce qu’il faut en restant au plus près des âmes qui s’expriment dans la vérité des sentiments.

C’est cela le pari de ce film : la vérité et la véracité de ce qui est donné à voir. Ceci est accentué par les caractères et les personnages, brossés avec finesse, sans jamais grossir aucun trait. Ce qui rend les situations qui se jouent devant nous crédibles et sincères. On croit à ce fils qui erre à la recherche du passé enterré. On croit à cette mère qui a révélé un lourd secret à son fils sur son mari mort. On croit aux détenus face à la solitude des prisons et des cellules. On croit à ces femmes torturées et abusées qui n’ont rien cédé de leur détermination de retrouver leur terre, un jour. On croit aux tortionnaires qui rivalisent d’inventivité pour faire vivre l’enfer aux séquestrés. On croit au silence de l’infini désert qui avale les hommes et enterre des destins. On croit à cette musique qui donne à chaque séquence une forme d’élévation, au-delà de la mort. On croit, enfin, dans cette mise en scène, sans à-coups, adossée à un montage subtil, avec des raccords justes et rationnels. On croit, à la fin du film, à cette histoire de courage et de résilience, de quelques femmes et quelques hommes, qui n’ont jamais cessé d’espérer. 
 
Un film réalisé par Abdelhak Najib
Produit par Imane Kendili et Abdelhak Najib
En collaboration avec Lines Event 
Avec Mohamed Choubi, Driss Roukhe, Kamal Haimoud, Imane Kendili, Mouhcine Mountaki, Alia Bencheikh, Karim Oujil, Yassine Abdelkader, Mohamed Simoka…
 
En salles, le 6 novembre 2024.

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