Nous nous débrouillions tant bien que mal. On mangeait à notre faim, avec un minimum de frais.
L’essentiel était d’avoir le ventre plein et de ne pas trop s’attarder sur la qualité.
A raison de 300 DH par personne, pour un budget mensuel de 1.800 DH à gérer, y compris la bonbonne de gaz, il ne fallait pas faire la fine bouche.
Un budget destiné uniquement au dîner, seul moment où nous mangions vraiment à notre faim.
On sacrifiait volontiers le petit-déjeuner pour se contenter, en journée, pendant que nous étions tous à l’école, d’un sandwich.
Pas n’importe lequel : 9 fois sur 10 c'étaient des bocadios. Ils sont bourratifs et pas chers.
Sauf cas exceptionnel, le budget déjeuneur était toujours en dessous de 10 DH.
Si le dîner était le repas le plus attendu, il nous arrivait pourtant de nous en priver.
Non pas parce que le budget s’est épuisé en cours de route (ce qui arrivait d’ailleurs très souvent), mais simplement parce qu’il était immangeable.
Dès fois, ça ne passait pas du tout, surtout lorsqu’en mangeant nous avions l’impression de boire de l’eau de mer.
Alors, on se rabattait sur notre sauveur : les œufs. Toujours disponibles et faciles à préparer.
Nous en mangions tellement que nous finîmes par créer… nos propres recettes. Que nous étions peut-être les seuls à pouvoir manger.
Oui, les étudiants subsahariens étaient très imaginatifs en matière de mixture : œufs, mortadelle, tomates fraîches, sardine, oignons, persil… le tout recouvert de spaghettis trop cuits.
Il fallait oser. Mais peu importe. On faisait avec les moyens du bord.
D’ailleurs, à force de consommer des œufs, nous nous amusions à dire que si au Maroc les coqs mettaient des préservatifs, tous les étudiants subsahariens auraient péri, terrassés par la faim.
(A suivre)
D. W.